Parc national du Mont-Orford: un lac privé des Bombardier au cœur des terres publiques

ENVIRONNEMENT. Le parc national du Mont-Orford doublera un jour sa superficie pour atteindre plus de 100 kilomètres carrés. Aucune date n’a cependant été fixée pour l’ouverture de cette nouvelle zone de conservation, mais on sait déjà qu’un des lacs, qui se trouve au cœur de l’agrandissement, risque fort de demeurer privé.

Le lac La Rouche est situé à Racine, dans la MRC du Val-Saint-François. Les grimpeurs y conserveront leur paroi d’escalade, mais ce plan d’eau se trouve au centre de l’expansion projetée par le gouvernement du Québec depuis 13 ans.

Le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, via la relationniste de presse Catherine Ippersiel, confirme que ce lac demeurera la propriété des Placements Bombardier limitée. «Le lac La Rouche n’est pas inclus dans les limites du projet d’agrandissement du parc national, explique Mme Ippersiel. Aucune négociation n’est en cours en vue de l’acquisition de ce terrain par le gouvernement du Québec.»

Le lac La Rouche est notamment utilisé par le centre de recherche de Bombardier Recreational Products (BRP), situé à Valcourt, pour y effectuer des activités de recherche et de développement. La famille et des employés s’y sont longtemps donné rendez-vous pour aller à la pêche.

 

La politique est l’art du compromis

Le député d’Orford, Gilles Bélanger, manifeste une légère déception. Il aurait préféré intégrer ce lac dans le futur parc au lieu d’avoir une enclave privée à l’intérieur de ces terres publiques. «Je ne connais pas tous les détails des négociations, mais je suis généralement satisfait, car le parc doublera tout de même sa superficie», dit-il.

Le président du Memphrémagog Conservation Inc. (MCI) et ancien militant de SOS Orford, Robert Benoit, partage sensiblement la même impression que M. Bélanger. «La politique étant un art de compromis, je crois que les deux parties en sortent gagnantes, estime-t-il. La famille Bombardier conserve un lieu paradisiaque et les amants de la nature profiteront d’un parc beaucoup plus grand.»

Benoit ne croit pas qu’un lac privé au cœur d’un parc national provoquera une levée de boucliers. Selon lui, il existe quelques précédents similaires ailleurs au Québec. Il ne croit pas, non plus, que les activités de recherche et de développement de BRP, ou encore la pêche, nuiront à la vocation du parc.

En plus d’un lac privé au cœur du futur parc national du Mont-Orford, ce territoire protégé sera traversé par la route 222, entre Valcourt et Saint-Denis-de-Brompton.

 

 

 

 

Déception d’un amant de la nature

L’environnementaliste Pierre Dépôt est par contre très déçu devant la tournure des événements. «Ce n’est pas ce scénario qui était prévu au départ. La population devrait avoir accès à ce magnifique lac, surtout qu’il sera situé au beau milieu de l’agrandissement», s’attriste-t-il.

Ce résident du lac Bowker, un plan d’eau du Canton d’Orford situé au sud du lac La Rouche, n’en est pas à sa première déception depuis l’annonce de cet agrandissement, il y a 13 ans. Il a notamment dénoncé l’amputation d’une portion de 8,6 km carrés de terrains. Cette superficie deviendra une aire protégée de réserve de biodiversité plutôt qu’une zone faisant partie intégrante du parc national du Mont-Orford. La superficie de l’agrandissement est donc passée d’environ 52 à 43 km carrés.

Le ministère explique ce retrait par la présence de sentiers régionaux de véhicules hors route sur cette portion du territoire, car leur présence est interdite par la loi à l’intérieur des parcs nationaux.

 

Des essais de motomarine

Parlant de véhicules motorisés, Pierre Dépôt souhaite que le lac La Rouche ne soit pas trop utilisé pour y faire des essais de motomarine.

BRP, qui est uniquement responsable de la gestion des accès pour les utilisateurs du lac La Rouche et de l’entretien du site, n’est pas impliquée dans les discussions liées à l’agrandissement du parc national.

La conseillère principale des relations avec les médias de BRP, Élaine Arsenault, informe que la compagnie y effectue, de façon occasionnelle, des tests de motomarine sur ce plan d’eau.

On a tenté de joindre un membre de la famille Bombardier au siège social de Montréal, mais sans succès.

Le député Bélanger ajoute que l’expropriation et l’acquisition des autres terrains voisins appartenant aux Placements Bombardier pourraient se finaliser en 2019.

Des ententes avec d’autres propriétaires sont également au programme pour les prochains mois. On ne connaît pas la facture totale, mais on sait que Québec a presque atteint les 18 millions de dollars pour acquérir environ 50 km carrés. Cette superficie se transformera éventuellement en parc national.

Le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs ajoute que le projet d’agrandissement sera présenté en audiences publiques une fois que les acquisitions de terrain seront complétées. «Ensuite, la nouvelle limite du parc national du Mont-Orford sera officielle lorsqu’elle aura été adoptée par le Conseil des ministres, comme le processus habituel le prévoit», conclut la relationniste Catherine Ippersiel.