Le juge Gabriel Lassonde se retire après 35 ans

PERSONNAGE. Le Magogois Gabriel Lassonde a célébré trois anniversaires en août dernier: son 75e anniversaire de naissance, ses 50 ans de pratique de droit et ses 35 années à titre de juge à la Cour du Québec.

M. Lassonde profite de sa retraite pour abandonner son devoir de réserve, une obligation pour les juges de se tenir loin de la place publique et des conflits d’intérêts. Même discret de nature, il a le goût de jaser depuis quelques jours, non pas pour se vanter, mais pour partager une bonne partie de sa vie.

M. Lassonde a principalement œuvré au Palais de justice de Sherbrooke, mais il a aussi siégé à 41 endroits au Québec à titre de juge suppléant, comme le Grand Nord, la Côte-Nord et la Gaspésie, en comptant les salles de Chevaliers de Colomb, les sous-sols d’église, les salles de réception et les hôtels. Chaudières-Appalaches est la seule région qui ne figure pas dans le carnet de voyage de M. Lassonde.

Selon lui, le plus beau palais est à Saint-Jean, la plus belle salle serait à Chicoutimi.

Plusieurs anecdotes remplissent ses souvenirs, comme cette loge à Schefferville partagée avec une danseuse nue, mais évidemment pas sur les mêmes heures de travail.

«Je repense à tous ces endroits où j’ai siégé durant ces 35 ans et je pense qu’il y a peu de juges qui ont visité autant de palais de justice», avance-t-il.

«Je quitte avec un peu de regret, car j’aimais beaucoup le contact avec tous mes collègues, les avocats, le personnel du palais de justice et le public. Mais je quitte avec le sentiment du devoir accompli. Tous mes dossiers sont terminés et je n’ai aucune cause en appel», témoigne-t-il.

Issu d’un milieu modeste

Cette grande aventure a commencé à Sutton dans une famille pauvre de huit enfants. Il est l’aîné de cette famille. Officier de douanes, le père est décédé à 41 ans.

M. Lassonde, qui avait dix ans au décès de son paternel, est très fier d’avoir accompli tout ce cheminement, en passant notamment par un enseignement religieux au Collège du Mont Sainte-Anne de Sherbrooke et aux Jésuites à Québec. «Je ne suis pas devenu prêtre, mais j’ai promis d’aider les gens. Ces communautés m’ont beaucoup aidé pendant mes études, tout comme des Chevaliers de Colomb et un oncle. Par la suite, ce fut à mon tour d’aider mes frères», confie-t-il.

Gabriel Lassonde a présidé de nombreux procès et enquêtes préliminaires. Il a vu passer de nombreux criminels dans des causes aussi variées d’alcool au volant, de violence conjugale, d’agressions sexuelles, de violence auprès des enfants, de drogues et de meurtres. Tous des procès sans jury, donc des décisions prises par un seul et unique homme. «Il faut parfois y penser longtemps avant de trancher et d’envoyer un suspect en prison ou le laisser en liberté. C’est beaucoup de responsabilité, mais il faut appliquer le droit et non pas laisser aller ses émotions. Il faut rester neutre. J’ai vécu des moments plus difficiles, car j’ai été témoin de nombreuses misères humaines. Les gens se sont parfois confessés devant moi», se souvient-il.

Il avoue avoir donné des chances, surtout aux premières offenses. Il s’en réjouit, car il croit à la réhabilitation et plusieurs cas lui ont donné raison avec les années.

Une cause célèbre

Une cause internationale de blanchiment d’argent et de trafic de drogue, ayant des ramifications jusqu’à Montjoye, appartenant alors à ces trafiquants, est l’un des célèbres dossiers traités par M. Lassonde.

Au début des années 1990, les enquêtes policières avaient indiqué que cette station de ski du Canton de Hatley appartenait à des trafiquants de drogue qui l’avaient acquise au moyen de fonds blanchis en Suisse.

Il a donc passé des semaines en Europe et en Floride pour enquêter sur cette histoire avant le procès présidé par un autre juge de Magog, le regretté Louis-Philippe Galipeau.

Deux autres juges ont habité ou habitent toujours Magog, en l’occurrence Yves Forest et Louis-Denis Bouchard.

Après toutes ces années, la plus grande fierté de Gabriel Lassonde est «d’avoir aidé et fait du bien aux gens».

«On ne rentre pas à la maison en se réjouissant d’avoir envoyé un homme derrière les barreaux pour cinq ans. On espère toujours ne pas s’être trompé. À l’inverse, on se dit qu’on a pris la bonne décision d’innocenter un suspect quand on constate qu’il vit bien en société quelques années plus tard. On m’a déjà remercié pour ce genre de décisions», se réjouit-il.

 

Années marquantes

1941 – Né à Sutton d’une famille pauvre et nombreuse

1966 – Reçu avocat

1976 à 1981 – Pratique générale du droit et procureur de la Couronne

1981 – Nommé juge à 39 ans de la Cour des sessions de la paix à Montréal et Longueuil, devenue par la suite Cour du Québec.

1987 – Transfert au Palais de justice de Sherbrooke pour les districts de Saint-François et Lac-Mégantic.

2006 – Juge suppléant à 65 ans, un emploi le conduisant à plusieurs endroits dans la province.

2016 – Retraite obligatoire à 75 ans