Entente entre Airbnb et Québec sur la TSH: la croisade des aubergistes loin d’être achevée

La récente entente intervenue entre le provincial et <I>Airbnb<I> quant au versement de la taxe sur l’hébergement (TSH) est un pas dans la bonne direction, estiment des acteurs de l’industrie touristique régionale. On est toutefois bien loin de la coupe aux lèvres, selon eux.

À compter du premier octobre, les personnes louant par l’entremise de la plate-forme Web devront, comme les hébergements dits traditionnels, percevoir la TSH de 3,5% dès la première nuitée et la reverser au provincial. Si cette nouveauté met ces individus sur le même pied que ceux classifiés par la Corporation de l’industrie touristique du Québec (CITQ) sur cet aspect très précis, elle est néanmoins bien loin de sceller le débat.

«Beaucoup de gens vont s’imaginer que ces lieux d’hébergement-là sont conformes parce qu’ils payent une taxe d’hébergement.[…]En réalité, il n’y a rien de légal à part que le gouvernement leur arrache une taxe», défend le président de l’Association des gites touristiques Magog-Orford (AGTMO), Richard Grenier. Celui-ci croit d’ailleurs que plusieurs parviendront à déjouer cette nouvelle directive.

Le regroupement, qui rassemble 22 propriétaires, milite auprès de la Ville de Magog depuis déjà deux ans pour qu’elle contre activement l’hébergement illégal sur son territoire. La mairesse Vicki May Hamm a même été mise en demeure par l’AGTMO en septembre 2016, qui jugeait que l’élue faisait preuve de laxisme dans ce dossier. Un employé a finalement été mandaté par l’administration municipale d’inspecter et de sensibiliser les fautifs en février. L’Association estimait, l’an dernier, que quelques 300 personnes louaient via <I>d’Airbnb<I> dans le secteur Magog-Orford.

Des clients «brûlés»

M. Grenier rappelle que ces endroits dépourvus de classification n’offrent aucun sceau de qualité aux clients. Pire: selon lui, certains d’entre eux font de l’ombre aux «vrais» aubergistes. À son avis, de mauvaises expériences vécues par des clients via Airbnb peuvent les pousser à tourner le dos aux réels Bed and Breakfast. «Ils nous brûlent des clients», défend celui qui est aussi propriétaire du gite Au coq du Bonheur, situé à Magog. ll fait d’ailleurs valoir que ces hôtes devraient, comme les propriétaires de gites, défrayer des taxes commerciales, qui excèdent de 1500 à 2000$ les taxes conventionnelle annuellement.

Des plaintes à 100$

@R:Camil Duchesne, propriétaire avec sa femme Ginette Canuel du gîte À la maison DuClas de Granby, va dans le même sens, rappelant que le taux de taxation résidentielle de sa Ville est fixé à 0,82$ du 100$ d’évaluation, contre 1,82$ pour le commercial. Ayant informellement interpellé le maire Pascal Bonin au sujet de ce qu’il qualifie être une «injustice», il raconte que ce dernier lui a répondu d’adresser une plainte à la Ville à l’encontre des fautifs.

 «Pour me plaindre officiellement, je dois avoir l’adresse exacte. Et pour avoir l’adresse, il faudrait que je réserve au moins une nuit sur Airbnb. Je ne vais quand même pas payer 100$ pour faire une plainte», fait valoir celui qui présidait jusqu’à récemment le Regroupement des gîtes Granby Bromont et région, qui a cessé ses activités. Ce dernier attend l’issue des élections municipales de novembre pour reprendre ses représentations auprès de la Ville, mais compte définitivement poursuivre sa croisade contre ceux qu’il juge «hors la loi».

Plus de revenus et 25 inspecteurs

Les associations touristiques régionales (ATR) reçoivent les montants de la TSH, à des fins de promotion et de développement. Pour Tourisme Cantons de l’Est, on estime à 150 000$ le revenu supplémentaire qui sera généré grâce à l’apport d’Airbnb, sur un budget annuel de deux millions $. Sa directrice générale, Francine Patenaude, salue l’entente, mais rappelle que la TSH n’en est pas le seul enjeu.

En effet, Tourisme Québec a également transféré à Revenu Québec le droit de percevoir la taxe, ainsi que le mandat de mener de la sensibilisation auprès des gens opérant dans l’illégalité. «C’est vraiment un début. Ça a beaucoup plus de mordant que quand c’était à la charge du ministère du Tourisme», ajoute Mme Patenaude. Revenu Québec travaille d’ailleurs à mettre sur pied une brigade de 25 inspecteurs affectés à ces tâches. Mme Patenaude accueille cette nouvelle avec optimisme, mais aurait voulu qu’ils soient encore plus nombreux au sein de cette équipe.

Quant à M. Duchesne, il doute sérieusement de l’impact qu’auront concrètement ces nouveaux justiciers. «D’après moi, ils vont d’abord se concentrer sur Montréal et Québec bien avant d’aller dans des régions, par exemple à des endroits comme Granby, Bromont, Waterloo ou Saint-Hyacinthe», soutient le retraité.

Un dossier complexe

Tourisme Cantons de l’Est revendique toujours une réelle obligation de classification des locateurs d’Airbnb auprès de Québec, afin que la concurrence déloyale décriée par de nombreux acteurs de l’industrie soit reléguée aux oubliettes. C’est d’ailleurs ce que souhaitent aussi les aubergistes Richard Grenier et Camil Duchesne. Francine Patenaude concède néanmoins que ce dossier, auquel s’intéresse l’association touristique depuis quatre ans déjà, arbore une certaine complexité.

«Ce nouveau type de commerce-là, il est nouveau à travers la planète, pas juste au Québec. Et pour un gouvernement, c’est sûr que ce n’est pas évident de se tourner de bord rapidement», admet-elle. Cette dernière ajoute qu’il est désormais impossible d’ignorer l’économie collaborative, qui a aussi gagné les transports et la restauration.

Tourisme Cantons de l’Est compte 1000 inscriptions. De ce nombre, 307 sont reliées à des institutions d’hébergement, dont 67 sont des Bed and Breakfast, plus directement touchés par l’essor de la plate-forme de réservation. En date du 1er juillet dernier, 22 300 hôtes québécois étaient actifs sur Airbnb