Noyade au lac Magog: « D’autres vont mourir à la même place que Sam ; ils ne le savent juste pas encore aujourd’hui »

TÉMOIGNAGE. Même si le vide demeure immense et que la douleur se ravive constamment, les proches de Samuel Brisebois ont appris, avec le temps, à vivre avec son départ tragique, survenu le 12 mars 2014. À ce moment, le motoneigiste circulait sur le lac Magog lorsque la glace s’est soudainement fracassée. Mais contrairement à d’autres personnes qui s’en sont sortis pratiquement par miracle, le jeune homme de 23 ans n’a jamais été en mesure de revoir la lumière du jour.

Claude Brisebois fait partie de ces personnes qui ont vu leur vie basculer du jour au lendemain, il y a dix ans, alors que ce drame est venu lui arracher ce qu’il avait de plus précieux. « Samuel était mon enfant unique. Quand je parle de lui, ça me fait mal en dedans, mais en même temps, ça le rend en quelque sorte vivant. Et ça me fait du bien, malgré la douleur qui vient avec », partage M. Brisebois.

Ce dernier a accepté notre demande d’entrevue dans un espoir de sensibilisation, alors que les dernières semaines dans la région ont été passablement mouvementées sur les plans d’eau gelés. À quelques jours d’intervalle, un pêcheur sur le lac Memphrémagog et deux jeunes quadistes au lac Magog ont frôlé la mort dans des circonstances similaires.

Des événements qui ravivent évidemment de douloureux souvenirs pour M. Brisebois. « Chaque fois que j’entends une histoire du genre, ça me ramène à cette journée d’horreur, lorsque l’accident s’est produit. C’était un soir de tempête et il faisait très froid, sous les -20 degrés. Samuel était seul et avait perdu ses repères en raison des rafales de neige, et en plus, il faisait noir. Et il est arrivé ce qui est arrivé, même s’il connaissait très bien l’endroit. »

De son côté, la mère de Samuel, Chantale Blanchet, souffre encore beaucoup lorsqu’elle repense à cette soirée fatidique. Elle avait d’ailleurs fortement suggéré à son fils d’éviter le lac en raison des conditions météorologiques qui sévissaient. « Il était venu souper avec moi, ce soir-là. Au moment de repartir, je l’avais mis en garde de contourner le lac, mais il a décidé d’y aller quand même en me disant : « inquiète-toi pas, maman ». Quand on est jeune, on se sent invincible en pensant que des accidents, ça n’arrive qu’aux autres. Et on connaît la suite. »

Des bouées comme solution ?

Ce secteur en question est situé à l’embouchure du lac et la rivière Magog, où toute circluation est à proscrire en raison de la fragilité des glaces, et ce, durant toute la saison hivernale. Si cette zone à risque est bien connue par les utilisateurs du lac et les riverains, elle n’en reste pas moins dangereuse.

D’ailleurs, les deux quadistes qui ont réussi à sortir des eaux glacés in extremis, le 16 février, se trouvaient non loin de cet endroit.

« Après l’accident, on avait fait des démarches auprès d’organismes pour que des bouées ou des balises flottantes soient installés à cet endroit, avec des écritures pour indiquer qu’il y un danger et prévenir d’autres noyades. Mais la réception n’avait pas été très bonne », se souvient l’homme.

« Quand on vit un drame, on sent le besoin de faire bouger les choses, c’est normal. Mais quand on essaie de se battre, de trouver des solutions et de cogner aux bonnes portes, on comprend vite que notre histoire n’est en fait qu’un simple fait divers aux yeux des autres. Tant qu’ils ne sont pas concernés, c’est difficile d’éveiller les consciences. D’un côté, je le comprends, mais c’est triste quand on sait qu’il existe des solutions simples qui pourraient faire une grande différence. »

Depuis l’accident qui a coûté la vie à son fils unique, Claude Brisebois revient par moments au lac Magog pour se recueillir.

D’autres noyades à l’horizon

À leur grand désarroi, Claude Brisebois et Chantale Blanchet sont convaincus que d’autres tragédies surviendront sur le lac Magog. Certains seront peut-être plus chanceux que d’autres, mais inévitablement, des familles seront plongées dans le même cauchemar qui afllige la sienne depuis bientôt une décennie. « Ce qui me surprendra toujours, c’est l’insouciance des gens. Et malheureusement, des noyades, il y en a eu avant Samuel et il y en aura après, se désole M. Brisebois. Que ce soit des jeunes, des adultes ou un groupe d’amis, d’autres vont mourir à la même place que mon Sam ; ils ne le savent juste pas encore aujourd’hui. »

La mère de Samuel espère de tout coeur que son témoignage fera réfléchir les gens, particulièrement ceux et celles qui ont l’esprit peut-être plus téméraire. « Avant de prendre des risques inutiles, il faut penser aux personnes qui nous aiment. Vous ne pouvez pas imaginer les répercussions immenses que le départ de Samuel a causé sur notre famille et ses amis, et c’est encore très difficile, même après tout ce temps. Quand on repense à toute cette souffrance et ces moments de douleur que nous avons vécu et que nous continuerons à vivre, simplement pour une partie de plaisir en motoneige. Toute cette souffrance aurait pu être si facilement évitée », partage Mme Blanchet.

Sachant qu’il n’est pas le seul père à devoir vivre avec un enfant qu’il ne verra plus jamais grandir, Claude Brisebois a appris avec le temps à vivre avec cette perte incommensurable dans son quotidien. Si cette aceptation peut paraître impensable à première vue, il explique pouvoir compter sur une source d’inspiration qui lui a, peut-être, sauvé la vie. « Mon gars était un exemple de détermination et un travailleur acharné. Pour lui, il n’y avait rien d’impossible et les mots « pas capable », ça n’existait pas. Cette volonté qu’il avait, ça m’a toujours guidé pour vivre mon deuil. J’ai toujours essayé d’avoir la même attitude que lui, même si l’épreuve à surmonter était totalement épouvantable », conclut le Sherbrookois.