Unis par la passion et la même fierté

PORTRAIT. Par la nature du travail, les longues heures passées à la caserne et les sacrifices qui en découlent, on dit souvent que les pompiers forment en quelque sorte une famille. Cette affirmation n’aura jamais été aussi vraie pour les frères Lavoie, qui travaillent ensemble à Magog depuis maintenant une quinzaine d’années.

C’est le cas de le dire, Steve, Mathieu et Olivier vivent une relation tissée serrée. Ayant grandis à Eastman, ils n’étaient pas prédestinés à combattre, un jour, des incendies, surtout pas les trois dans la même ville.

Comme la majorité des enfants, plus jeunes, ils avaient les yeux grands ouverts en voyant les gros camions filés à pleine vitesse, les gyrophares allumés. Mais c’est surtout l’aîné de la famille qui a donné la piqûre à ses frangins. «C’est sûr qu’en regardant Steve aller, ça nous a donné le goût de faire la même chose. On le voyait travailler dans notre village et ça avait l’air plaisant», affirme Olivier, âgé de 38 ans.

Si bien que les deux ont pris la décision de réorienter leur carrière. Une décision qui a apporté son lot de défis, surtout pour concilier le travail en semaine et les études le week-end, à l’extérieur de la région. Mais leur détermination a fini par payer alors que Mathieu et Olivier ont obtenu leur premier emploi comme pompier à Eastman à quelques mois d’intervalle, en 1998. Ils y sont restés deux ans pour ensuite venir retrouver leur grand frère à Magog.

«On s’est toujours suivi, mais chacun a fait son propre chemin. Même si j’étais déjà dans le milieu, jamais je ne leur ai donné des passe-droits qui les auraient avantagés. Ils sont entrés par la grande porte d’en avant, pas celle d’en arrière. S’ils sont rendus là aujourd’hui, c’est qu’ils l’ont mérité», assure Steve, «vieux» de ses 43 ans.

Obéir à leur grand frère

Malgré leur lien, les trois frères, qui sont également pères de famille, réussissent facilement à faire la séparation entre leur vie familiale et professionnelle. Une coupure qui est essentielle par respect envers leurs collègues, disent-ils, mais aussi pour préserver leur réputation.

Comme autrefois à la maison, les deux plus jeunes doivent obéir à leur grand frère lorsqu’ils sont en service puisque Steve est leur supérieur immédiat, à titre de capitaine. «À la caserne, c’est sûr que c’est plus amical et on se parle plus comme des frères, raconte Mathieu âgé de 39 ans. Mais sur un lieu d’intervention, on obéit aux commandements du capitaine, qui qu’il soit. La hiérarchie est très importante et on veille à la sécurité de tout le monde, d’égal à égal.»

«Mais c’est sûr que dans le feu de l’action, par instinct, on a toujours à l’œil notre frère pour voir s’il est toujours là, s’il va bien», renchérit aussitôt Olivier.

Pas juste de bons côtés

Même s’ils sont conscients du privilège qu’ils vivent au quotidien, les frères ont aussi vécu l’envers de la médaille. Ils se souviennent de plusieurs moments en famille où ils ont dû s’absenter momentanément pour accomplir leur devoir, dont un en particulier qui les a profondément touchés.

«On était tous ensemble pour la fête de ma fille, raconte Steve. Au moment d’allumer le gâteau, on a reçu un appel. Les trois, on est parti comme des fusées. Quand j’y repense, ça me fait mal d’avoir fait subir ça à ma fille, pendant sa fête, et à mes parents qui voyaient leurs fils partir, sans même savoir s’ils allaient revenir. Ça devait être terrible pour eux. Je l’ai encore sur le cœur, mais ça fait partie du métier.»

De fiers parents

La passion qui unit leurs trois frères est évidemment la plus grande fierté de leurs parents, Réal Lavoie et Thérèse Brouillette. Pour le paternel, qui a fait carrière à Transports Québec, ses garçons méritent entièrement tout ce qui leur arrive. «On ne les a pas vraiment poussés à l’école parce qu’on n’a pas été élevé comme ça. C’est sûr qu’on a toujours été là pour les aider, en leur faisant des lunchs et leur donnant un peu d’argent, mais les efforts et le travail, ce sont eux qui l’ont fait. Comme parent, on ne pourrait pas être plus fier, c’est certain», confie-t-il.

Évidemment, il n’est pas de tout repos de voir ses trois enfants exercer un métier à risque comme celui de pompier. Mme Brouillette est bien consciente qu’ils mettent leur vie en danger à tout moment, mais elle préfère ne pas trop y penser. «Quand je leur rends visite à la caserne et qu’ils doivent partir d’urgence, je sais qu’ils vont aider des gens en détresse. Je ne pose pas plus de questions, car je préfère ne pas savoir ce qui se passe. Ce n’est pas toujours facile, je dois l’avouer, mais comme mère, il n’y a rien au monde qui me rend plus heureuse que de voir mes enfants faire ce qu’ils aiment», conclut-elle.