Encore des problèmes de visas en vue d’une conférence internationale à Montréal

OTTAWA — Une autre conférence internationale à Montréal risque d’être perturbée par les retards d’Ottawa dans le traitement des visas en général, ainsi que par des refus qui viseraient des participants de pays les plus pauvres, selon certains. 

L’International Studies Association, qui a son siège à l’Université du Connecticut, organise des conférences sur les sciences sociales à travers toute l’Amérique du Nord. L’association tiendra son congrès annuel à Montréal à la mi-mars, juste après une conférence internationale sur la pédagogie.

Son directeur, Mark Boyer, admet que ces problèmes de visas sont «extrêmement frustrants» et difficiles à gérer pour les organisateurs. «Il y a un mythe selon lequel il est plus difficile de faire venir des gens ici, aux États-Unis, mais c’est en fait un problème au Canada», dit-il.

Des tables rondes entières prévues le mois prochain à Montréal sont ainsi en suspens, car dans plusieurs cas, six participants à une même table ronde n’ont pas encore obtenu leur visa pour entrer au Canada.

D’autres, comme María Gabriela Vargas, ont été carrément refoulés. La politologue colombienne étudie les questions de genres dans les systèmes judiciaires, mais elle passe maintenant beaucoup de temps à essayer de récupérer les 2600 $ en frais d’hôtel, de participation et de billets d’avion déjà engagés dans son voyage à Montréal.

«C’est tellement compliqué — et il semble que ce soit courant pour les jeunes et (ceux de l’hémisphère) sud», a déploré Mme Vargas en entrevue depuis la Colombie. «Nous essayons de créer des réseaux internationaux, une décolonisation, des espaces non discriminatoires et un accès plus équitable au savoir. (Les problèmes de visas) vont complètement à l’encontre de cette idée.»

Mme Vargas a fait sa demande de visa en décembre, mais elle a été rejetée dans un délai d’un mois, parce qu’elle n’avait pas démontré qu’elle disposait d’une somme d’argent suffisante pour subvenir à ses besoins pendant son séjour au Canada.

Elle a présenté une deuxième demande, avec plus de documentation, mais le consulat l’a de nouveau refusée au motif qu’elle n’avait pas «d’objectif commercial légitime au Canada».

Selon la directrice des activités à l’International Studies Association, Jennifer Fontanella, environ 600 des 6000 universitaires invités pour l’événement à Montréal ont des problèmes de visa, dont 80 ont essuyé un refus; des centaines d’autres attendent une décision et au moins une centaine se sont désistés de la rencontre internationale.

Pas nouveau

En septembre dernier, de nombreux délégués avaient signalé des problèmes similaires lorsqu’ils ont tenté d’assister à Montréal à la conférence de l’«American Political Science Association». Et en décembre, des centaines de délégués de pays en développement ont raté la conférence COP15 à Montréal en raison de problèmes de visas qui découlaient en partie de l’émission tardive d’accréditations par les Nations unies. 

L’été dernier, le ministère canadien de l’Immigration a provoqué un tollé en refusant des visas à plusieurs délégués africains qui voulaient participer à la Conférence internationale sur le sida, également tenue à Montréal — certains participants ont parlé ouvertement de racisme.

L’International Studies Association (ISA) avait déjà dû faire face à des retards de visas pour une conférence à Toronto en 2019. Cette fois-ci, les organisateurs ont travaillé avec Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada pour tenter d’éviter de tels problèmes.

Selon Mme Fontanella, le ministère a émis un «code d’événement», que l’ISA a fourni aux demandeurs de visa afin qu’Ottawa puisse accélérer le traitement des demandes. Ce code confirmait par ailleurs que ces demandeurs avaient été invités à la conférence de Montréal.

En délivrant des visas, le ministère accorde normalement une grande importance à la probabilité qu’un demandeur rentre réellement chez lui, mais le code d’événement est censé aider à atténuer cette préoccupation.

Les données du ministère mises à jour mardi montrent que le traitement moyen des demandes de visa pour les personnes basées en Grande-Bretagne prend 217 jours, et 212 jours pour les personnes en France. Les citoyens de ces pays n’ont pas besoin de visa de visiteur pour venir au Canada, mais les universitaires de nombreux pays en développement qui sont établis à Paris ou à Londres ont besoin d’un visa pour assister à une conférence à Montréal.

Ce problème est devenu si répandu qu’un groupe de chercheurs d’Ottawa a obtenu une subvention fédérale pour l’étudier.