Malade, un juge devient artiste pour allonger sa durée de vie

SANTÉ. Un juge atteint d’une grave maladie neurocognitive a dû quitter la magistrature pour prolonger son espérance de vie. Il a mis son destin entre les mains de la puissance des arts afin de passer du temps de qualité avec sa famille, tout en gardant le plus possible son cerveau en éveil.

Ce juge de la Cour supérieure de l’Ontario est Kevin Whitaker. Il a interrompu sa carrière en raison de la maladie, il y a huit ans. Aujourd’hui au repos dans sa maison située sur les rives du lac Massawippi, il peint des tableaux pour chasser ses hallucinations et allonger sa durée de vie. Il déjoue les pronostics des médecins en étant déjà à neuf expositions ayant remporté un vif succès à Toronto, à North Hatley et une fois en France.

M. Whitaker a 65 ans. Il combat la maladie de Parkinson et la démence à corps de Lewy depuis le désolant constat que son cerveau ne fonctionnait plus comme d’habitude. Lewy, c’est la même maladie dont souffrait le comédien Robin Williams avant de s’enlever la vie en 2014.

Le juge artiste est plus optimiste et frappe dans la vie à grands coups de pinceau, mais aussi en écoutant de la musique, en jouant du violon et de l’harmonica, tout en s’adonnant au chant. Ses chiens lui donnent également une grande dose d’énergie qui, jumelée à sa création artistique, stimule son cerveau. 

CRÉER POUR VIVRE PLUS LONGTEMPS

« Je crois que mes activités me permettront de vivre plus longtemps, soit quelques années de plus que je croyais au départ », résume-t-il lentement en anglais, mais de façon fort éloquente.

Sa conjointe Marie Moliner a pris sa retraite pour s’occuper à temps plein de l’amour de sa vie. Cette proche aidante croit que le calme autour de leur propriété et être entouré des siens contribuent aussi à repousser la date fatidique. « Les médecins lui donnaient entre 2 et 8 ans de vie, détaille-t-elle. Kevin amorce sa huitième année de maladie. On a même une exposition à venir dans la région, un lancement de film au Mexique en février et une autre exposition à Toronto en novembre prochain. »

Ses toiles de style abstrait feraient de belles pochettes psychédéliques pour des groupes comme Pink Floyd et Jimmy Hendrix. L’artiste endosse ce rapprochement. Il a même déjà réalisé une oeuvre à l’huile intitulée « Comfortably Numb », une célèbre pièce floydienne. En écoutant cette pièce, les notes lui ont dicté comment appliquer l’huile sur la toile.

Outre la musique, il s’inspire des actualités internationales et d’enjeux mondiaux avant de signer des oeuvres comme « The Dictator » et « Rule of Law ». Des autoportraits figurent aussi dans sa collection. L’une de ses précédentes expositions s’intitulait «Chasing the Monster ».

LA PEINTURE LE CALME MAIS LE QUOTIDIEN DEMEURE DIFFICILE

« La peinture m’apaise et me soigne, confie-t-il. Ça va au-delà du passe-temps, car elle occupe de l’espace dans ma tête. Ça me calme et ça me rend confortable. C’est presque vital. »

Tout n’est cependant pas toujours rose au quotidien. M. Whitaker a de la difficulté à se déplacer et perd parfois l’équilibre. Il oublie des choses et sa coordination se dégrade. Il prend une quarantaine de pilules par jour. Il dort de 14 à 16 heures quotidiennement.

C’est même assez étonnant qu’un homme qui ne peut plus cuisiner ni conduire sa voiture puisse colorer ses états d’âme sur des toiles qui trouvent régulièrement preneur.

Le couple affronte la réalité avec sérénité. Sachant que l’inévitable approche, il profite au maximum de chaque instant passé ensemble. « C’est une occasion unique de se rapprocher et de se connaître davantage, confie Mme Moliner. On partage tout et il ne faut pas avoir honte de parler de ces maladies. On peut surmonter cette épreuve si nous sommes bien entourés. »

Ce reportage a été réalisé dans le cadre du Mois de la sensibilisation à la maladie d’Alzheimer au Canada. M. Whitaker est atteint de la maladie de Parkinson, mais la démence à corps de Lewy est une forme de trouble neurocognitif qui s’apparente à l’Alzheimer.

On peut observer et acheter ses oeuvres au www.kevinwhitaker.art.

Voici un documentaire à visionner en lien avec ce couple.

« À la poursuite des monstres: Parkinson’s et le pouvoir de l’art »