Améliorer le microbiome pour mieux traiter le mélanome

MONTRÉAL — Une flore intestinale provenant d’un donneur en bonne santé améliorerait l’efficacité de l’immunothérapie utilisée pour combattre le cancer de la peau, laissent espérer des travaux auxquels participent des chercheurs montréalais.

L’étude multicentrique à laquelle contribuent notamment le Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) et l’Hôpital général juif de Montréal a démontré que la transplantation à des patients atteints d’un mélanome avancé du microbiome de sujets en santé est sécuritaire, et qu’elle pourrait permettre d’accentuer l’efficacité du traitement d’immunothérapie.

«On a pris les selles de quelqu’un d’autre et on les a données au patient juste avant qu’il débute son immunothérapie, et ça a augmenté l’efficacité de façon importante, a résumé le docteur Bertrand Routy, du CHUM. C’est un très bon et très grand signal pour les patients qui ont un cancer.»

Les traitements d’immunothérapie incitent le système immunitaire du patient à attaquer et à détruire le cancer. Ils ne sont toutefois efficaces que chez environ la moitié des patients atteints d’un mélanome.

Le docteur Routy évoque d’ailleurs un «plafonnement, depuis deux ou trois ans» de l’efficacité des deux traitements d’immunothérapie qui sont actuellement utilisés dans le traitement du mélanome. L’espérance de vie à cinq ans est de 50 % pour les patients qui ont un mélanome métastatique.

Les chercheurs explorent donc d’autres stratégies pour passer à l’étape suivante. Lors de la nouvelle étude, vingt patients atteints d’un mélanome ont été recrutés notamment au CHUM (qui se positionne de plus en plus comme un des principaux centres canadiens d’étude du microbiome en oncologie) et à l’Hôpital général juif. Les participants ont reçu le microbiome d’un donneur sain une semaine avant le début de leur traitement d’immunothérapie.

L’étude a conclu que la combinaison de greffe fécale et d’immunothérapie est sécuritaire, ce qui était l’objectif principal de cette étude de phase 1. L’étude a aussi constaté que 65 % des patients qui ont conservé le microbiome du donneur ont eu une réponse clinique au traitement combiné. «Les résultats sont très encourageants», a dit le docteur Routy.

Le mécanisme exact par lequel le microbiome améliore l’efficacité de l’immunothérapie n’est pas encore compris, mais après cinq ans de travaux, «on commence à comprendre quelles sont les bactéries qui sont associées à la résistance et quelles sont les bactéries qui sont associées à la bonne réponse», a expliqué le docteur Routy.

«Quand on fait une greffe fécale, on est capable d’éliminer certaines bactéries qui sont associées à la résistance à l’immunothérapie, et on est capable d’en augmenter qui sont associées à une bonne réponse», a-t-il expliqué.

Certaines énigmes persistent toutefois, comme celle de la «compatibilité» entre le donneur de selles et le receveur, poursuit le docteur Routy. Dans un tout autre domaine, il a par exemple fallu trente ans pour bien comprendre la compatibilité entre un donneur de moelle osseuse et un receveur, cite-t-il en exemple.

Actuellement, les greffes fécales en oncologie se font un peu «au hasard», admet le chercheur, mais d’ici trois ou cinq ans, on devrait disposer de meilleures connaissances pour un arrimage plus optimal entre donneur et receveur.

«Vous êtes un patient, vous venez à l’hôpital, on vous diagnostique avec un cancer, on regarde la composition du microbiome et on vous dit monsieur, madame, il vous manque la bactérie ABC, et vous avez la F et la G qui sont très mauvaises, on va vous donner la greffe d’un donneur X qui va pouvoir éliminer les mauvaises et augmenter les bonnes bactéries qui vous manquent», a dit le docteur Routy.

Les chercheurs voudront aussi savoir si les mêmes greffes fécales auraient la même efficacité parmi différentes populations, en Amérique du Nord, en Europe et en Asie par exemple.

Le microbiome est un domaine de recherche en pleine ébullition, et les scientifiques découvrent de plus en plus d’associations insoupçonnées (et parfois stupéfiantes) entre notre flore intestinale et différentes facettes de notre santé. Ces progrès sont entre autres dus, selon le docteur Routy, au fait qu’on dispose depuis une dizaine d’années des outils nécessaires pour analyser en détail la composition du microbiome.

La deuxième phase de l’étude est déjà en cours, entre autres au Québec et en Ontario. En plus du mélanome, les chercheurs en profiteront pour étudier la même stratégie face à d’autres cancers, comme ceux du pancréas et du poumon, et à des problèmes de santé comme le VIH et l’arthrite rhumatoïde.

Les conclusions de cette étude ont été publiées par le journal Nature Medicine.