L’ex-génie du cannabis sert une mise en garde
TÉMOIGNAGE. Bien qu’il ait fait passablement d’argent – «une couple de millions» – en s’adonnant autrefois à la culture illicite du cannabis, Daniel Lepage jure que le crime ne paie pas. Au contraire, on serait porté à croire que l’ex-Magogois en paie lui-même encore le prix, une quinzaine d’années plus tard.
Lorsqu’une vingtaine de policiers ont envahi son atelier de réparation de bateaux sur le boulevard Bourque à Deauville, en 2005, ils sont tombés sur une serre aéroponique considérée comme la plus sophistiquée au Canada.
Lepage opérait ses installations clandestines au sous-sol de son commerce depuis 10 ans, aidé d’un seul complice.
Extrêmement habile en électricité, soudure, plomberie et autre, il avait tout construit de ses propres mains. «Les policiers pensaient trouver plusieurs autres personnes avec moi, car une telle serre exige habituellement sept ou huit hommes. Mais comme elle était complètement automatisée, ça prenait très peu de main d’œuvre», se rappelle-t-il avec une certaine fierté, entremêlée de regrets.
Car des regrets, Daniel Lepage en nourrit encore beaucoup. S’il avait étudié dans le but de devenir ingénieur et s’il avait mis son talent créatif au profit d’œuvres «légales», il mènerait possiblement une vie prospère et rangée aujourd’hui. «Je n’ai pas l’âme d’un criminel, mais je voulais avoir plus d’argent. On a beau me dire que je suis un génie, il reste que sans papier (diplôme), c’est très difficile d’avoir un emploi avec un bon salaire dans une entreprise», fait-il valoir.
«J’ai terminé au Cégep en sciences humaines sans maths (une option très populaire auprès des Cégepiens dans les années 1980!). Si j’avais un diplôme, il y serait sans doute écrit «patenteux» haut de gamme», lance-t-il en riant.
Si l’ancien «génie du cannabis» accepte de parler publiquement de son passé, c’est pour éviter que des jeunes ne soient tentés à leur tour de faire de l’argent illégalement. «Prendre le chemin de la criminalité peut gâcher toute votre vie. Et quand on met un bras dans l’engrenage, c’est tout le corps qui peut y passer», image-t-il.
Sauvé par la foi
Son témoignage, qu’il souhaiterait livrer dans des écoles, est aussi motivé par une nouvelle philosophie de vie basée sur la foi.
Partageant une résidence de campagne en banlieue de Sherbrooke avec quatre autres personnes, l’homme de 56 ans estime avoir été sauvé par les valeurs chrétiennes. «Il y a quelques années, après ma sortie de prison, j’avais été hébergé gratuitement par des gens qui voulaient simplement m’aider. Aujourd’hui, j’habite une résidence qui est nommée «la maison de la joie», et nous y vivons dans un cadre apostolique. Grâce au support de mes confrères, j’ai un toit et j’ai même un atelier pour développer des projets. Tout ce qu’il manque, c’est le financement pour commercialiser mes idées», déplore-t-il.
Cette ouverture à Dieu lui a même valu une invitation à la populaire émission «La victoire de l’amour», le 27 janvier dernier à TVA. «Je ne tiens pas nécessairement à faire parler de moi, mais je n’ai aucune gêne à me dévoiler. Si je peux aider un seul jeune à faire les bons choix et à poursuivre ses études, j’aurai réussi ma mission», a répété celui qui est père d’un adolescent.
L’Ontario fait appel à ses services
Lorsque Daniel Lepage est sorti de prison le 14 février 2014 (après y avoir passé neuf mois pour trafic et production), il était loin de se douter que le cannabis redeviendrait un jour son gagne-pain… mais de façon légale.
Depuis quelques mois, l’ancien Magogois effectue des séjours à Toronto, afin de travailler à l’automatisation d’une usine de culture de cannabis, un produit qui, rappelons-le, peut maintenant être consommé légalement partout au Canada. «Lorsque je suis arrivé en Ontario, ils ont vu que j’avais le souci du détail. La gestion du temps a toujours été primordiale pour moi. Ils avaient peine à me croire quand je leur ai dit qu’à l’époque, j’investissais un maximum de 35 secondes par bouture racinée», détaille-t-il.
Sachant que son contrat torontois est éphémère, M. Lepage continue de réparer des bateaux, mais il crée aussi des prototypes et pièces d’équipement de toutes sortes, dans l’espoir de les commercialiser à grande échelle. «J’ai développé de nombreux produits au fil des ans, comme par exemple un outil pour étendre le calfeutrage, ou encore un bandeau en silicone qui retient la sueur lorsqu’on fait du sport», explique cet inventeur compulsif.
«J’ai également un grand intérêt pour tout ce qui touche la culture et la germination. Grâce à l’ordinateur et à mon imprimante 3-D, je peux concevoir des pièces moi-même et les tester chez moi. En maximisant la production de jeunes pousses et en fournissant les équipements adéquats, on pourrait sans doute aider des pays aux prises avec la famine», a-t-il suggéré.