Un moratoire après l’arrivée de deux fabricants de cryptomonnaie à Magog

INDUSTRIE. La Ville de Magog adopte un moratoire sur la fabrication de cryptomonnaie sur son territoire, et ce, peu de temps après avoir signé des ententes avec deux centres consacrés au minage de cette monnaie dont la plus connue est le «bitcoin».

La Ville de Magog vient de signer des ententes avec deux compagnies distinctes, en l’occurrence Bitfarms (Backbone Hosting Solutions) et Technologie Bitlinksys. Bitfarms s’installe dans les anciens locaux de H. Fontaine, situés à l’angle de la rue Florent et du boulevard Industriel. La seconde aménagera dans les prochains mois dans l’ancienne usine de textile CS Brooks. Elle occuperait une superficie d’environ 2700 mètres carrés (30 000 pieds carrés).

Ensemble, ces deux compagnies, également appelées mines de cryptomonnaie ou centres de traitement de données utilisant des serveurs et des ordinateurs très puissants, pourraient générer jusqu’à 20 ou 25 emplois, selon le directeur général de la Ville de Magog, Jean-François D’Amour. Ce dernier prévoit des revenus annuels nets de 750 000 $ dans les coffres d’Hydro-Magog avec l’arrivée de ces nouveaux joueurs.

Suspension de négociation dans ce secteur d’activité

Comme à la MRC de Brome-Missisquoi, la Ville de Magog suspend toute nouvelle négociation d’entente avec des entreprises de ce secteur d’activités afin d’encadrer davantage ces grands consommateurs d’électricité. La puissance énergétique dont la Ville dispose sera réservée aux entreprises du parc industriel.

Par ailleurs, puisque son parc industriel est en développement, la Ville a récemment fait une demande d’augmentation de puissance énergétique à Hydro-Québec. «Hydro-Magog est en mesure de desservir son territoire et de permettre la croissance des industries existantes, explique la mairesse Vicki-May Hamm. Nous avons toutefois pratiquement atteint la puissance maximale du bloc d’énergie que nous fournit Hydro-Québec. Une puissance additionnelle assurera le développement de la nouvelle phase du parc industriel qui diversifiera notre économie et créera des emplois de qualité.»

Hydro-Québec a également exprimé sa préoccupation concernant la croissance de l’industrie du traitement des données reliées à la cryptomonnaie. Selon Radio-Canada, la Société d’État a reçu près d’une centaine de demandes totalisant 10 000 mégawatts, ce qui représente le quart de la capacité d’Hydro-Québec.

M. D’Amour rassure les contribuables en disant qu’ils n’ont rien à craindre, surtout que les deux entreprises qui s’installent à Magog ont des contrats et des limites de consommation électrique à respecter.

Selon le dg, Bitfarms peut consommer 10 mégawatts, peu importe la saison et la température extérieure. Toutefois, la situation diffère avec Bitlinksys qui a négocié une consommation de 12 mégawatts. Cette capacité devra obligatoirement être revue à la baisse lors des grands froids et des périodes de pointe afin que les autres usines et commerces fonctionnent. L’objectif consiste aussi à prioriser le chauffage des maisons plutôt que d’alimenter des ordinateurs.

Magog, comme Sherbrooke, qui vient de profiter d’un investissement de 250 M$ par le géant québécois de «bitcoins» Bitfarms, demeure attirante pour les promoteurs de cryptomonnaie en raison de leur réseau municipal d’électricité. Même si Hydro-Magog ne produit que 6% de l’énergie électrique à Magog, car elle achète 94 % d’électricité des mains d’Hydro-Québec, elle conserve une certaine autonomie dans ses décisions.

M. D’Amour précise qu’il s’agit que d’une «autonomie relative», car Hydro-Québec pourrait, quand elle le souhaite, imposer un moratoire sur l’installation de mines de cryptomonnaie en province.

Des préoccupations dans Brome-Missisquoi

La Ville de Magog ne partage pas exactement les mêmes préoccupations que la MRC de Brome-Missisquoi, car, selon M. D’Amour, les réalités diffèrent complètement. «La surconsommation n’est pas préoccupante, surtout que nous avons une puissance maximale de 85 mégawatts. Bitfarms peut en consommer 10, mais les 12 autres de Bitlinksys ne seront utilisés seulement quand l’énergie sera disponible, pas en période de pointe», assure M. D’Amour.

L’inquiétude a déjà gagné les élus de Brome-Missisquoi, un territoire qui compte sur quelques adresses de fabrication de cryptomonnaie. Dans le Guide de Cowansville du 21 mars, on lit notamment que le conseil municipal de Bromont s’inquiète face à l’implantation de telles entreprises, car elles présentent des risques importants pour le développement de la Ville, en raison de l’épuisement possible de sa capacité électrique.

Le dg de Bromont, Éric Sévigny, explique «que l’arrivée de ces entreprises créerait peu d’emplois et de richesse foncière tout en consommant une quantité phénoménale d’électricité.»

Francis Dorion, dg adjoint à la MRC de Brome-Missisquoi, motive le moratoire de 90 jours en disant vouloir éviter les nuisances générées par les centres de traitement de données. «Ces installations ont la réputation d’être bruyantes, très énergivores, tout en émettant des vibrations», commente-t-il.

Toujours selon le Guide de Cowansville, une douzaine de projets d’implantation de centre de traitement de données ont été soumis à la Société de développement économique de Bromont, ce qui représente environ une demande par semaine depuis le début de l’année.

Ici, à Magog, on opte aussi pour la prudence et aucune autre demande n’est actuellement sur la table. Le dg de la Ville de Magog se veut rassurant. «Les Magogois ne manqueront pas d’électricité à cause de la consommation de ces entreprises. Hydro-Magog ne demandera pas aux Magogois de réduire leur consommation électrique, non plus, pour que les mines de cryptomonnaie puissent fonctionner à plein régime», insiste-t-il.

Le préfet de la MRC de Memphrémagog, Jacques Demers, confirme que le conseil des maires n’a pas étudié la question, laissant le soin à la Ville de Magog à gérer le type d’entreprises qu’elle souhaite attirer.

Un gaspillage de ressource naturelle

L’un des candidats défaits à la mairie de Magog, Marc Delisle, s’inquiète face au possible gaspillage d’une ressource naturelle. «Pourquoi octroyer notre électricité à deux entreprises qui tentent de s’enrichir en gaspillant une richesse naturelle précieuse, tout en ne créant absolument aucune valeur ajoutée», s’inquiète-t-il.

«Possiblement que la négociation est profitable pour Magog à court terme, mais est-elle aussi profitable pour la planète ou pour nos citoyens? Et au prochain hiver, vous dira-t-on de ne pas utiliser trop d’électricité, car on va en manquer», lance-t-il en espérant se tromper.

 

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La plupart des cryptomonnaies se ressemblent et dérivent du «bitcoin», créé en 2009

<I>Source:  Wikipedia<I>