Ottawa et la Nouvelle-Écosse annoncent un plan en santé mentale de 18 M$

HALIFAX — Ottawa et le gouvernement de la Nouvelle-Écosse allongeront conjointement 18 millions $ sur deux ans afin d’offrir davantage de services de santé mentale et de soutien aux personnes en deuil, trois ans après la pire fusillade de masse de l’histoire du Canada.

L’investissement annoncé vendredi fait suite à l’enquête publique qui a rendu son rapport final le mois dernier sur la tragédie dans le nord et le centre de la Nouvelle-Écosse, où 22 personnes ont été tuées par balle par un homme déguisé en policier de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) les 18 et 19 avril 2020.

«Ce n’est que le début, a indiqué Brian Comer, ministre responsable des dépendances et de la santé mentale de la Nouvelle-Écosse, lors d’une conférence de presse. Nous savons que nous devons agir rapidement à ce sujet.»

La province prévoit notamment embaucher du personnel clinique et de première ligne pour fournir des soins de proximité, mais cet objectif s’avérera difficile à atteindre, selon Alec Stratford, directeur général du Nova Scotia College of Social Workers.

«La capacité d’y recruter plus de personnel est déjà mise à l’épreuve par tous les problèmes de recrutement auxquels nous sommes confrontés», a commenté M. Stratford en entrevue.

De plus, il reproche au gouvernement provincial d’utiliser le personnel existant pour établir une équipe clinique mobile qui devrait offrir une gamme de services de santé et de mieux-être dans les communautés les plus touchées des comtés de Cumberland, Colchester et Hants.

«Il y a eu des membres du personnel qui ont essayé de faire ce travail au cours des trois dernières années et ils sont aujourd’hui complètement épuisés, a fait valoir M. Stratford. Cela ne fera qu’aggraver ce niveau d’épuisement et de stress.»

La Commission des pertes massives a fait 130 recommandations pour éviter que la tragédie d’avril 2020 ne se reproduise et améliorer la sécurité et le bien-être des communautés partout au pays. 

L’une de ses recommandations était la mise en oeuvre d’un programme en matière de santé mentale et de soutien, financé conjointement par les gouvernements fédéral et provincial, s’adressant aux personnes en deuil dans les communautés touchées, et ce, avant le 1er mai.

C’est à cette date que la Nouvelle-Écosse envisage de déployer du personnel d’approche en santé mentale dans les communautés pour soutenir le mieux-être mental au moyen d’interventions individuelles ou de groupe.

Et à partir du 6 mai, une unité mobile commencera à proposer ses services, mais uniquement le samedi. La province souhaite aussi embaucher un «responsable clinique du deuil» qui agira comme spécialiste des services aux personnes en deuil. 

L’équipe comprendra également des cliniciens en santé mentale, des infirmières praticiennes, des travailleurs de proximité et des accompagnateurs, mais le ministre Comer n’a pas pu chiffrer le nombre d’embauches. 

Il a indiqué qu’une stratégie à long terme serait élaborée une fois les consultations avec les résidants terminées, mais il ne s’est pas engagé à dépenser plus d’argent pour le plan annoncé vendredi — même s’il prévoit une expansion dans toute la province et des évaluations d’impact plus tard cette année, en 2025 et 2028.

M. Stratford estime que les 18 millions $ sont un bon début, «mais si nous parlons de santé mentale à long terme, alors l’investissement doit être beaucoup plus important que cela».

Un effort insuffisant reconnu

Le rapport final de la commission d’enquête publique critiquait sévèrement les tentatives infructueuses de la Nouvelle-Écosse de fournir un soutien adéquat en matière de santé mentale et de deuil au cours des trois dernières années.

La commission a notamment constaté qu’il y avait des retards dans la fourniture de l’aide limitée disponible. Les gens n’ont pas reçu d’indications sur la manière de contacter les conseillers, et certains résidants ont dû raconter leurs expériences traumatisantes à plusieurs reprises alors qu’ils naviguaient dans un système qui créait «un déficit de guérison et une rupture de confiance».

Le rapport indique que l’inaction du gouvernement pourrait «conduire à de nouveaux cycles de violence et de traumatismes».

Vendredi, M. Comer a reconnu que la réponse de la province était insuffisante. «Dans les jours, les semaines et les mois qui ont suivi la tragédie, il y a eu beaucoup de travail sur le terrain, mais nous avons très clairement entendu dans le rapport que ce n’était pas suffisant», a-t-il affirmé.

Présente en visioconférence à l’annonce, Carolyn Bennett, ministre fédérale de la Santé mentale et des Dépendances, a aussi noté les lacunes mises en évidence par la commission. 

«Il n’y a pas une famille en Nouvelle-Écosse qui n’a pas été touchée par cette terrible tragédie, a-t-elle mentionné. En ce moment, nous nous rassemblons pour prendre des mesures indispensables. Le public exige des changements, et pour une très bonne raison. Il est clair qu’il y a eu des échecs.»

Plus tard vendredi, la cheffe du NPD de la Nouvelle-Écosse, Claudia Chender, a réagi en disant que l’annonce conjointe était un bon début. 

«Au cours des trois dernières années, nous avons entendu des membres des communautés directement touchées nous dire qu’ils avaient besoin de plus de soutien», a indiqué Mme Chender dans un communiqué. 

«Bien que je pense que le gouvernement aurait pu agir plus tôt et fournir plus de soutien en matière de soins en santé mentale, je suis heureuse de voir qu’à partir de lundi, il y aura une réponse spécifique», a-t-elle ajouté.