Le métier de policier, au-delà des clichés
Apprécié autant qu’il peut être la cible de préjugés, le métier de policier demeure encore méconnu du grand public à bien des égards. Au-delà du cliché simpliste des «donneux de tickets», les agents de la paix travaillent à protéger et servir la population. Il s’y trouve autant de situations différentes qu’il y a d’individus différents, si bien que chaque jour, tout peut arriver, comme l’a constaté le journal Le Reflet du Lac lors d’une visite à bord de la patrouille 5150.
Il est 7 h et rendez-vous au quartier général de la Sûreté du Québec de la MRC de Memphrémagog à Sherbrooke. Le temps est venu pour les policiers qui ont veillé toute la nuit de donner le relais à leur confrère de jour. Réunis autour de la même table, ils discutent des dossiers survenus dans les dernières heures. Il est question de vols, de méfaits, d’individus suspects, bref, chacun y va de ses observations.
Parmi l’équipe, on retrouve la sergente Karine Gilbert, une policière originaire du Lac-Saint-Jean. Comme à chaque quart de travail depuis les 17 dernières années, elle se prépare à partir en patrouille, comme le font obligatoirement les recrues durant leurs premières années de service. Mais pour cette mère de trois enfants, le travail sur le terrain est encore ce qui la passionne le plus.
7 h 45 – Les préparatifs
Avant de prendre la route, Karine Gilbert doit faire ses devoirs. Elle vérifie le bon fonctionnement de son équipement en testant notamment la précision de son cinémomètre, communément appelé radar. L’auto-patrouille est également munie d’un système de reconnaissance de plaques d’immatriculation (SRPI). Ce dernier lit et décode automatiquement les numéros d’immatriculation des véhicules qui défilent devant lui. Il permet ainsi d’identifier rapidement les véhicules en infraction, comme les amendes impayées et les permis de conduire non valides.
8 h 10 – Une plaque en infraction
En s’engageant sur l’autoroute 410, l’alarme du SRPI se déclenche au passage d’une voiture familiale sur la voie rapide. On voit alors apparaître à l’écran de l’ordinateur que le permis de la jeune conductrice est expiré. Pour une question de sécurité, la policière attend que la voiture quitte l’autoroute pour déclencher ses gyrophares. La conductrice, une mère qui s’apprêtait à déposer ses deux jeunes enfants à la garderie, prétend qu’elle n’a pas eu le temps d’aller prendre la photo exigée par la SAAQ.
Au retour dans l’auto-patrouille, la sergente Gilbert explique que les policiers disposent d’une marge de manœuvre dans l’application des lois et dans le choix de l’intervention. C’est ce qu’on appelle le pouvoir discrétionnaire. La prise de décision de chaque policier est influencée par ses valeurs, son expérience et son éducation. Ce pouvoir n’est pas absolu, en ce sens que le policier doit être en mesure de justifier rationnellement chaque décision.
«La conductrice s’est mise à pleurer lorsque je lui ai appris que son véhicule pourrait être saisi, raconte la policière. Elle dit être récemment divorcée. La jeune femme se montre collaboratrice, elle travaille et visiblement, elle vit des moments difficiles», constate la policière. Cette dernière retourne alors lui remettre une contravention, et ce, tout en lui faisant comprendre qu’elle doit absolument aller prendre sa photo aujourd’hui.
Malgré une amende de plus de 450 $, la conductrice quitte en remerciant la sergente Gilbert, reconnaissante de repartir au volant de son véhicule plutôt que dans un taxi.
8 h 30 – Rôle de marraine
Karine Gilbert met le cap en direction d’Ayer’s Cliff, une municipalité qu’elle connaît comme le fond de sa poche puisqu’elle est en la policière marraine. À la SQ, chaque policier est assigné à un secteur donné où il doit établir des liens avec les citoyens. Une approche de proximité qui permet aux policiers de mieux comprendre les besoins et les attentes de la population.
Aussitôt arrivée, Karine Gilbert se rend au bureau du directeur général de la Municipalité, Kimball Smith. Il s’agit d’une rencontre informelle où la policière s’informe sur les événements passés. «Je viens voir les dirigeants de la municipalité une fois par mois environ. Je suis en quelque sorte une courroie de transmission. S’ils ont des questions, des demandes ou des inquiétudes, je suis là pour les aider et je m’assure de transmettre l’information aux personnes concernées.»
Visiblement, la communauté se porte bien parce que ce tête-à-tête improvisé ne dure qu’une dizaine de minutes.
9 h 20 – Vandalisme à répétition
Ayant à peine quitté la marie d’Ayer’s Cliff, la policière se rend chez un résidant qui a logé une plainte pour des méfaits sur son véhicule et sa propriété. Cet homme est bien connu par la sergente Gilbert, puisqu’elle s’est rendue chez lui à plus d’une reprise par le passé pour de semblables raisons. Le lien de confiance semble bien établi puisque le plaignant déballe aussitôt son sac. Il raconte sa version des faits, tout en abordant d’autres problèmes qui l’affectent au quotidien. La policière l’écoute, prend des notes et tient surtout à se faire rassurante. Un arrêt qui devait prendre cinq minutes qui en aura duré une vingtaine.
9 h 57 – Un chien bruyant
En reprenant la route, la policière décide de faire un arrêt chez un homme demeurant au village qui est la cible de plaintes pour aboiement incessant de son chien. Depuis plusieurs jours, le propriétaire ne répond pas aux policiers, aux pompiers et à la SPA. Une fois de plus, la policière se bute à une porte close, même si un véhicule se trouve dans la cour et que les fenêtres de la résidence sont ouvertes. «Lorsque ce genre de situation arrive, on a l’impression de se faire niaiser. Pourtant, je ne suis pas là pour le réprimander, mais bien pour l’avertir que des voisins sont tannés. Je lui aurais donné des conseils pour régler la situation et ainsi éviter une amende, mais il refuse de nous parler. Il n’aide pas sa cause du tout.»
10 h 06 – Opération radar écourtée
Karine Gilbert se dirige maintenant à l’entrée du village d’Ayer’s Cliff pour effectuer une opération radar à la halte-routière. Cependant, elle a à peine le temps de brandir son appareil qu’elle aperçoit un véhicule sport qui lui est familier. Celui-ci ressemble fortement à une voiture qui fait l’objet d’une saisie pour plusieurs infractions. Aussitôt, l’agente prend ses jambes à son cou pour embarquer dans son véhicule et partir à ses trousses. Elle ne veut pas le perdre de vue, sachant que c’est peut-être la seule chance qu’elle aura de l’arrêter. Cependant, la circulation dans le secteur ne lui rend pas la tâche facile, surtout que certains véhicules tardent à se ranger sur le côté de la route pour la laisser passer. Finalement, la voiture pourchassée est retrouvée en moins d’une minute.
Il s’agit bel et bien du conducteur dont le permis est sanctionné puisqu’il a perdu tous ses points d’inaptitude. L’homme a dû appeler une connaissance pour repartir à la maison, étant donné que son véhicule, dont les plaques étaient aussi impayées, a été remorqué à la fourrière pour une période de 30 jours. Il a reçu des constats d’infraction totalisant 900 $ et devra payer les frais de remorquage et d’entreposage qui s’élèvent à plus de 1000 $.
«Les policiers ne font pas seulement de la répression, contrairement à ce que pensent certaines personnes. Nous sommes en quelque sorte des généralistes. Nous pouvons donner les premiers soins, même si nous ne sommes pas des ambulanciers. Nous pouvons éteindre des incendies, même si nous ne sommes pas des pompiers. Nous pouvons être à l’écoute des gens, même si nous ne sommes pas des psychologues. On est surtout des personnes polyvalentes qui ont à cœur de bien faire leur métier», conclut-elle, en reprenant aussitôt la route.