Prolifération incontrôlable de la moule zébrée au lac Memphrémagog

ENVIRONNEMENT. Sept récentes journées intensives de plongée confirment que le lac Memphrémagog est bel et bien aux prises avec une reproduction exponentielle de la moule zébrée. Elles tapissent les fonds sous-marins de la baie de Magog et elles frappent aux portes des entrées d’eau potable des villes de Magog et de Sherbrooke.

La Municipalité de Magog et le groupe Memphrémagog Conservation Inc. (MCI) sont très inquiets. «C’est préoccupant, car il y en a plus que l’an dernier, prévient la biologiste et directrice générale du MCI, Ariane Orjikh. C’est la pire espèce envahissante pour un lac.»

La coordonnatrice de la division Environnement de Magog, Josiane K. Pouliot, partage les mêmes maux de tête. «On a raison de s’inquiéter, car la prolifération est incontrôlable, enchaîne-t-elle. Tous les usagers du lac devraient comprendre qu’ils ont individuellement une responsabilité pour obligatoirement laver leur embarcation avant de naviguer, car la facture pour freiner la reproduction grimpera sans cesse.»

Selon plusieurs études consultées par le magazine L’actualité en mai dernier, la facture pour gérer les plantes exotiques et animaux envahissants pourraient avoisiner les 30 milliards de dollars annuellement pour le Canada. «Pêches et Océans Canada évalue que la colonisation du lac Memphrémagog par la moule zébrée coûtera à elle seule de 513 à 681 millions de dollars de 2024 à 2043.», lit-on.

UN INQUIÉTANT CONSTAT PRÉLIMINAIRE

Ariane Orjikh (MCI) était dans l’équipe de plongée, qui avait comme mandat de récolter des moules afin de mesurer leur densité, leur présence et leur reproduction. Les résultats finaux suivront plus tard, mais un « inquiétant constat préliminaire» se dégage déjà quelques jours après la sortie de l’eau. 

Selon elle, la prolifération et la reproduction se propagent surtout près des îles Les Trois Soeurs et à proximité de l’entrée d’eau potable de la Ville de Sherbrooke. «Ça confirme que les moules zébrées envahissent progressivement le lac Memphrémagog, car le portrait s’est détérioré depuis nos plongées de l’automne 2021, résume-t-elle. Les petites moules ont grandi et se reproduiront très bientôt.»

L’équipe a aussi détecté pour la première fois des moules zébrées à Vale Perkins (Potton), Cedarville (Ogden) et Georgeville, mais dans une moins grande mesure que dans la baie de Magog. Le MCI prévient qu’il faut aussi surveiller l’évolution à ces emplacements, car on y retrouve aussi des entrées d’eau potable publiques et privées.

Une facture salée pour de petites municipalités

Ariane Orjikh prévoit malheureusement des factures salées pour freiner cette prolifération, plus particulièrement lorsque cette espèce envahissante colmatera les infrastructures municipales, comme les entrées d’eau potable. «Ce n’est qu’une question de temps, car on a retrouvé des moules sur les grillages des entrées d’eau des villes de Magog et de Sherbrooke, l’été dernier, s’inquiète-t-elle. On y retournera d’ici quelques semaines pour vérifier la reproduction, mais on aura besoin d’aide des gouvernements à court terme en ressources humaines et financières. Les petites villes et les bénévoles ne pourront y arriver seuls.»

Le MCI s’inquiète aussi des multiples autres conséquences négatives relativement à la présence de la moule zébrée. La biologiste cite notamment le colmatage des frayères de touladis, une transparence accrue de l’eau qui provoque des hausses de chaleur, la réduction des herbiers et moins de nourriture pour les espèces indigènes. «Elles chamboulent complètement l’écologie et la biodiversité du lac», craint-elle.

Les plongeurs reconfirment aussi une importante présence de moules zébrées au lac Magog, plus particulièrement près de la descente à bateau du secteur Deauville et à proximité du club de voile. «Il y a eu moins de reproduction, mais ce n’est qu’une question de temps avant que ça prolifère, surtout que la moule est très présente en aval du barrage La Grande-Dame sur la rivière Magog», prévient la directrice du MCI.

Autre texte sur les moules qui frappent à la porte de l’usine de filtration d’eau de Magog ici.