Michèle Plomer : une miraculée sauvée par sa communauté

PERSONNALITÉ. Une collision frontale a complètement chamboulé la vie de Michèle Plomer, en avril 2022. Pour la première fois, cette miraculée raconte publiquement son émouvante histoire, 20 mois après avoir passé à un cheveu de la mort et de la paralysie.

Autant sur les plans physique que psychologique, c’est dans une forme splendide qu’elle accepte de s’ouvrir, un peu comme l’autrice qu’elle est, qui se dévoile à travers chacune de ses pages de livre.

C’est avec son chien Bruno qu’elle se rend à Waterloo sous la pluie battante pour acheter du lait de soya en spécial. Au retour vers Eastman sur la route 112, un véhicule faisant de l’aquaplanage apparaît soudainement devant sa voiture à la hauteur de Stukely. Le conducteur de 24 ans perd la vie.  » Dans mon esprit, j’étais morte moi aussi « , témoigne-t-elle avec émotion.

Coincée dans son véhicule, Michèle Plomer est rapidement rassurée par une voix féminine venue m’aider et l’arrivée des secours.  » Je me savais en piteux état et incapable de bouger, mais j’ai décidé de lutter et de rester en vie dès que j’ai vu les yeux et entendu les paroles réconfortantes de mon ami et premier répondant d’Eastman, Daniel Lefebvre. C’est à partir de ce moment que j’ai décidé de dire oui à la vie, confie-t-elle. C’était le point de départ de l’appui de toute une communauté. « 

La pente fut toutefois lente à remonter pour soigner ses nombreuses blessures et fractures aux pieds, genoux, clavicule et poumon. Toutes les vertèbres étaient brisées. Une importante cervicale servant à soutenir sa tête était en mauvais état. Sa convalescence a duré quatre mois au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CHUS) et à l’hôpital magogois. Elle a porté un carcan-halo et une auréole pendant cinq mois pour immobiliser sa tête, car une intervention chirurgicale était trop risquée.

Sa convalescence s’est poursuivie dans sa maison louée à Eastman pendant plusieurs autres semaines. Elle s’y déplaçait en fauteuil roulant dans un espace adapté à sa nouvelle réalité.

« LA COMMUNAUTÉ M’A SAUVÉ LA VIE »

Sa joie de vivre lui a permis de lutter, mais elle remercie surtout son entourage, ainsi que les gens d’Eastman et du monde littéraire du Québec pour l’avoir soutenue avec autant d’amour.  » C’est la communauté qui m’a sauvé la vie, insiste-t-elle. Je n’ai jamais mangé un souper fait à l’hôpital pendant mon hospitalisation, car on m’apportait toujours un repas. Ces moments étaient très précieux, et cette grande présence s’est poursuivie à la maison, enchaîne-t-elle. Je n’ai jamais manqué de rien et je n’ai jamais eu à m’inquiéter pour payer mon loyer. « 

 » Cet accident aurait pu changer radicalement ma vie. J’ai eu un suivi psychosocial, car je craignais de rester handicapée. Frôler la mort aurait pu modifier également le sens de ma vie, mais j’ai décidé de conserver la passion qui m’allume depuis mon enfance, soit l’écriture. « 

 » Écrire est primordial, ma santé mentale en dépend. J’ai besoin de communiquer des histoires, mais l’écriture est aussi mon meilleur outil pour remercier mon entourage et les gens qui m’ont soignée et accompagnée à l’hôpital, du concierge jusqu’au neurochirurgien. »

TOUT A COMMENCÉ AVEC DES POÈMES D’ENFANT

Beaucoup de chemin parcouru, en effet, depuis l’époque où elle dévoilait ses poèmes  » ben poches  » à son père.  » L’écriture a toujours fait partie de moi, même si j’ai fait un détour vers la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke  » , se rappelle-t-elle.

Michèle Plomer est née dans un quartier ouvrier de Montréal, à deux pas du défunt parc Belmont. La culture était néanmoins présente dans le foyer familial, grâce à deux parents mélomanes. Elle a même vu Robert Charlebois en concert à 8 ans!

Elle découvre l’Estrie avec le droit. Elle travaille quelques années dans un bureau d’avocates de Cowansville, mais sans avoir fait son Barreau.  » Mais je n’étais pas à ma place dans ce domaine « .

Suit une maîtrise en Linguistique appliquée. Ce diplôme lui permet d’enseigner l’anglais à des étudiantes chinoises en Chine pendant quatre ans. Ces dernières étudiaient pour devenir de futures enseignantes d’anglais dans leur pays.  » Ce fut de très belles années, mais j’avais le goût de me rapprocher de ma mère, à Magog, et de savoir pourquoi mon premier roman  » Le jardin peuplier  » connaissait alors un certain succès, raconte-t-elle. C’est à ce moment que je tente ma chance d’écrire à temps plein. « 

UN PREMIER LIVRE ÉCRIT EN CACHETTE

 » Ce premier livre est sorti à l’aube de mes 40 ans, raconte-t-elle. Je l’ai écrit en cachette une journée par semaine pendant 10 ans. Il s’agit de mon unique roman publié pendant mon séjour en Chine, mais qui parle des Cantons-de-l’Est. « 

L’autrice de 58 ans a profité de son arrivée à Magog en 2007 pour rédiger des romans avec la Chine en trame de fond. Son second titre  » HKPQ  » a été écrit dans un logement situé au-dessus de la Pizzéria Orford, au centre-ville de Magog.

Son catalogue se compose de sept livres pour adultes et de deux livres jeunesse. La plupart de ses titres sont distribués dans toute la Francophonie. Un plus récent ouvrage intitulé  » Habiller le cœur « , qui retrace l’histoire de sa mère partie travailler dans l’Arctique à 70 ans, est en réimpression pour 2000 copies supplémentaires.

Certains de ses titres ont eu de belles ventes en librairie, en plus de remporter de multiples prix.  » Je suis très choyée et chanceuse de gagner ma vie à écrire, admet-elle. C’est un privilège, car lorsque j’écris tous les matins, je sais pourquoi j’existe. « 

Un de ses livres s’intitule  » À nos filles « , cosigné avec Justine Latour. Douze femmes, dont Manon Barbeau, Marie-Claire Blais et Paule Baillargeon, s’adressent aux jeunes filles québécoises. Ce titre était déjà complété avant son accident de la route, mais il est sorti pendant sa convalescence. Inutile d’insister sur le fait que la tournée de promotion avait une connotation particulière.

DES EASTMANOIS BIENTÔT EN VEDETTE DANS UN LIVRE

Michèle Plomer tient à rendre hommage à la communauté d’Eastman, là où elle a habité quelques années avant de s’établir à North Hatley depuis peu, à sa façon.  » Je veux les remercier et les mettre en vedette dans un livre que je prépare. Ce livre de fiction est tiré de rencontres entre jeunes et personnes aînées d’Eastman. C’est la façon que j’ai trouvée pour parler de gens qui m’ont sauvée. Ces échanges intergénérationnels furent mémorables et bénis « , ajoute celle qui rédige actuellement ce livre qui sortira à une date indéterminée pour l’instant.

Mme Plomer a aussi profité de 2023 pour poursuivre les activités de sa maison d’édition Chauves-souris, de concert avec son amie Anne-Brigitte Renaud, qui se spécialise dans la littérature jeunesse. Sept livres composent actuellement ce catalogue.

 » 2023 fut une année de lumières. Les vents ont soufflé du bon côté. Ces derniers mois ont été des moments où j’ai rencontré plein de gens pour la première fois après mon accident. Beaucoup d’émotions et de larmes étaient au rendez-vous. Je suis devenue une messagère positive de mon histoire et de la qualité des soins offerts dans le réseau de la santé. «