Patrouiller le lac qui a emporté son père

MEMPHRÉMAGOG. Charles Donahue aurait toutes les raisons de détester le lac Memphrémagog, qui lui a cruellement «volé» son père il y a quatre ans. Et pourtant, c’est avec beaucoup de plaisir qu’il passe son été au sein de la patrouille nautique chargée d’assurer la sécurité sur ce plan d’eau, et ce, pour une troisième année consécutive.

La plupart des Magogois ont encore frais à la mémoire cette journée du mois d’août 2011, lorsqu’on a signalé la disparition du policier Jacques Donahue, introuvable à la suite d’une sortie de pêche en solitaire sur le lac Memphrémagog.

Le pire scénario s’était concrétisé quelques jours plus tard quand le corps de l’homme de 51 ans avait été repêché à 20 mètres de profondeur.

Selon l’enquête du coroner, le disparu aurait quitté son embarcation pour récupérer son épuisette, tombée à l’eau. Il ne portait malheureusement pas de gilet de sauvetage. «Mon père savait nager, mais il ne pouvait pas faire de très longues distances dans l’eau, notamment en raison de sa stature – plus de 220 lb. Il a sans doute été victime d’épuisement», confie Charles Donahue sur un ton très serein.

Retenu dans la région de Lac-Mégantic au moment de la tragédie, le jeune Donahue refuse de revenir d’urgence à Magog, afin d’éviter toute la commotion entourant les recherches. «J’étais en camp d’entraînement de ski de fond et j’ai préféré prendre 24 heures afin de terminer l’activité et digérer la nouvelle», se remémore-t-il.

«Lorsque le corps a été retrouvé, j’ai aussi refusé d’aller l’identifier. Quand je suis parti pour Lac-Mégantic, j’ai dit à mon père que je l’aimais et on était tous les deux de bonne humeur. C’est cette image de lui que je voulais garder», avoue-t-il.

Bien que cette tranche de vie le force à plonger dans ses souvenirs les plus personnels, Charles Donahue s’est toujours montré à l’aise d’en parler. «Ce n’est pas un sujet qui est tabou pour notre famille. Mon père a été victime d’un accident, le genre qui n’arrive qu’aux autres, s’imagine-t-on. Mais, heureusement, nous avons été très bien soutenus par notre entourage. Tous les gestes d’attention ont été appréciés et nous ont aidés à passer à travers cette épreuve», affirme-t-il.

Policier de père en fils

À quelques mois de fêter ses 22 ans (octobre 2015), Charles Donahue s’apprête à suivre officiellement les traces de son père.

Venant tout juste de terminer son cours en techniques policières au Cégep de Sherbrooke, il souhaite être accepté bientôt à l’Institut de police de Nicolet, afin d’entamer sa carrière de policier le plus rapidement possible. «Mon but ultime serait de travailler au Service de police de Sherbrooke, tout comme mon père. Son ancien partenaire a même promis de m’accompagner lors de ma première patrouille, si j’étais engagé là-bas. J’avoue que ça me ferait chaud au cœur de suivre ses traces».

«En plus, je représenterais la quatrième génération de policiers du côté de la famille Donahue, ajoute-t-il. Mon arrière-grand-père – William Percy Donahue -, qui occupait à l’époque le double rôle de policier et pompier, a même vu son nom être donné à une caserne d’incendie de Sherbrooke. Drôle de hasard, mon frère William (son jumeau), qui étudie pour devenir pompier, a récemment fait un stage à cette caserne».

Voilà qui confirme l’adage à l’effet que la pomme, ou les pommes, devrait-on dire dans ce cas-ci, ne tombent jamais bien loin du pommier.

Responsable du lac Memphrémagog

À sa troisième année au sein de la patrouille nautique de la MRC de Memphrémagog, Charles Donahue est responsable des deux embarcations affectées au lac Memphrémagog. Un troisième bateau partage son temps entre les lacs Magog, Massawippi et Lovering tout au long de la saison estivale.

On peut joindre l’équipe de la patrouille nautique au 819 843-9292.

L’importance des vestes de flottaison

En raison de sa vaste expérience des activités nautiques (triathlon, sauveteur, club de natation de La Ruche, etc.) et à la suite du drame qui a coûté la vie à son père, Charles Donahue avoue être grandement sensibilisé à l’importance des équipements de sécurité dans les bateaux.

«Je ne veux pas en faire un cas personnel, mais c’est certainement la première chose que je remarque lorsqu’il manque des gilets de sauvetage à bord. Et les gens doivent aussi choisir leur type de gilet ou VFI en fonction de leurs activités, puisque certains modèles sont conçus spécialement pour garder la tête hors de l’eau en cas de perte de conscience», a-t-il expliqué.