Le PQ demande un gel de l’immigration temporaire que le Québec contrôle

DRUMMONDVILLE, Qc — Le Parti québécois (PQ) a demandé samedi au gouvernement caquiste un gel de l’immigration temporaire pour cette année dans les catégories qu’il contrôle. 

Ce plafonnement aurait des conséquences pour les entreprises qui demanderaient davantage de main-d’œuvre que l’an dernier, mais selon le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon, cette mesure est nécessaire en raison de la crise du logement.

En vertu d’un accord datant de 1991, le Québec contrôle le volume d’entrée de ses futurs résidents permanents, les immigrants économiques (66 % de l’immigration en 2022), leur intégration et leur francisation, ainsi que les étudiants étrangers et travailleurs temporaires. Le fédéral s’occupe des réfugiés, de la réunification familiale, des enjeux liés à la citoyenneté, ainsi que son propre programme de travailleurs étrangers temporaires.

«Je comprends que dans certains cas d’espèce, si on dit qu’on gèle, il y a des conséquences», a reconnu M. St-Pierre Plamondon, en mêlée de presse à Drummondville au conseil national de son parti qui porte précisément sur l’habitation.

«Mais si on a 44 % de plus de gens dans la rue qui n’ont pas de toit, puis si on n’est plus capable de se payer une habitation et que ça appauvrit la grande majorité des ménages, il va falloir faire quelque chose. On ne peut pas juste demeurer les bras croisés et malheureusement, c’est ce que la CAQ fait.»

En vertu de la solution péquiste, les employeurs et les universités seraient limités à accueillir le même nombre de travailleurs et d’étudiants étrangers que ce qu’ils ont accueilli l’an dernier. Les établissements d’enseignement seraient tout de même autorisés à accueillir tous ceux qui ont été admis dans le processus en cours en vue de la rentrée d’automne.   

Au 31 mars, le Québec accueillait un total de 560 000 résidents non permanents, en hausse trimestre après trimestre. De ce nombre, il y avait 383 441 titulaires de permis avec les membres de leurs familles, ainsi que 176 733 demandeurs d’asile — ce qui représente 46 % du total des demandeurs d’asile au pays et ce qui met beaucoup de pression sur la prestation des services. 

Il manquerait 1,2 million de logements au Québec pour revenir à une certaine forme d’accessibilité d’ici la fin de la décennie, estime la SCHL.

«Les chiffres (de l’immigration) dépassent largement notre capacité de bâtir des unités de logement, a plaidé M. St-Pierre Plamondon. Si on ne dit pas ça, on manque de transparence et d’honnêteté envers la population.»

Qui plus est, il réclame de la cohérence de la CAQ, qui demande au fédéral de réduire l’immigration temporaire. Jusqu’à ce qu’Ottawa propose son plan de réduction, la CAQ doit donc plafonner les admissions des temporaires, soutient M. St-Pierre Plamondon.

Ex-maire de Gatineau

Conférencier invité par le PQ, l’ancien maire de Gatineau, Maxime Pedneaud-Jobin, a prononcé un vibrant plaidoyer souverainiste.

Dans une analyse des différences entre les crises du logement au Canada et au Québec ainsi que le rôle des municipalités, il a conclu que «cela exige l’autonomie du Québec, c’est une question d’efficacité (…), c’est un argumentaire qui est à peu près le même dans tous les domaines, ce qui fait dire que la différence québécoise est un argument concret logique, terre-à-terre, pour l’autonomie du Québec dans tous les domaines, et ça, ça s’appelle l’indépendance».  

En mêlée de presse, il a écarté l’éventualité de se présenter pour le PQ, même s’il a déjà milité pour cette formation. 

«Je commence à peine à me reposer, alors mon esprit n’est pas à préparer une candidature», a-t-il répondu. Mais en 2026, une fois qu’il sera reposé?

«Aujourd’hui je ne me présente pas du tout pour personne», a-t-il rétorqué, en ajoutant qu’il aime son rôle de commentateur dans les médias écrits et télé.  

45 000 logements

Dans son cahier de propositions, le PQ s’engagerait, s’il prend le pouvoir, à financer la construction d’un minimum de 45 000 logements hors marché sur cinq ans, dont 10 000 pour les étudiants dans les villes où il y a des universités et des cégeps.

Cette solution n’est toutefois pas chiffrée, donc on ignore ses coûts. Elle sera débattue et éventuellement adoptée par les militants. 

Le PQ veut aussi faire interdire les locations de type Airbnb dans les villes où le taux d’inoccupation est inférieur à 3 %, à l’exception des zones de villégiature.

S’il forme le gouvernement en 2026, le parti de Paul St-Pierre Plamondon s’engage aussi à offrir des incitatifs financiers aux entreprises pour encourager la reconversion des espaces à bureaux vacants en habitations. 

Le PQ rappelle qu’en 2023, dans près de trois quarts des 71 municipalités comptant plus de 10 000 habitants au Québec, le taux d’inoccupation était de 1 %, alors qu’un marché est considéré comme équilibré quand il avoisine le 3 %.   

Le gouvernement caquiste a été durement critiqué pour sa gestion de la crise du logement. 

Le premier ministre François Legault a pour sa part imputé une partie de la faute au gouvernement fédéral, pour avoir admis trop d’immigrants temporaires sur le territoire québécois, ce qui a provoqué une pression insoutenable sur le marché immobilier et les services publics.  

Cette semaine encore, M. Legault a fait valoir que son gouvernement a investi 6,3 milliards $ pour la construction de logements.  

En 2022, le gouvernement caquiste a mis sur pied le PHAQ, Programme d’habitation abordable Québec, qui n’est pas à la hauteur de son objectif de raccourcir les échéanciers de construction, selon le Parti québécois.

Il n’a permis de lancer que 324 unités sur les 1700 approuvées lors du premier appel d’offres et aucune d’entre elles n’était encore réalisée en mars 2024, affirme le PQ. 

Une pomme de discorde

L’Immigration est une pomme de discorde entre le fédéral et le Québec. 

La revendication des pleins pouvoirs en immigration pour le Québec fait partie du programme nationaliste de la Coalition avenir Québec (CAQ) depuis 2015, mais jamais le parti n’a réussi à obtenir gain de cause. François Legault a de nouveau brandi la menace d’un référendum sur cet enjeu récemment en cas d’échec des négociations avec Ottawa.

Depuis l’accord de 1991, le Québec peut recevoir un pourcentage du total des immigrants arrivant au Canada qui équivaut à la proportion de sa population au sein de la fédération. À l’heure actuelle, le poids démographique du Québec est d’environ 22,3 % de la population canadienne.

M. Trudeau avait déjà dit que le Québec avait la «pleine capacité» d’accueillir 112 000 immigrants par an, donc un peu plus de 22 % de la cible de 500 000 immigrants permanents que son gouvernement veut accueillir par an d’ici à 2025. 

De son côté, le gouvernement Legault affirme que la capacité d’accueil du Québec est dépassée.

Québec réclame 1 milliard $ au fédéral pour les dépenses engagées dans l’accueil des demandeurs d’asile depuis 2021. Ottawa n’a avalisé que 155 millions $ de la facture.

M. Legault a rencontré M. Trudeau en mars pour discuter d’immigration et Ottawa doit revenir avec une solution d’ici à juin.