Régie de police de Memphrémagog: le #2 de la police accroche son insigne

CARRIÈRE. L’heure de la retraite a sonné pour le Magogois Christian Boily, qui a passé les 28 dernières années au service de la Régie de police de Memphrémagog.

L’histoire de Christian Boily est loin d’être banale. Avant même l’âge de 20 ans, il a atterri à la Dominion Textile, comme commis du magasin, après avoir abandonné l’école. Un emploi qu’il a occupé durant quatre années avant de prendre une décision qui changera le cours de sa vie. «Même si j’étais devenu gérant du magasin, je ne me voyais vraiment pas rester là encore 35 ans, raconte-t-il. L’idée de faire un retour aux études me trottait dans la tête et c’est à 23 ans que j’ai fait le grand saut.»

Visiblement déterminé, l’étudiant a complété son secondaire 4 et 5 en seulement trois mois. Il s’est ensuite inscrit en techniques policières, un métier qu’il rêvait de faire depuis son enfance. Cependant, il a dû persister pour y arriver. «Quand j’ai vu que ma demande avait été refusée, j’ai contacté le responsable du programme pour lui expliquer mon histoire. Sur le coup, il me disait qu’il n’y avait rien à faire. Mais deux semaines plus tard, le téléphone a sonné et j’étais accepté», se souvient-il.

Avant même de terminer son cours, M. Boily a été embauché comme policier par la Ville de Magog. Un scénario rêvé pour un p’tit gars de la place, mais qui s’accompagnait aussi d’un bémol important. «À l’époque, les policiers étaient aussi pompiers et pour moi, c’était un gros irritant. Tellement que j’avais postulé à la police de Montréal. Cependant, en pesant les pour et les contre, j’ai décidé de rester ici. Heureusement, car la Régie de police de Memphrémagog a été créée trois ans plus tard, en 1994», poursuit l’homme âgé de 55 ans.

Un patrouilleur dans l’âme

Au fil des années, le patrouilleur a gravi les échelons de l’organisation en passant d’enquêteur à un premier poste de cadre, comme capitaine, en 2004. Il a ensuite été nommé en 2009 comme directeur adjoint, fonctions qu’il a occupées jusqu’à son départ en septembre dernier. «J’ai vécu de belles expériences à tous les niveaux, mais la plus belle «job», c’est celle de patrouilleur, avoue-t-il. Ce n’est pas routinier, chaque journée est de l’inconnu et tu ressens toujours un peu d’adrénaline. Après chaque quart de travail comme patrouilleur, tu retournes à la maison avec le sentiment du devoir accompli, car tu sais que t’as aidé des gens.»

Le plus beau métier malgré l’horreur

Comme tout policier, Christian Boily a été confronté à des situations marquantes, voire traumatisantes. Celle du meurtre de jeune Éric Arpin, survenu en 1994, arrive en haut de liste. Surtout que c’est lui, en compagnie d’un collègue, qui a découvert le corps de l’enfant de 9 ans dans le tunnel Saint-Luc. «Notre quart de travail était presque terminé et on avait déjà fait des recherches près du tunnel, qui n’avaient rien donné. On était sur la route pour revenir au poste de police, mais j’ai dit à mon collègue qu’on devait y retourner, une dernière fois. C’est là qu’on a vu le corps d’Éric, qui était encore chaud. J’ai fait des manœuvres de réanimation, mais ça n’a rien donné», témoigne-t-il.

Christian Boily a longtemps vécu avec un sentiment de culpabilité à la suite de cet événement. Non pas parce qu’il n’a pas réussi à réanimer la victime, mais bien en raison du fait qu’il avait aperçu l’un des meurtriers, le soir même, avant que le crime ne soit commis. «Je me souviens d’avoir vu Camille Noël dans les marches de l’église Sainte-Marguerite. Il avait un comportement inhabituel. Il était comme dans sa bulle, le regard vide. Je suis même repassé trois fois devant lui tellement c’était bizarre. Je ne pouvais jamais imaginer ce qu’il était sur le point de commettre, mais je m’en suis longtemps voulu de ne pas en avoir fait plus. J’ai réussi à faire la paix avec tout ça récemment, car avant, je n’aurais jamais été capable d’en parler sans pleurer», confie-t-il.

Père de deux enfants, aujourd’hui âgés de 21 et 23 ans, Christian Boily a aussi craint pour la sécurité de sa famille en 1995. À ce moment, il avait été pris pour cible par un membre des Hells Angels, qui s’était même rendu jusqu’à sa résidence privée pour l’intimider. Finalement, le pire a été évité, mais le principal intéressé reconnaît que cet épisode l’a longtemps hanté.

Suivre les traces de son modèle

Malgré ces horribles souvenirs, le résidant de Magog choisirait la même carrière si tout était à refaire. Cette volonté d’engagement est inspirée d’une personne qui a lui toujours servi de modèle, soit son père Julien Boily, qui est aussi retraité de la police de Magog et qui est aujourd’hui décédé. Le paternel et son fils ont d’ailleurs travaillé ensemble pendant trois ans. «Quand j’ai dit à mon père que je voulais devenir policier, il m’a rappelé que ce n’était pas toujours rose et qu’il y avait beaucoup de sacrifices à faire. Mais quand je lui ai demandé s’il ferait autre chose, il m’a dit non sans hésiter. C’est là que j’ai compris que ce travail est bien plus qu’un métier; c’est une véritable passion», conclut-il.