La résurrection de José Pouliot
TÉMOIGNAGE. José Pouliot n’est pas une célébrité, mais son parcours est unique et digne de mention. De persona non grata dans sa propre ville de Magog, il a surmonté les obstacles pour entreprendre des études universitaires en physiothérapie dans la mi-quarantaine.
José Pouliot, c’est l’artiste ayant exposé des photos de nudité artistique dans un petit café du centre-ville de Magog, à l’été 2001. Jugées trop osées et frôlant la pédophilie pour certains, la controverse a explosé dès que Jean-Luc Mongrain a dénoncé l’exposition à son émission de télévision.
Sa vie a alors basculé. Il a tout perdu: femme, argent, emploi et réputation. Les policiers ont fouillé son ordinateur à la recherche de photos compromettantes. Des voyous l’ont violenté. L’enquête n’a pas confirmé les appréhensions de ses détracteurs, mais il n’a jamais été blanchi sur la place publique.
Policiers et politiciens n’ont pas donné suite à ses demandes de rétablir sa réputation. Étant un homme colérique et émotif, il risque le grand coup pour se faire entendre. Il menace de s’immoler par le feu sur le pont Pierre-Laporte, à Québec.
L’escouade SQUAT de la SQ débarque alors à Fitch Bay pour encercler sa maison. Objectif: une évaluation psychiatrique pour connaître son état de santé. «Je ne souffrais d’aucune maladie mentale. C’est une mauvaise médicamentation donnée pour un mauvais diagnostic de dépression qui me rendait agressif. Les trois semaines d’évaluation ont été l’enfer, assure-t-il. J’aurais dû consulter un psychologue comme traitement pour évacuer ma colère, mon chagrin et ma révolte, car au lieu de m’écraser, je suis parti en guerre contre le système.»
Le slam à la rescousse
Le temps passe, les blessures guérissent lentement. Les arts martiaux, le slam et le bouddhisme l’amènent vers une paix intérieure.
Un psychologue le guérit lentement d’un stress posttraumatique pour le remettre sur ses pattes, et ce, malgré les cauchemars et les «flashbacks» subis pendant deux ans.
La découverte du slam, une révélation dans son cas, l’amène à approfondir cette forme de poésie. «Ç’a complètement changé ma vie», lance-t-il avec du feu dans les yeux.
Il extériorise sa colère contre la société en composant et récitant des vers devant public. «La première fois, on n’a pas aimé; on m’a dit que c’était trop intense», laisse-t-il entendre.
Il s’adapte et gagne des concours estriens et provinciaux. Pour la première fois, il affrontera bientôt de façon amicale David Goudreault, ex-champion mondial de slam. «Je pense bien le battre», lance-t-il en rigolant.
Il découvre les soins de santé en se faisant soigner une blessure. Il s’inscrit à un baccalauréat-maîtrise en physiothérapie à l’Université de Sherbrooke à 46 ans, même sans biologie comme préalable. «On m’a accepté, car j’ai toujours eu de bons résultats à l’école. On m’a prévenu que je rusherais avec ma bio, et c’est vrai, mais je passe à travers», assure-t-il.
Il vient de compléter un stage à l’Hôpital Brome-Missisquoi-Perkins à Cowansville. Il obtiendra son diplôme dans un an environ, probablement avec une spécialisation en hypnose. Son mentor est le physiothérapeute Denys Leclaire, à qui il doit une fière chandelle.
Il souhaite soigner les gens. Il espère que les Magogois l’accepteront s’il travaille dans la région, car il craint la réaction des gens, même après toutes ces années.
Pour apaiser les craintes, il accepte de raconter son histoire et il dévoile pour la première fois sur la place publique des documents prouvant son innocence et sa guérison.
Premièrement, le Tribunal administratif du Québec, section des affaires sociales, signe une libération inconditionnelle datant de 2004. De plus, à peu près au même moment, une évaluation d’un psychiatre beauceron assure que son épisode «maniaque» est terminé.