Santé mentale: une ancienne militaire veut profiter de la vie malgré un stress post-traumatique

SANTÉ MENTALE. La Magogoise Linda Chouinard est convaincue que des petits bonheurs quotidiens lui ont sauvé la vie au terme d’une carrière de 22 ans dans les Forces armées canadiennes. La pratique du vélo, sa passion pour les arts et son amour pour son chien et ses chats atténuent les effets de son stress post-traumatique sur sa santé mentale.

La femme de 52 ans a vécu les atrocités durant la guerre de Bosnie. À titre d’adjointe médicale, elle a vécu aux premières loges les conséquences de ce conflit se déroulant dans l’ex-Yougoslavie au début des années 1990.

«J’ai vu et soigné des corps mutilés, se souvient-elle avec émotion de ces événements survenus en juin 1993. Le cadavre d’un militaire canadien, tué par une roquette, représente probablement mon pire souvenir. Son corps était défait. Les images et les odeurs me hantent toujours.»

Alors âgée de seulement 25 ans, elle ne savait pas que ce séjour de six mois dans une zone de guerre l’affecterait toute sa vie. Mais ce ne sont pas ses souvenirs de guerre qui assombrissent principalement son esprit encore aujourd’hui. Sa descente aux enfers ne faisait que malheureusement commencer.

Une agression plus pénible que la guerre

Elle quitte son poste d’adjointe médicale après son séjour en Europe, mais demeure dans les Forces en travaillant en ressources humaines. Elle croyait apercevoir de la lumière au bout du tunnel, mais une agression sexuelle commise par son supérieur en 1995 à Farnham, un homme qu’elle connaissait, la heurte plus brutalement que les affres de la guerre.

«Il m’a menacée avec un fusil à plomb et m’a poussée dans un coin. J’ai réussi à crier, mais il était trop tard. Par la suite, il me harcelait, m’intimidait. Je l’ai dénoncé, mais deux enquêtes l’ont blanchi, s’indigne-t-elle. J’ai passé pour une folle et une faiseuse de trouble, car on a conclu qu’il avait eu une mauvaise approche à mon endroit!»

Maladie, décès de sa mère et ruptures amoureuses ont par la suite déstabilisé la vie de Linda Chouinard. Elle devient irritable, mais continue à travailler comme une forcenée.

Des étourdissements apparaissent vers la trentaine au début des années 2000. Un congé de maladie lui est imposé pour prévenir l’épuisement. Elle retourne au travail à Petawawa, en Ontario, mais dans sa petite chambre minable, comme elle dit, ses cauchemars reviennent la hanter. Les souvenirs de son agression l’empêchent de dormir. Elle panique.

Comme un train qui la percute

Elle compare le prochain événement à un autre train qui lui passe sur le corps. Elle fait des crises de panique et de sérieuses idées suicidaires occupent son esprit.

«J’avais accès à de la morphine. En gobant cette drogue, je voulais me gazer dans un garage pour éviter de rater mon coup. Cependant, j’ai vu pleurer mon chien de l’époque. C’est lui qui m’a fait changer d’avis, mais j’ai dû me faire soigner», se souvient-elle.

Elle quitte la région d’Ottawa pour Magog en 2009 à l’âge de 43 ans. Elle n’en pouvait plus de côtoyer des militaires, dont plusieurs idiots et intolérants selon elle, ce qui lui rappelait de mauvais souvenirs. Sa ville d’adoption lui sauve également la vie, car elle en profite pour se reposer, pratiquer le vélo, cajoler ses animaux et s’adonner à la peinture, à la photographie et à l’ébénisterie.

«Je souffre encore, même si je vais bien en général. L’énergie n’est pas toujours au rendez-vous, mais les pilules et mes passions m’aident énormément. Je demeure néanmoins inapte au travail», témoigne-t-elle.

Elle sort du placard pour se libérer de ses chaînes et démystifier les maladies mentales, ces grandes incomprises, surtout en cette Semaine de la santé mentale (du 7 au 13 mai).

«Nous ne sommes pas des fous, ni des extraterrestres, ni des dangereux, lance-t-elle. L’intolérance à notre égard doit cesser. Pourquoi les gens n’ont pas honte des personnes atteintes de cancer, mais changent de comportement en côtoyant des gens aux prises avec des problèmes de santé mentale. Arrêtez de nous mettre davantage de pression avec vos regards. On en a assez comme ça.»

Un symbolique retour dans les Balkans

Linda Chouinard participera à une symbolique randonnée en vélo du 8 au 16 juin prochain. Elle roulera en compagnie d’une centaine de cyclistes, ex-militaires et civils, sur 600 kilomètres en six jours entre Sarajevo et Medak. Les «Wounded Warriors», un groupe qui soutient des membres des Forces armées canadiennes malades et blessés, organise la «Battlefield Bike Ride» dans l’ex-Yougoslavie.

L’objectif est de commémorer les 100 ans de la fin de la Première Guerre mondiale, les 25 ans du début de la mission canadienne à Sarajevo ainsi que les 25 ans de la participation de Linda Chouinard. Elle effectuera également un émotif pèlerinage en duo du 3 au 8 juin en voiture afin de revisiter des endroits riches en souvenirs. «Ça fait partie de mon plan de guérison. J’y vais pour boucler la boucle», espère-t-elle.

«Mes tempêtes intérieures»

Linda Chouinard figure dans un livre qui vient de paraître, intitulé «Mes tempêtes intérieures». Il présente 25 témoignages porteurs d’espoir sur la santé mentale. Mme Chouinard est l’une des deux inconnues dévoilant une importante facette de leur personnalité, car la majorité des témoignages proviennent de personnalités connues comme Jean-Nicolas Verreault, Florence K, Jean-Marie Lapointe et Marianne St-Gelais. Vanessa Beaulieu signe le livre et l’éditeur est Guy Saint-Jean.