Des niveaux records de nouveaux appartements au Canada, mais pas à Montréal

OTTAWA — La construction de nouvelles habitations dans les six plus grandes villes du Canada est restée pratiquement inchangée en 2023 par rapport à l’année précédente. Elle a été stimulée par une vague record de nouveaux appartements dans plusieurs régions, mais pas à Montréal qui a connu son niveau le plus bas en huit ans, selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL).

Les mises en chantier combinées dans les régions métropolitaines de Toronto, Vancouver, Montréal, Calgary, Edmonton et Ottawa ont diminué de 0,5 % par rapport à 2022, totalisant 137 915 unités, rapporte l’agence fédérale dans son rapport semestriel. 

Cela correspond à la moyenne annuelle d’environ 140 000 nouvelles unités au cours des trois dernières années. Aled ab Iorwerth, économiste en chef adjoint à la SCHL, a affirmé que les chiffres pour 2023 étaient «meilleurs que nous le pensions».

«Nous avons été positivement surpris en 2023. Nous étions vraiment très inquiets de l’impact réel de la hausse des taux d’intérêt, a dit M. ab Iorwerth. Ils ont eu un impact, mais il semble que ce soit sur les petites structures, les maisons individuelles, par exemple.»

Les mises en chantier d’appartements ont augmenté de 7 % pour atteindre un record de 98 774 unités, compensant ainsi la baisse de la construction de maisons individuelles.

Les nouvelles maisons individuelles ont chuté de 20 % sur un an, en raison d’une faible demande pour des résidences plus chères dans un contexte de taux hypothécaires élevés.

Vers une diminution en 2024

La SCHL continue de plaider en faveur de la nécessité d’accélérer la construction de logements pour remédier aux écarts d’accessibilité financière et à la croissance démographique importante au Canada.

Les mises en chantier devraient diminuer en 2024, malgré les prévisions de la SCHL selon lesquelles le Canada aura besoin de 3,5 millions d’unités supplémentaires d’ici 2030, en plus de ce qui est actuellement prévu, pour ramener l’abordabilité aux niveaux observés vers 2004.

Selon le rapport de l’agence fédérale, la hausse des coûts, l’ampleur des projets et la pénurie de main-d’œuvre ont entraîné l’an dernier un allongement des délais de construction, incitant divers ordres de gouvernement au Canada à annoncer de nouveaux programmes visant à stimuler l’offre de nouveaux logements locatifs.

«Nous ne construisons pas encore suffisamment, notamment du côté du locatif. La demande est énorme. Je ne pense pas que nous parvenions à la suivre. Nous avons donc besoin de beaucoup plus d’investissements», a soutenu M. ab Iorwerth. 

Même si les taux d’intérêt élevés ont freiné la demande d’achat de maisons, puisque de nombreux acheteurs sont restés sur la touche l’année dernière, l’impact ne s’est pas seulement reflété dans la baisse des mises en chantier de maisons individuelles. 

M. ab Iorwerth a précisé que des taux plus élevés rendent également moins attrayante la construction de nouvelles structures locatives.

«L’un des problèmes liés à la construction d’une structure locative est que le coût du bâtiment doit être emprunté. Évidemment, les revenus locatifs sont à venir, mais le coût de la construction est aujourd’hui», a-t-il fait valoir.

«Le coût de la construction doit être emprunté auprès de diverses institutions financières et, à mesure que les taux d’intérêt ont augmenté, il est devenu plus difficile et plus coûteux d’accéder à ce financement pour construire des logements locatifs», a-t-il ajouté.

Montréal à contre-courant

Parmi les six villes examinées, Vancouver, Calgary et Toronto ont connu une croissance du nombre total de mises en chantier, stimulée par la construction de nouveaux appartements (location ou en copropriété) atteignant des sommets records.

Cependant, Montréal, Ottawa et Edmonton ont enregistré des baisses par rapport à l’année précédente. Le rapport de la SCHL indique que Montréal a été le seul marché avec une diminution significative du nombre de mises en chantier dans tous les types d’habitations.

La métropole québécoise a affiché une diminution globale de près de 37 %, totalisant 15 235 unités, son plus faible niveau de construction depuis 2001, selon la SCHL. 

Le secteur des appartements a connu à lui seul un recul de 34,9 %; le nombre de nouveaux logements locatifs est passé de 14 375 en 2022 à 9635 en 2023, représentant le plus faible niveau de construction depuis 2016. 

Les chiffres de Montréal reflètent en partie les pénuries de main-d’œuvre et les problèmes de chaîne d’approvisionnement, a exposé M. ab Iorwerth. 

Selon lui, Montréal est plus vulnérable aux taux d’intérêt élevés que les autres villes étudiées.

«En général, les structures sont un peu plus petites (à Montréal). Il y a plus d’immeubles de trois ou quatre étages. La taille est plus petite, et donc, ils réagissent plus rapidement à l’augmentation des taux d’intérêt», a-t-il expliqué. 

Ottawa a vu 9245 nouvelles habitations construites l’année dernière, ce qui représente une baisse de 19,5 % par rapport à 2022, tandis qu’il y a eu 13 184 mises en chantier à Edmonton, une baisse de 9,6 %.

Vancouver a enregistré un nombre record de 33 244 mises en chantier en 2023, soit un bond d’environ 28 % par rapport à l’année précédente, suivie par Calgary, avec 19 579 mises en chantier, soit une augmentation de 13,1 %.

À Toronto, il y a eu 47 428 mises en chantier, ce qui représente une hausse de 5,1 %. Par contre, M. ab Iorwerth a noté que ces niveaux étaient «préoccupants» puisque la proportion d’appartements mis en chantier désignés comme locatifs n’était que de 26 %, soit la plus faible de toutes les régions.

À l’inverse, à Montréal, près de 65 % de toutes les unités mises en chantier dans la région métropolitaine en 2023 sont des appartements locatifs, note la SCHL.