La police pas outillée pour des recherches des restes de femmes autochtones tuées

OTTAWA — L’ancienne patronne de la GRC a déclaré en décembre que la police n’était pas équipée pour gérer les complexités de la recherche des restes de femmes autochtones dans un site d’enfouissement de la région de Winnipeg – un effort que le gouvernement du Manitoba qualifie également de trop dangereux.

Brenda Lucki, qui a démissionné de son poste de commissaire en mars, a participé à des discussions concernant des recherches dans le site d’enfouissement privé de Prairie Green au nord de Winnipeg à la fin de l’année dernière.

Dans des documents obtenus par La Presse Canadienne en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, Mme Lucki prévient les responsables fédéraux que le site d’enfouissement contient de l’amiante et d’autres gaz toxiques, dont l’ammoniac.

«Comme vous le voyez, il s’agit d’une affaire complexe que la police n’est pas équipée pour traiter», a-t-elle écrit dans un courriel du 14 décembre aux sous-ministres de Sécurité publique Canada et de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord.

Le gouvernement fédéral examinait comment il pourrait répondre aux appels à l’aide des proches des femmes qui ont été consternés après que la police de Winnipeg a décidé de ne pas effectuer de recherche, invoquant une faible probabilité de succès.

La police pense que les restes de Morgan Harris et Marcedes Myran se trouvent dans le site d’enfouissement.

Jeremy Skibicki fait face à des accusations de meurtre au premier degré dans leur mort ainsi que pour la mort de Rebecca Contois, dont les restes ont été partiellement retrouvés l’année dernière au Brady Road Landill, propriété de la ville, au sud de Winnipeg.

La Ville de Winnipeg a publié cette semaine un avis sur son site web indiquant que le site d’enfouissement Brady était fermé jusqu’à nouvel ordre, mais n’a pas précisé pourquoi.

Une femme non identifiée que les dirigeants autochtones ont nommée Mashkode Bizhiki’ikwe, ou Buffalo Woman, serait également victime de Skibicki. La police a déclaré qu’elle ne savait pas où se trouvait sa dépouille.

Étude de faisabilité

L’automne dernier, Ottawa a financé une étude de faisabilité sur une éventuelle recherche du site d’enfouissement de Prairie Green. Cette étude a été réalisée par l’Assemblée des chefs du Manitoba à la suite de l’onde de choc créée par la décision de la police de ne pas effectuer de fouilles dans le dépotoir.

Les conclusions de cette étude publiée le mois dernier indiquaient que des recherches étaient possibles, mais que celles-ci ne garantiraient pas que les restes des femmes seraient retrouvés.

L’étude affirme également que ne pas rechercher les restes de ces femmes causerait une «détresse considérable» à leurs familles et enverrait le mauvais message aux personnes de la communauté des Premières Nations, qui, selon le document, «ne méritent pas qu’on (leur) dise (qu’elles sont) des ordures».

L’étude indique que les équipes de recherche devraient travailler dans des piles de matières dangereuses et que l’effort global pourrait prendre jusqu’à trois ans, avec un coût potentiel de 184 millions $.

Deux jours après l’envoi du courriel de Mme Lucki sur les complexités d’une telle opération, elle a suivi avec un autre document énumérant les différentes façons dont la GRC pourrait être en mesure d’aider la police de Winnipeg. Cela comprenait la prestation de conseils fondés sur l’expertise que la GRC a glanée lors de recherches antérieures, notamment dans le cas de Robert Pickton.

La recherche de la ferme porcine de Pickton à Port Coquitlam, en Colombie-Britannique, pour les restes de femmes qui disparaissaient du Downtown Eastside de Vancouver est devenue la plus grande scène de crime au Canada.

Dans ce document, dont La Presse Canadienne a fait état pour la première fois en mars, la GRC a déclaré que la fouille de la propriété de Pickton nécessitait de s’appuyer sur du «personnel non chargé de l’application des lois» comme des opérateurs d’équipement lourd, des ingénieurs et des anthropologues formés pour identifier les restes humains.

Mme Lucki déclare dans ce document que «les enjeux chimiques, biologiques, radiologiques, nucléaires et explosifs, ainsi que de santé et de sécurité» seront beaucoup plus importants au site d’enfouissement de Prairie Green que lors de la perquisition à la ferme de Pickton.

La première ministre du Manitoba, Heather Stefanson, a récemment rencontré des proches des femmes tuées et a déclaré par la suite que le gouvernement progressiste-conservateur ne pouvait pas soutenir les recherches dans le site d’enfouissement en raison des risques pour la sécurité.

Elle a déclaré aux journalistes que le coût n’était pas le problème et que la province ne ferait pas obstacle si le gouvernement fédéral décidait d’ouvrir la voie à des recherches, soulignant qu’il devrait garantir la sécurité des travailleurs.

Le bureau du ministre des Relations Couronne-Autochtones, Marc Miller, a déclaré qu’il examinait toujours l’étude de faisabilité. Il n’a pas réagi à la décision de Mme Stefanson de ne pas appuyer la tenue de recherches sur le site.

La grande cheffe de l’Assemblée des chefs du Manitoba, Cathy Merrick, a demandé à la première ministre de reconsidérer sa décision, soulignant que l’étude portait sur toutes les précautions de sécurité qui devraient être prises pour procéder aux recherches.

Le rapport de faisabilité indique que pour que les recherches aient lieu, «la sécurité de tous les membres impliqués dans un tel processus est de la plus haute priorité» et qu’un convoyeur, opéré par du personnel qualifié, serait utilisé pour transporter le matériel.