Une utopie de tout acheter pour protéger les boisés

IMMOBILIER.  Le projet immobilier de 17 immeubles et de 102 logements sur la rue de Hatley à Magog suscite encore de l’inquiétude dans le voisinage. Lettres ouvertes, questions au conseil municipal, commentaires défavorables à la consultation écrite et deux pétitions signées par plus de 800 personnes ne renverseront toutefois pas la vapeur, car les promoteurs respectent déjà les conditions préalables pour construire.

La mairesse de Magog, Nathalie Pelletier, a tenu à faire une mise au point à la fin de la séance publique du conseil municipal, le 4 avril dernier. «Il est utopique de penser qu’on achète les boisés dès qu’un projet immobilier se pointe le nez, prévient-elle. Ça coûterait une fortune, surtout lorsque les promoteurs ont des droits acquis sur des terrains où ils peuvent construire, comme ici dans le dossier de la rue Hatley.»

Elle rappelle que le changement de zonage du présent dossier ne concerne que la hauteur des bâtiments, la réduction du nombre de cases de stationnement et l’imposition d’un PIIA pour s’assurer d’une plus importante intégration architecturale. «Ce projet se situe dans une zone prioritaire de développement en conformité avec la densité et nos règlements de lotissement, spécifie-t-elle. On ne peut allonger la période de consultation juste pour trois modifications mineures.»

Elle réfute les allégations disant que le conseil défend les intérêts des promoteurs. Elle assure que la distanciation entre élus et promoteurs est toujours de mise, et que ce sont les équipes de l’hôtel de ville qui négocient avec les promoteurs, et non pas les élus.

Mme Pelletier mentionne qu’il s’agit d’une grande gymnastique que de gérer développement immobilier, urbanisation, environnement, faible hausse de taxes, pénurie de logements, loyer à la hausse et besoin urgent de logement social et abordable. «Nous travaillons encore sur le projet pour l’améliorer le plus possible avec la conservation de 100% des deux milieux humides et le maintien de bandes végétales et boisées», ajoute-t-elle.

Des habitations sur 40% du terrain?

La mairesse ajoute que les règlements municipaux autorisent une occupation du sol à 40% du terrain, ce qui représente la superficie accordée aux immeubles et aux stationnements. L’autre portion de 60% équivaut au maintien du couvert forestier.

«Cette proportion pourrait fort bien changer dans notre futur plan d’urbanisme afin d’augmenter la protection du couvert forestier pour les prochains projets, spécifie Mme Pelletier. Le promoteur de la rue Hatley serait même ouvert à occuper le sol à moins de 40%. C’est ce qu’on discute actuellement.»

Le conseil s’engage à préparer un plan de logements abordables d’ici la fin 2022, car les 17 futurs immeubles de la rue de Hatley seront surtout destinés aux gens à revenu moyen à élevé.

Quelques minutes avant l’intervention de la mairesse, le 4 avril dernier, le citoyen Dorian Petrovic demandait la protection de l’un des derniers poumons urbains de Magog ou des règlements de zonage plus sévères. Il comparait la destruction de ce boisé urbain à un manque de vision, surtout dans une période de crise climatique.

Deux pétitions, plus de 800 signatures

Deux pétitions s’opposant au projet de la rue de Hatley circulent à Magog depuis quelques semaines. Plus de 800 personnes contestent la construction de ces 102 logements aux abords de la rivière Magog et d’une piste cyclable qui traverse une forêt et un marais.

Ils craignent que la destruction d’une grande partie de la forêt urbaine qui se trouve dans ce territoire ait des conséquences néfastes sur la rivière Magog et l’écosystème qui l’entoure. Ils souhaitent la protection des derniers espaces verts plutôt que de nuire aux espèces environnantes, à la beauté des lieux et à la nature.

Dans une lettre ouverte publiée sur notre site web, le Magogois Rénald Bujold s’inquiète aussi du sort de la piste cyclable, du bruit, de la pollution, de la lumière excessive, de la circulation automobile et de la location à court terme permise ou pas dans ce «temple de la nature».

«Ce projet, s’il se réalise, pourrait bien ne pas être le dernier, mais sceller le sort de toute cette section de la rive sud de la rivière Magog, en ouvrant la voie au développement immobilier tout au long de la piste cyclable et de la rivière jusqu’à maintenant préservée. C’est un enjeu qui mériterait un plus ample débat public», termine M. Bujold.