Une cheffe nationale intérimaire est désignée à l’Assemblée des Premières Nations

L’Assemblée des Premières Nations a désigné une nouvelle cheffe intérimaire, en attendant que l’organisme élise la personne qui remplacera RoseAnne Archibald, la cheffe nationale évincée fin juin.

C’est Joanna Bernard, cheffe régionale de l’Assemblée des Premières Nations pour le Nouveau-Brunswick, qui a été choisie par le Comité exécutif de l’APN en attendant l’élection de la personne qui remplacera Mme Archibald, lors d’une assemblée extraordinaire en décembre prochain.

La décision du Comité exécutif de l’APN intervient avant l’assemblée générale annuelle, cette semaine à Halifax, où des centaines de dirigeants autochtones doivent se réunir pour la première fois depuis que Mme Archibald a été évincée.

Mme Archibald a signalé qu’elle pourrait assister à cette assemblée générale, de mardi à jeudi, et elle demande aux chefs de la réintégrer dans ses fonctions.

La cheffe nationale a été relevée de ses fonctions lors d’un vote de confiance pendant une assemblée extraordinaire des chefs, le 28 juin, en mode virtuel. 

Elle avait été visée par une enquête suite à des plaintes déposées contre elle par des membres du personnel de l’APN. La résolution a été adoptée avec le soutien d’environ 70 % des participants à l’assemblée extraordinaire.

Scott McLeod, chef de la première nation Nipissing, en Ontario, a voté pour évincer l’ancienne cheffe nationale, après avoir pris connaissance du résumé de l’enquête, qui avait examiné cinq plaintes contre Mme Archibald. L’enquête a conclu que certains de ses comportements constituaient du harcèlement et qu’elle n’avait pas respecté la confidentialité. L’enquête a aussi conclu que la cheffe nationale avait enfreint la politique de l’APN, notamment en exerçant des représailles contre les plaignants.

Cependant, selon le chef McLeod, l’enquête a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase après plus d’un an de chaos qui, selon lui, entravait tout progrès au sein de l’organisation qui représente plus de 600 communautés des Premières Nations à travers tout le pays. «Il semblait de plus en plus que nos assemblées se révélaient toujours être des querelles internes plutôt que des occasions de faire avancer les choses en tant qu’organisation.»

Une voix collective pour le plaidoyer autochtone reste importante, a-t-il dit, mais elle a besoin d’un nouveau leadership et d’une stabilité.

«Pourquoi maintenant?»

Niigaan Sinclair, professeur à l’Université du Manitoba, signale que la destitution de la cheffe nationale survient pendant une période de turbulences pour l’APN. Il signale que le vote pour destituer Mme Archibald est intervenu après qu’elle ait posé des questions sur la transparence, la gouvernance et la responsabilité au sein de l’organisation nationale.

M. Sinclair se demande pourquoi le vote de confiance n’a pas eu lieu lors de l’assemblée annuelle ordinaire, cette semaine, ou s’il n’aurait pas été préférable que Mme Archibald termine son mandat de trois ans. «La retirer laisse une très mauvaise image», selon lui, d’autant plus que l’APN est un groupe de pression pour les chefs, pas un gouvernement, et que sa porte-parole est censée suivre la volonté des chefs.

RoseAnne Archibald est devenue en 2021 la première femme à occuper le poste de chef national, mais son mandat a été tumultueux. Elle avait été suspendue en tant que cheffe nationale en juin 2022, mais réintégrée le mois suivant lors d’une assemblée générale.

Elle affirme qu’elle a été ciblée pour avoir combattu la corruption à l’APN et pour avoir exigé un audit financier. Elle a également appelé à la tenue d’une enquête indépendante sur une présumée ingérence du gouvernement.

Le cabinet du ministre des Relations Couronne-Autochtones, Marc Miller, a indiqué qu’il serait inapproprié de commenter cette affaire. «L’enquête sur le lieu de travail de l’Assemblée des Premières Nations et la décision de révoquer RoseAnne Archibald en tant que cheffe nationale de l’APN sont une affaire interne au sein de l’organisation», a-t-il écrit dans un courriel.

Joe Alphonse, chef de la communauté de la première nation Tl’etinqox et président tribal du gouvernement national des Tsilhqot’in en Colombie-Britannique, est d’avis que le problème de l’APN est qu’il y a «trop de chefs et pas assez de guerriers». M. Alphonse, qui a voté pour garder Mme Archibald en poste, qualifie de «spectacle» la publication des résultats de l’enquête en ressources humaines. 

«Personnellement, je pense que tout ça a vraiment affaibli l’APN», dit-il. Il ajoute qu’il se concentrera sur sa nation et soutiendra l’organisation nationale seulement si elle change de cap. 

L’assemblée fait face à des luttes intestines entre partisans de Mme Archibald et opposants, mais beaucoup de gens assurent que cela ne signifie pas que l’organisation elle-même devrait être abandonnée.

Niigaan Sinclair soutient qu’il sera toujours nécessaire d’avoir une voix nationale ou une organisation nationale pour rassembler les chefs, en particulier en ce qui concerne les questions liées à la Loi sur les Indiens.

L’ordre du jour de l’assemblée de l’APN, cette semaine, doit inclure des mises à jour sur une stratégie climatique nationale, l’approvisionnement en eau potable, les services policiers et la gouvernance autochtones.

Le chef nipissing McLeod comprend que beaucoup de gens pensent que l’APN perd de sa pertinence parce qu’elle «tâtonne depuis quelques années».

«Nous ne voulons pas jeter le bébé avec l’eau du bain ici, a-t-il déclaré. L’APN a son rôle à jouer.»