Un ancien soldat d’Hitler retranché au Canton de Potton

TÉMOIGNAGE. Recruté contre son gré à 17 ans par l’armée allemande de Hitler, un jeune Hongrois a survécu aux combats mortels de la Seconde Guerre mondiale. 75 ans plus tard, il vit une paisible retraite dans les boisés du Canton de Potton.

Adalbert Lallier a aujourd’hui 92 ans et l’esprit plus vif que jamais. On ne sait pas si ce sont ses passions pour les échecs ou les livres qui gardent ainsi son cerveau en ébullition. Néanmoins, il confirme que son désir de vivre l’a maintenu en vie dans les tranchées et le maintien encore aujourd’hui en vie.

L’étonnant récit de M. Lallier débute en 1942, au moment où l’armée allemande recrute des soldats du côté de l’Autriche, là où il vivait avec ses parents. À l’époque, Hitler luttait contre le communisme russe pendant qu’il occupait des pays européens. «Ça faisait beaucoup de sens pour moi de combattre les Russes, même si je ne suis pas fier d’avoir appartenu au SS», avoue-t-il.

Lallier a notamment perdu son frère pendant ses trois ans dans l’armée allemande. Il hésite avant de parler des atrocités au front. Des frères d’armes sont morts dans ses bras. La majorité de ses compagnons d’école sont décédés. Selon ses dires, à la guerre, un soldat a 50% de chance de survivre, 50% de risque de mourir. Il a tué pour survivre, mais il assure avoir toujours respecté le corps des soldats ennemis. «J’ai vu des milliers de morts, d’hommes violentés et de femmes violées. C’était sauvage», se rappelle-t-il avec difficulté.

Lallier se trouvait jeune pour joindre les rangs de l’armée. C’était même contraire aux lois internationales, selon ses dires. Il partageait néanmoins le désir des Allemands de freiner la propagation du communisme. Au front, les soldats ne connaissaient pas nécessairement l’existence des camps de concentration et les plans d’extermination des Juifs par millions. «J’ai survécu, car je voulais vivre. Je ne buvais pas d’alcool pour garder mes forces et j’échangeais des cigarettes contre de la bouffe», se souvient-il.

Une pomme comme symbole de liberté

La guerre prend fin en 1945. Il est prisonnier des Britanniques neuf mois jusqu’en 1946. Il commence à travailler pour l’ONU pour envoyer des gens en Amérique du Nord. Il embarque à son tour sur un bateau en destination du Canada avec 3 $ en poche. «J’ai payé une pomme 1 $. C’était ma première Macintosh. Je l’ai trouvé tellement bonne que je savais que j’avais fait le bon choix», image-t-il.

Il vit peu de temps en Ontario avant de s’installer à Montréal. Il travaille pour économiser et se payer des études. Boudé par certaines universités, il apprend l’anglais pour amorcer des études en économie et en politique à Concordia. Il décroche son baccalauréat avant d’être repéré par l’Université Columbia à New York, où on lui offrait une maîtrise et un doctorat tout à fait gratuitement pour se spécialiser en affaires russes. «J’ai refusé quand j’ai vu ce que les Américains faisaient à la guerre du Viêt-Nam. J’ai vu des ressemblances avec les Allemands de la Seconde Guerre. J’ai dit non, car je suis un homme de paix», insiste-t-il.

Lallier retourne néanmoins en sol américain (Columbia) quelques années plus tard, puis en France, pour compléter son doctorat. «Des années après mon immigration, je suis très fier d’avoir complété mes études et d’avoir obtenu des mentions d’excellence», dit-il.

Les années filent. De 1960 à 2001, il enseigne l’économie au Collège Loyola et à l’Université Concordia à titre de professeur respecté. Il fonde une famille et découvre lentement les Cantons-de-l’Est, une région qui lui rappelle son Autriche.

Adalbert Lallier est un ancien soldat de l’armée d’Hitler, qui se dissocie complètement de la philosophie des Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale.

Éliminer ses vieux démons

Puis, un flash-back revient le hanter. Il dévoile publiquement son ancienne association avec les SS. Au tournant des années 2000, il initie le combat d’une vie. Il accuse un ancien supérieur militaire de sept meurtres contre des Juifs dans un camp de concentration. «Ma conscience me dictait de faire condamner cet homme pour des crimes de guerre, qui avait abattu froidement des humains. J’ai témoigné contre lui, car j’ai tout vu. Il a été reconnu coupable, mais sa sentence n’a été que de douze ans. Environ deux ans par personne! C’est inconcevable», s’indigne-t-il encore.

Adalbert Lallier a par la suite écrit quelques livres sur ses aventures avec les nazis. Il raconte notamment les accusations contre son ancien supérieur. Il dénonce aussi le retour en politique de plusieurs dirigeants nazis, devenus politiciens de partis démocratiques en Allemagne.

La sexualité vue par un économiste

Depuis quelques années, il a effectué un virage radical en s’intéressant à la «sexonomica». Un de ses livres est une étude académique qu’il juge novatrice et audacieuse sur les femmes et les hommes. Il aborde notamment leur fascination pour le triangle «sexe/argent/pouvoir», en mettant l’accent sur une égalité du pouvoir entre les deux sexes.

Il y traite de la sexualité des humains du point de vue d’un docteur en économie. Pour lui, il ne comprend pas pourquoi la société associe sexualité et péché mortel. «La sexualité est une partie normale de l’humain, mais il faut la pratiquer de façon intelligente», résume-t-il.

Info : www.sexonomics.com