L’ancien premier ministre pakistanais Imran Khan condamné à nouveau

ISLAMABAD — L’ancien premier ministre pakistanais Imran Khan a été reconnu coupable de corruption, mercredi, et condamné à 14 ans de prison, un nouveau coup dur pour le leader populiste emprisonné quelques jours avant que son mouvement politique ne tente de revenir au pouvoir lors des prochaines élections.

Il s’agissait de sa deuxième condamnation en autant de jours et la plus dure jusqu’à présent. Celle-ci était considérée comme faisant partie de la lutte de longue date entre les dirigeants civils et les puissantes militaires de cet allié occidental en difficulté.

M. Khan et son épouse, Bushra Bibi – qui a également été condamnée mercredi – ont été accusés d’avoir retenu et vendu des cadeaux d’État, en violation des règles gouvernementales, lorsqu’il était au pouvoir. En plus de sa peine de prison, M. Khan a été interdit d’exercer toute fonction publique pendant 10 ans.

Son avocat, Babar Awan, a rejeté la condamnation, la qualifiant de violation des droits fondamentaux de son client, et a déclaré que l’ancien premier ministre avait été reconnu coupable et condamné si rapidement que le juge n’avait pas attendu l’arrivée de son équipe juridique.

Imran Khan – qui, dans les derniers jours de son mandat de premier ministre, a commencé à défier l’armée du pays – a été évincé du pouvoir lors d’une motion de censure en avril 2022. Il a désormais plus de 150 affaires judiciaires qui pèsent sur lui.

Pourtant, l’ancienne vedette du cricket reste extrêmement populaire. Le Pakistan a connu de violentes manifestations – notamment celles visant des installations militaires – après l’arrestation de M. Khan l’année dernière.

Depuis, les autorités ont réprimé ses partisans et son parti Pakistan Tehreek-e-Insaf, ou PTI, rendant improbable la tenue de nouveaux rassemblements, et de nombreux candidats de son parti ont été disqualifiés pour les élections législatives du 8 février.

Une pratique courante

Le Pakistan a l’habitude d’arrêter d’anciens premiers ministres, ou de les mettre à l’écart avant les élections, s’ils sont considérés comme un défi pour l’institution de sécurité – qui exerce depuis longtemps une influence significative sur la politique civile. Plus des deux tiers de ses dirigeants civils ont été arrêtés, condamnés ou disqualifiés depuis que le pays a obtenu son indépendance de la Grande-Bretagne en 1947.

Mais même compte tenu de cette histoire, l’analyste Azim Chaudhry a déclaré que la succession rapide des condamnations de Imran Khan – trois en six mois environ – était inhabituelle.

«Le message est qu’Imran Khan restera derrière les barreaux plus longtemps s’il ne change pas sa rhétorique contre les institutions du pays», a déclaré M. Chaudhry, analyste indépendant basé à Islamabad.

Alors que M. Khan mène des batailles juridiques, son rival, le premier ministre Nawaz Sharif, a une voie claire vers un quatrième mandat. M. Sharif lui-même a été entravé par des poursuites judiciaires et des peines de prison, mais la Cour suprême et d’autres tribunaux l’ont acquitté de toutes les charges retenues et ont supprimé l’interdiction à vie imposée aux hommes politiques condamnés en justice de se présenter aux élections.

Le parti de M. Sharif a succédé à celui de M. Khan après son éviction et, présentement, un gouvernement intérimaire dirigé par le premier ministre Anwaar-ul-haq Kakar gère les affaires courantes.

Bien que M. Kakar a déclaré qu’il garantirait des élections libres et équitables dans un environnement pacifique, des attaques isolées ont eu lieu lors de rassemblements électoraux. Un candidat du parti de M. Khan, Rehan Zeb, a été tué par balle mercredi dans le district de Bajur, au nord-ouest du Pakistan. La veille, quatre personnes avaient été tuées dans l’explosion d’une bombe en bord de route, près d’un rassemblement du parti de M. Khan, dans la province du Baloutchistan (sud-ouest).

Des cadeaux revendus mis en cause

M. Khan et son épouse ont été inculpés il y a trois semaines pour avoir acheté des cadeaux – notamment des bijoux et des montres du gouvernement saoudien – à des prix réduits et les avoir revendus à leur valeur marchande. Ils ont plaidé non coupables.

Au Pakistan, les chefs de gouvernement sont autorisés à acheter des cadeaux reçus de dignitaires et de chefs d’État étrangers, mais ils ne sont généralement pas revendus. Si tel est le cas, les gains doivent être déclarés. L’accusation a indiqué que M. Khan n’avait pas divulgué correctement ses revenus après avoir vendu des cadeaux.

En plus des peines de prison, le couple a été condamné à une amende de 787 millions de roupies (2,8 millions $) chacun.

Imran Khan purge déjà une peine de trois ans pour corruption, et il a été condamné à 10 ans mardi, après avoir été reconnu coupable de révélation de secrets d’État. Les trois peines seront purgées simultanément.

Dans un communiqué, Zulfiqar Bukhari, porte-parole du parti de M. Khan, a déclaré que la décision de mercredi était «un autre triste jour dans l’histoire de notre système judiciaire qui est en train d’être démantelé».

Me Awan a affirmé que la dernière décision serait contestée devant les tribunaux supérieurs.

Mme Bibi était absente lorsque le juge a annoncé le verdict, mais s’est ensuite rendue au tribunal pour éviter d’être arrêtée. Elle devra se rendre aux autorités pénitentiaires pour purger sa peine.

M. Khan a brièvement assisté à l’audience de mercredi, mais a quitté la salle alors que le juge était sur le point de lire le verdict. Il a déclaré qu’il ne pouvait pas rester là sans son avocat et a demandé au juge d’attendre. Sa demande a été refusée.

Muhammad Ali, un analyste politique basé à Islamabad, a noté que l’équipe juridique de M. Khan a souvent raté des audiences dans le cadre d’une stratégie visant à retarder le procès.

Gohar Khan, le chef du PTI, a contesté l’idée selon laquelle la carrière politique d’Imran Khan était terminée après cette dernière condamnation.

«Il n’est pas parti et j’appelle nos partisans à voter pour les candidats du PTI afin de garantir que nous gagnions les élections, et c’est la meilleure façon de le venger», a-t-il lancé.

Les analystes estiment cependant que le parti de M. Khan connaîtra des difficultés lors des prochaines élections, et que personne ne sera capable d’égaler son charisme.