Plein feu sur le Lady of the Lake

Le Mountain Maid, premier vapeur à sillonner le lac Memphrémagog, a été mis à l’eau en 1850, mais ce n’est qu’en 1851 qu’il a commencé ses navettes. Il était donc en circulation depuis 16 ans quand le Lady of the Lake a vu le jour en 1867.

Fait d’une coque métallique en plaquettes de 2 po. X 8 po., ce vapeur mesure 167 pi. de long et comporte quatre compartiments étanches. Il est muni de 2 roues à aubes mues par un moteur à pistons, alimenté par deux chaudières à vapeur. Il a une capacité de 350 tonneaux et peut accueillir 1 200 personnes. L’engin est de Barklay Co, de Montréal et la menuiserie est l’œuvre de Shearer du même endroit. Son coût est estimé à 60 000 $.

C’est Hugh Allan, magnat des transports maritimes et ferroviaires, qui en commande la construction par la Barklay and Curle Company Ltd, sur la rivière Clyde à Glasgow, en Écosse. Il est mis à l’eau sur la Clyde sous le nom de Lake Magog, le 31 janvier 1867, pour en vérifier l’étanchéité et la stabilité. Une fois ces essais complétés et réussis, il est démonté par sections pour être livré à la Lake Memphremagog Navigation Company, propriété de Hugh Allan. Il arrive par transatlantique sur le George, propriété de la Allan Line.

Les auteurs ne s’entendent pas sur la suite de son voyage. Pour certains, il est arrivé par bateau à Portland, Maine, mais pour d’autres c’est à Montréal que le George a accosté. Quoi qu’il en soit, le Lady of the Lake a parcouru sa seconde étape par chemin de fer, soit de Portland à Sherbrooke par le Grand Tronc ou de Montréal à Waterloo, à bord du Stanstead Shefford and Chambly Railroad. Un article du Pionnier de Sherbrooke (27 septembre 1867) affirme que c’est plutôt à Montréal, où la famille Allan réside. La dernière étape est effectuée par chariots, tirés soit par des chevaux ou par des bœufs, jusqu’à Magog.

La reconstruction du Lady of the Lake, sur un berceau sur rails, commence à la fin mars 1867, à proximité de l’actuelle station de pompage de la ville de Magog, rue Merry Sud. L’assemblage est complété par des travailleurs venus d’Écosse, et le 10 septembre 1867, tout est en place pour la mise à l’eau, dont le Pionnier fait le récit sous le titre « Une mise à l’eau qui n’en est pas une ». En effet, à 14 h les blocs de retenue sont retirés, le bateau avance dans l’eau sur les rails, l’équivalent de sa longueur, et s’arrête subitement sur son fond.

La foule nombreuse, venue de Montréal, du Nord des États-Unis et des environs de Magog, attend avec impatience le moment du lancement. Mais quelle déception, tant pour ses propriétaires que pour les spectateurs, lorsque le Lady s’immobilise! Tous les efforts pour le dégager sont vains. Il semble s’agir d’une erreur de calcul du poids, avec les 2 bouilloires ajoutées, et de la profondeur de l’eau qui a été surestimée ou qui a diminué. L’on craint devoir attendre au printemps pour recommencer, mais le 24 septembre, les conditions étant favorables, le Lady of the Lake est dégagé avec succès. Il entreprend son premier voyage fin octobre 1867, piloté par le capitaine Handyside de la Allan Line.

Hugh Allan, s’inspirant d’un poème de Sir Walter Scott (1771-1832), intitulé The Lady of the Lake, le baptise de ce nom. Le petit nouveau a fière allure! Le pont supérieur est muni d’un grand salon meublé avec soin et bon goût, offrant une vue splendide sur le lac et le paysage. La promenade est très populaire par belle température. Le pont principal est pourvu d’un salon pour les dames, une grande pièce bien meublée. La cale, d’une hauteur de 8 pieds, contenant les cuisines, peut être transformée en salle à manger pour une cinquantaine de personnes à la fois.

À Magog, le quai où le Mountain Maid accoste n’est pas assez long pour y amarrer le Lady of the Lake. Hugh Allan doit procéder à des rénovations importantes de ce quai, situé à proximité de la station de pompage de la ville de Magog, sur la rive Est. Vers 1879, deux ans après l’arrivée du chemin de fer à Magog, Ralph Merry V convainc Allan de construire un nouveau quai, mais dans la Baie-de-Magog, près de la station du chemin de fer. Des rails sont amenés jusque sur le quai pour faciliter le transfert de passagers et de marchandises sur le bateau.

Le Lady of the Lake a sillonné le lac Memphrémagog pendant près de 50 ans. Il a eu deux concurrents : le Mountain Maid de 1867 à 1892, et l’Anthemis de 1909 à 1915. Selon Colin C. MacPherson qui l’a démantelé, le Lady a fait son dernier voyage en 1915 et a été remorqué de Newport à Magog à l’automne 1916 pour être mis à la ferraille. La légende veut que certaines pièces de ce bateau aient servi à produire des armes ou des munitions utilisées lors de la célèbre bataille de Vimy, en avril 1917. La seule pièce qui reste de sa démolition est la double roue qui commandait le gouvernail depuis la cabine de pilotage. La cabine elle-même, qui avait été récupérée par le docteur George A. Bowen et installée sur sa propriété de la rue Merry Sud, aujourd’hui le Château du Lac, disparaît vers les années 1970.

 

Maurice Langlois,

Société d’histoire de Magog