Les oppositions dénoncent l’«arrogance» de la ministre France-Élaine Duranceau

QUÉBEC — Coup d’éclat à l’Assemblée nationale: quelques minutes à peine après la reprise de l’étude détaillée du projet de loi 31 sur le logement, les oppositions ont claqué la porte pour dénoncer le «chantage» et l’«arrogance» de la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau.

«C’est du jamais vu au parlement qu’une ministre vienne en commission parlementaire faire du chantage. (…) Les collègues ne peuvent pas commencer à travailler dans un climat de menaces. L’arrogance, c’est assez!» a lancé le député libéral Monsef Derraji en mêlée de presse à l’extérieur de la salle de la commission, jeudi.

Le Parti libéral du Québec, Québec solidaire et le Parti québécois critiquent aussi le fait de ne pas avoir pu prendre connaissance de l’ensemble des amendements que souhaite déposer la ministre.

«Elle refuse sciemment de nous laisser voir l’ensemble du projet de loi. Elle nous tient dans l’obscurité», a affirmé le péquiste Joël Arseneau. 

«On frôle la mauvaise foi»

Plus tôt jeudi matin, la ministre – visiblement irritée – a dit que si le projet de loi n’était pas adopté avant la fin de l’année, les oppositions porteraient la responsabilité des conséquences qui en résulteraient.

«Alors si ce projet de loi là n’est pas accepté avant le mois de janvier, bien ils porteront le fardeau sur leurs épaules. Au moment où les avis de renouvellement de baux vont commencer à rentrer, ils porteront le fardeau sur leurs épaules qu’on n’est pas là pour protéger les gens qui sont en difficulté», a lancé la ministre.

Une affirmation qui n’a visiblement pas plu aux trois partis d’opposition. «C’est elle qui a tardé à étudier son projet de loi, c’est soit vraiment de l’improvisation, soit de l’incompétence et on frôle la mauvaise foi», a affirmé le solidaire Andrés Fontecilla. 

Après leur coup d’éclat, les oppositions ont discuté avec le gouvernement. L’étude détaillée a ensuite repris son cours avec les représentants des quatre formations politiques.

Les élus se sont finalement entendus pour procéder à l’étude du projet de loi par bloc comme le voulait la ministre. Elle a déposé 10 amendements. 

Les autres amendements seront déposés au fur et à mesure de l’étude des prochains blocs.  

«On veut déposer ça de manière structurée pour que la discussion soit organisée. (…) Moi, je sais où je m’en vais. J’ai une séquence là-dedans», a expliqué la ministre avant l’étude de son projet de loi. 

«Donneuse de leçons»

Avant même la déclaration de la ministre, le chef libéral intérimaire, Marc Tanguay, avait vertement critiqué l’attitude de Mme Duranceau.

«Il y a une crise du logement. Elle n’est pas trop pressée. Alors, la donneuse de leçons sur l’art de la législation, on repassera. Là, on est convoqué. Qu’elle les dépose ses amendements puis qu’elle travaille pour le Québec plutôt que d’accuser les oppositions. Voyons donc!» a tonné Marc Tanguay.

L’étude du projet de loi a été suspendue la semaine dernière après une demi-journée de travaux, car des articles devaient être réécrits ou modifiés. 

Les partis d’opposition avaient alors affirmé que les modifications seraient telles qu’il s’agirait essentiellement d’un nouveau projet de loi. Ils ont aussi dénoncé le manque de préparation de la ministre. 

Rappelons que le projet de loi 31 a provoqué de vives réactions notamment en raison de la volonté de la ministre de permettre au propriétaire de refuser une cession de bail pour un «motif autre qu’un motif sérieux». La cession de bail est utilisée par certains locataires pour limiter les hausses de loyer.

La ministre avait d’ailleurs été rabrouée pour des propos qu’elle avait tenus à ce sujet. En bref, elle avait dit que les locataires qui voulaient céder leur bail n’avaient qu’à investir en immobilier. Mme Duranceau s’était ensuite dite désolée d’avoir pu paraître insensible.

En septembre dernier, le premier ministre François Legault n’avait pas exclu que son gouvernement puisse reculer sur cet élément litigieux.