Daniel Poirier et Jean-Thomas Boily : leur terrain de jeu n’a pas de frontière

PERSONNALITÉS. Chacun à leur façon, Daniel Poirier et Jean-Thomas Boily sont des apôtres de l’accessibilité sportive. Le premier, par son désir de promouvoir des activités hors-norme et des terrains de jeu inexplorés; le second, par sa capacité à pratiquer plusieurs sports et à mener une vie plus qu’active, malgré sa mobilité réduite.

Copains depuis l’adolescence, Daniel et Jean-Thomas, qui viennent de franchir la cinquantaine, ont participé à plusieurs événements sportifs au cours des 30 dernières années. Parallèlement, ils ont cofondé le groupe Endurance Aventure vers 2005, afin d’organiser et de promouvoir leurs propres événements.

En 20 ans, ils ont chapeauté quelque 200 compétitions ou raids d’aventure, tout en réalisant une cinquantaine d’émissions pour la télé québécoise et le marché international. « Il y a d’excellents organisateurs au Québec, mais nous, on a décidé d’ajouter un volet télévisuel, afin de promouvoir les régions qu’on visite. On estime que c’est un atout supplémentaire quand ton événement est présenté dans plus de 150 pays », fait valoir Daniel Poirier.

Et très souvent, ce sont des athlètes qui sont mis à l’avant-plan, beaucoup plus que la compétition en elle-même. « On aime bien suivre des participants qui ont une histoire et qui méritent d’être connus sous un autre angle », poursuit M. Poirier.

« Par exemple, lors de nos derniers GBC 500, on a fait un segment sur Christian Vachon et sur tout ce qu’il fait pour les enfants avec sa fondation. On a aussi mis en lumière le parcours de Serge Dugas, qui a pris part à notre épreuve cycliste à l’âge de 70 ans. Et on a aussi rappelé que ce gars-là avait plusieurs Jeux olympiques à son actif à titre d’entraîneur de l’équipe nationale de ski alpin, ce que plusieurs ignorent encore. »

Plus fous que la moyenne

La mention « Pour des athlètes un peu plus fous que la moyenne » colle bien aux compétitions d’Endurance Aventure, qui sortent toujours de l’ordinaire et qui réservent de nombreuses surprises (tyrolienne, traversée d’une rivière, saut du haut d’une falaise, etc.) aux participants.

Ces derniers doivent aussi être prêts à affronter plusieurs disciplines durant une même journée, que ce soit du vélo de montagne, du kayak gonflable en rivière, de l’escalade ou de l’orientation en forêt. « On aime faire connaître de nouveaux sports, mais on aime particulièrement faire découvrir des coins inconnus », fait valoir Jean-Thomas Boily, originaire d’Orford.

Les organisateurs se font aussi un devoir d’accueillir aussi bien les derniers athlètes à franchir le fil d’arrivée que ceux qui se retrouvent en tête. « Celui qui termine à la fin a autant de mérite que le détenteur de la première position. On s’assure que tous les athlètes aient du plaisir et qu’ils aient quelques anecdotes à raconter à la fin la journée », disent-ils avec un sourire en coin.

Au-delà des frontières… même en Chine

Depuis une vingtaine d’années, le duo Boily-Poirier parcourt les quatre coins du Québec afin de trouver de « nouveaux terrains de jeu ». Au fil des ans, ils ont déposé leur matériel au Nunavuk, en Basse-Côte-Nord, en Gaspésie et en Abitibi-Témiscamingue. En Estrie, on leur doit entre autres le triathlon extrême CanadaMan/Woman à Lac-Mégantic et le GBC 500/250 km, un défi de vélo de gravelle qui sillonne les routes de campagne des Cantons-de-l’Est.

Leur expertise dépasse également les frontières avec l’organisation d’une dizaine d’événements en Chine. « Avant la pandémie, on y allait très régulièrement. C’était très particulier de se retrouver dans la jungle chinoise, la première fois, pour organiser un raid d’aventure. On se lançait dans une culture totalement inconnue, mais avec des gens tellement gentils », dit Jean-Thomas. 

Déchiré entre l’école et le sport

Originaire de la Rive-Sud de Montréal, Daniel Poirier est arrivé en région (Saint-Étienne-de-Bolton) à l’âge de 14 ans… après s’être fait expulser de son collège privé.

« On a déménagé, car je devais absolument changer d’école », raconte-t-il sur un air amusé.

Adolescent plutôt turbulent à l’époque, il ne ralentit guère à son arrivée à l’école secondaire de La Ruche. « Chaque fois qu’il y avait une journée de grands vents, je séchais mes cours et j’allais faire de la voile sur le lac Memphrémagog », avoue-t-il.

Amateur d’escalade, il a même eu maille à partir avec les forces de l’ordre en raison de ses projets un peu fous. « Durant une journée pédagogique, je me suis fait arrêter sur le toit de l’école alors que je m’en allais faire du rappel. Deux jours plus tard, je me suis fait intercepter par le même policier en me rendant au Mont-Orford. Je m’en allais escalader les pylônes des télésièges », relate-t-il en riant.

« J’ai peine à croire tout ce qui me passait par la tête à cette époque. Heureusement, mes enfants n’ont jamais eu de plans aussi fous que les miens », poursuit-il sur le même ton.

Cette envie de bouger aura tout de même permis à Daniel Poirier de vivre plusieurs compétitions de haut niveau, que ce soit le mythique triathlon Ironman d’Hawaï ou encore différents raids internationaux, et de paver la voie à sa carrière d’organisateur.

Un virage abrupt

Également attiré par les sports, Jean-Thomas Boily brillait lui aussi par son absence lors de certaines journées d’école, particulièrement durant les tempêtes de neige. « Il n’y avait pas de sport-études à cette époque alors on se faisait nous-même un programme sportif; dès qu’il neigeait, on allait skier à la montagne ».

« Mes parents me disaient toujours que je pouvais faire ce que je voulais, pourvu que j’aie de bons résultats scolaires ».

La vie sportive de Jean-Thomas Boily prend un virage abrupt, à l’âge de 15 ans, lorsqu’il est victime d’un accident de ski alpin au Mont-Orford. Blessé à la colonne vertébrale, il devient paralysé des membres inférieurs du jour au lendemain. « J’étais encore à l’hôpital lorsque j’ai commandé un fauteuil de compétition. Il fallait que je puisse continuer à faire du sport.

« À ma sortie, j’ai eu la chance de rencontrer André Viger et c’est lui qui m’a initié à l’athlétisme en fauteuil roulant », raconte-t-il sur un ton reconnaissant.

Compétitionnant sur piste en compagnie d’autres athlètes estriens comme Diane Roy et Carl Marquis, Jean-Thomas Boily s’initie également à d’autres sports adaptés comme la voile, le ski de fond et le vélo. « J’ai acheté l’un des premiers vélos de montagne sur le marché en 2005 et je l’ai toujours, même si les modèles se sont beaucoup améliorés depuis ce temps. »

Sa polyvalence lui permettra de vivre de nombreuses aventures sportives et surtout, de prendre part aux Jeux paralympiques de Turin, en 2006.

« Lorsque j’ai eu mon accident, il y avait très peu de sports disponibles pour les personnes en fauteuil roulant. Mais aujourd’hui, on a accès à une foule de disciplines, autant en hiver qu’en été. Il suffit de trouver l’équipement adapté à sa condition et la mobilité réduite n’est plus un obstacle », fait-il valoir avec son éternelle bonne humeur.