Enfants dans un état végétatif: les médecins sont partagés

MONTRÉAL — Les médecins sont partagés quant aux soins à accorder à un enfant qui présente un syndrome d’éveil non répondant, démontre une enquête menée par des chercheurs montréalais auprès de quelque 270 neurologues pédiatriques dans 65 pays.

Étonnamment, les chercheurs ont constaté que les médecins qui pratiquent dans les pays les plus développés sont aussi ceux qui sont les plus favorables à limiter les soins qui permettent de maintenir en vie un petit patient qui se trouve dans un état végétatif.

Ces limites s’appliquent plus spécifiquement à la réanimation cardiorespiratoire, à l’intubation/la ventilation, à l’hémodialyse/hémofiltration, et à la thérapie antibiotique.

«On voit que les attitudes varient, a dit l’auteur de l’étude, le chercheur Éric Racine de l’Institut de recherches cliniques de Montréal. On en a environ les deux tiers qui sont à l’aise avec la cessation des traitements, selon les circonstances. Et il y a une minorité (…) qui est d’avis qu’on devrait toujours retirer les traitements et une minorité qui nous dit qu’on ne devrait jamais les retirer.»

Les participants à l’enquête qui considéraient qu’il n’est jamais justifiable, d’un point de vue éthique, de limiter les soins qui assurent la survie du patient étaient animés d’une plus grande religiosité; ils étaient aussi moins satisfaits des décisions de traitement dans l’ensemble et jusqu’à trois fois plus mécontents des communications échangées pour prendre ces décisions.

Il reste tout de même paradoxal de constater que les médecins qui pratiquent dans les pays les plus riches sont les plus favorables à l’imposition d’une limite aux traitements, admet M. Racine.

«Il faut comprendre que les pays les plus développés sont aussi ceux où les droits individuels ont le plus préséance, a-t-il expliqué. Dans d’autres pays, il pourra y avoir des lois qui vont limiter le pouvoir des médecins à prendre ce genre de décisions.»

Il y donc tout un contexte juridique et de valeurs sociétales dont on doit tenir compte, a-t-il ajouté. Même chez nous, a dit M. Racine, les dernières décennies ont vu une évolution des lignes directrices qui permet aujourd’hui aux médecins d’envisager une limitation, voire une cessation, des traitements.

Les enfants qui présentent un syndrome d’éveil non répondant sont des cas très complexes puisqu’un pronostic est difficile à établir, poursuit-il.

«Qu’est-ce qui va arriver? Est-ce que l’enfant va récupérer ou non? Et c’est aussi très difficile parce qu’il y a pas énormément de données, a expliqué M. Racine. Il y a aussi assez peu de traitements disponibles. Donc on navigue à vue un peu dans ces eaux-là. Et ces trois aspects-là amènent une complexité sur le plan médical.»

Sur le plan émotionnel, ajoute-t-il, on peut comprendre qu’une famille qui se retrouve face à un enfant qui semble donner des signes d’éveil, par exemple en ouvrant et en fermant les yeux, puisse avoir de la difficulté à comprendre qu’il n’est pas vraiment conscient.

Et comme on peut maintenir ces patients dans cet état-là pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, la question de la futilité des soins finit par se présenter.

«Dans le contexte d’un enfant, il y a une complexité éthique et relationnelle qui s’ajoute à la complexité clinique et médicale», a expliqué M. Racine.  

Les conclusions de cette recherche ont été publiées par le journal médical Developmental Medicine & Child Neurology.