Budget fédéral: 39,8 milliards $ de déficit, les riches mis à contribution

OTTAWA — Outre un déficit moins pire qu’anticipé en raison des annonces en logement des dernières semaines, les libéraux de Justin Trudeau prévoient dans leur budget axé sur l’«équité» envers les jeunes générations de faire payer les Canadiens particulièrement fortunés.

La ministre des Finances, Chrystia Freeland, n’y présente toujours pas de plan de retour à l’équilibre budgétaire. Le déficit qui est de 39,8 milliards $ restera sensiblement le même durant les trois prochaines années avant de baisser aux alentours de 30 milliards $ en 2026-2027 et d’atteindre 20,0 milliards $ pour la dernière année de projections, deux ans plus tard.

La croissance de l’économie plus rapide que prévu et la hausse des salaires due à l’inflation ont permis à Ottawa d’engranger une hausse des impôts sur le revenu de 7,7 milliards $ supplémentaires pour la seule année 2024-2025.

L’augmentation du produit intérieur brut (PIB) à 1,1 % pour 2023-2024 a été trois fois supérieure à ce qui était projeté il y a un an. Mais le gouvernement anticipe un ralentissement économique avec 0,7 % de hausse du PIB pour la prochaine année fiscale.

L’une des mesures qui retient particulièrement l’attention est l’augmentation du taux d’inclusion des gains en capital supérieurs à 250 000 $ annuellement qui passe de la moitié aux deux tiers.

La mesure est tellement ciblée que seule une infime portion de la population sera touchée, essentiellement les plus fortunés qui tirent «des avantages disproportionnés». Ottawa estime que cela générera néanmoins 19,3 milliards $ de revenus en cinq ans. Les gains tirés de la vente d’une résidence principale demeurent exonérés.

Dans son discours devant la Chambre des communes, la ministre a insisté sur le concept de «justice» du régime fiscal, demandant aux Canadiens «du 1 %, du 0,1 %» de réfléchir au type de pays dans lequel ils veulent vivre et qu’ils veulent bâtir.

Regardant droit devant elle, Mme Freeland a reproché aux conservateurs de Pierre Poilievre de vouloir se débarrasser des programmes visant à rendre la vie facile pour les plus jeunes générations. «Selon eux, le gouvernement doit en faire juste un peu, puis un peu moins pour finalement en faire le moins possible, ou ne rien faire du tout», a-t-elle envoyé.

Aussi au chapitre des revenus, Ottawa augmentera de 4 $ le prix des cartouches de 200 cigarettes dès minuit mardi. La mesure, plaide-t-on, vise à réduire la dépendance à la nicotine.

Le gouvernement veut aussi réduire de 5000 le nombre de ses fonctionnaires, ce qui devrait permettre des économies de 4,2 milliards $ sur quatre ans. Cela se fera grâce à l’attrition naturelle, soit les démissions et les départs à la retraite. Et Ottawa prévient les ministères qu’ils devront puiser dans leurs ressources existantes pour compenser la hausse de leurs dépenses de fonctionnement.

Ottawa consacrera cette année 54,1 milliards $ au service de la dette, soit 1,8 % du PIB. Ce chiffre demeure largement inférieur aux proportions des années 1990 où il dépassait les 6 %.

Le Canada demeure dans une bonne situation financière, selon Geneviève Tellier, professeure de science politique à l’Université d’Ottawa.

«Les intérêts qu’on paie sur notre dette ne sont pas si élevés que ça. On parle d’à peu près 10 % des dépenses totales, ce qui est très bas. On a déjà connu des années à pas loin de 40 %. Alors, en se comparant sur une perspective historique, on est encore dans une très bonne situation», a-t-elle déclaré en entrevue avec La Presse Canadienne.

Depuis la mise à jour économique de l’automne, les libéraux ont ajouté 35,9 milliards $ de nouvelles dépenses sur cinq ans, principalement pour les affaires autochtones (9,1 milliards $), pour rendre le logement plus abordable et construire plus rapidement (8,5 milliards $) et en recherche, développement et productivité, incluant l’intelligence artificielle (6,9 milliards $).

En conférence de presse, la ministre a dit être «absolument convaincue» qu’il est nécessaire d’investir dans l’économie, dans le logement, le coût de la vie et la productivité.

«On a besoin de cela parce qu’on doit créer des conditions dans lesquelles les jeunes Canadiens et Canadiennes peuvent vraiment avoir une bonne vie. On doit le faire pour l’avenir de tous les Canadiens et Canadiennes, pour avoir une économie en croissance», a-t-elle déclaré.

Les libéraux, qui sont abondamment attaqués par les conservateurs quant au fardeau que représente le prix qu’ils imposent sur la pollution – une mesure qui ne s’applique pas au Québec –, entendent retourner les sommes perçues à 600 000 entreprises de moins de 500 employés, et ce, rétroactivement à 2019-2020. Au total, ces petites et moyennes entreprises recevront 2,5 milliards $.

Ottawa révèle également dans le document financier que le nouveau régime national d’assurance médicaments, qui ne couvre pour l’instant que les médicaments sur ordonnance liés au traitement du diabète et à la contraception, coûtera finalement 1,5 milliard $ sur cinq ans.

De l’avis de la professeure Tellier, les étudiants et leurs parents sont «de grands gagnants» de ce budget.

Le gouvernement fera passer les bourses d’études canadiennes de 3000 $ à 4200 $ par an dès la prochaine année scolaire. Les prêts d’études canadiens sans intérêt, eux, passeront de 210 $ à 300 $ par semaine. Ottawa offrira au Québec et aux territoires qui ne participent pas à l’initiative fédérale de se retirer avec pleine compensation, mais il y a une condition: offrir «un programme comparable».

Ottawa ouvrira désormais automatiquement un régime enregistré d’épargne-études pour les enfants issus de familles à faibles revenus, ce qui permettra que le gouvernement leur verse jusqu’à 2000 $ sans que les parents n’aient à contribuer.