Trop de maisons vendues sous l’évaluation municipale dans la MRC de Memphrémagog?
Une étude sur 20 mois (de janvier 2016 à août 2017) démontre que sur les 842 maisons vendues dans la MRC de Memphrémagog, 43,8% d’entre elles ont été vendues sous l’évaluation municipale.
Notamment orchestrée par le citoyen d’Austin Michel Morin, cette analyse cible Austin au sommet de cet exercice avec une proportion de 62,9%. «C’est exceptionnel, surtout dans notre municipalité où l’on vend trois maisons sur cinq sous l’évaluation. Il faut arrêter de se dire que nos maisons valent comme l’indique notre évaluation foncière, car elle ne reflète plus la réalité. Nous sommes surtaxés, qu’arrivera-t-il si les taux d’intérêt augmentent?», se questionne-t-il.
M. Morin convient que la moyenne de la MRC Memphrémagog (43,8%) est moins préoccupante. Il demande néanmoins aux élus de trouver des solutions pour refléter davantage la réalité. Selon lui, même les courtiers immobiliers se plaignent des évaluations, car ils peinent à expliquer que la maison de leurs clients ne vaut pas le prix affiché par l’évaluation municipale.
Il assure que la publication de ces données ne représente une opération précampagne électorale. «Je dénonce des évaluations trop élevées à Austin depuis plusieurs années, car cette situation perdure depuis longtemps», peste-t-il.
Questionné sur son intérêt à la mairie, il préfère demeurer discret et n’émettre aucun commentaire.
Une sacrée coïncidence
La mairesse qui sollicite un autre mandat à Austin, Lisette Maillé, s’interroge sur les réelles intentions de M. Morin.
«Il a interrogé le conseil sur cette question lors de l’assemblée d’avril. Nous avons répondu à ses questions en public à l’assemblée du mois de mai. Nous l’avons rencontré avec nos évaluateurs en juin. Nous avons formalisé la décision de reconduire le rôle d’évaluation à l’assemblée d’août, détaille-t-elle. M. Morin publie ça dans les journaux à quelques semaines du déclenchement des élections. Sans vouloir prêter de mauvaises intentions à M. Morin, disons que s’il n’en fait pas une opération préélectorale, le moment est une sacrée coïncidence.»
Elle convient que l’évaluation foncière a bondi de plus de 200% sur 15 ans, mais précise que le conseil a diminué le taux de taxation pour atténuer l’impact de ces hausses sur le compte de taxes. Elle donne l’exemple d’un propriétaire d’une résidence de 350 000 $, comportant un logement, qui paie des taxes d’environ 1800 $ depuis 2011.
En réplique à M. Morin, elle signale que les secteurs de la municipalité n’évoluent pas de façon identique. Elle brandit une analyse de marché faite en avril 2017, sur la base de 65 transactions effectuées depuis le 1er janvier 2016, qui démontre que les prix payés correspondent presque à 100% à la valeur de l’évaluation foncière des propriétés. Les secteurs ciblés étaient le Domaine Mont-Orford, Domaine 4 Saisons et le secteur du lac Memphrémagog.
Des hausses jusqu’à 230% depuis 15 ans
L’évaluateur de la MRC Memphrémagog, Jean-Pierre Cadrin, est convaincu que ses estimations frappent plutôt dans le mille. «Nous visons assez juste car nous avons presque autant de maisons vendues sous l’évaluation qu’au-dessus dans la MRC de Memphrémagog», détaille-t-il.
M. Cadrin rappelle que l’évaluation tient compte, pour chaque propriété, des conditions du marché immobilier, de l’état de la propriété et du secteur. Le but est d’établir le prix probable que l’on aurait obtenu pour la propriété si elle avait été vendue «dans un marché libre et ouvert à la concurrence».
M. Cadrin convient néanmoins que les évaluations ont beaucoup augmenté depuis 15 ans, comme en fait foi le tableau publié dans cette page. Saint-Étienne-de-Bolton a notamment connu une hausse de 230% depuis 2003. «Des augmentations similaires ont été observées dans d’autres régions de la province, comme dans les Laurentides ainsi que dans des milieux urbains comme à Montréal et Sherbrooke, dit-il. Ce n’est pas toujours une mauvaise nouvelle de voir la valeur d’une maison à la hausse, car notre actif augmente et signifie qu’on vit dans une région en essor, contrairement à des zones en dévitalisation.»
Assez prêt de la réalité, mais parfois de grands écarts
Le président de la Chambre immobilière de l’Estrie, David Bourgon, concède qu’il est difficile d’évaluer des propriétés dans une région, comme celle de Memphrémagog, qui présente beaucoup de variables d’un secteur à l’autre, comme des lacs, des points de vue. «Nous ne sommes pas dans des quartiers uniformes comme à Brossard. Comme courtier immobilier, nous sommes habitués de vivre avec ces données quand on fixe un prix de vente, souvent plus juste que celui du rôle foncier», soutient-il.
«Les acheteurs provenant de Montréal ou de la Rive-Sud, secteurs où les évaluations sont plus en ligne avec la réalité du marché, sont bien souvent «trompés» par nos données municipales. Acheteurs et vendeurs devraient consulter un expert sur le terrain plutôt que d’y aller d’estimations basées sur les évaluations municipales», ajoute-t-il.
Malgré ses disparités, M. Bourgon estime que les évaluations de la MRC de Memphrémagog demeurent près de la réalité. «Nous constatons parfois de grands écarts, mais soyons prudents avec des moyennes tirées d’un faible nombre de transactions», prévient-il.
David Bourgon préfère ses statistiques tirées de la Chambre immobilière de l’Estrie, qu’ils considèrent plus fiables.
À Austin, les 49 ventes de maisons unifamiliales se sont conclues en moyenne à 96% des évaluations municipales en 2016. Par exemple, ce 4% signifie qu’une maison évaluée à 500 000 $ se vendait 480 000$.
À Magog, toujours selon les chiffres de M. Bourgon et par l’entremise de courtiers, les 224 ventes de maisons unifamiliales se sont conclues en moyenne à 106% des évaluations municipales en 2016. Donc, une résidence évaluée à 500 000 $ à Magog se vendait 532 000 $ en 2016.