La «privatisation» partielle du parc a fait couler beaucoup d’encre

SAGA. L’année 2016 marque le 10e anniversaire de la création du groupe environnemental SOS Parc Orford et les cinq ans de la Corporation Ski & Golf Mont-Orford. Des acteurs d’aujourd’hui et d’un passé pas si lointain reviennent sur cette saga qui a fait couler beaucoup d’encre à travers la province.

La saga du Mont-Orford prend de l’ampleur en mars 2006 avec la visite du ministre responsable du dossier, Claude Béchard, qui ouvre la porte aux condos au pied des pentes de ski, contrairement aux conclusions du BAPE et aux intentions de son prédécesseur Thomas Mulcair. M. Béchard profite de son passage pour renverser la vapeur et annoncer la «privatisation» partielle du parc.

Formée d’environnementalistes de la région, d’artistes québécois et de groupes comme Greenpeace, la coalition SOS Parc Orford prend forme dès la visite du ministre Béchard dans la région. Son objectif consiste à s’opposer à la modification des limites territoriales du parc national du Mont-Orford. Donc, aucun condo dans le parc.

L’un des piliers de la coalition, Robert Benoit, se rappelle les nombreux débats régionaux et provinciaux afin de préserver l’intégrité territoriale et écologique du parc, une vision si chère à son groupe. Il se souvient, notamment, du rapport de 2009 du comité de parrainage du Mont-Orford. Le désormais célèbre compromis avait été trouvé et accepté par une panoplie d’acteurs.

Ce document portait sur la mise en œuvre d’une solution durable du ski et golf du Mont-Orford. Le scénario retenu exclut la construction immobilière à l’intérieur du parc. Il favorise le développement d’une station touristique quatre saisons appuyée par des développements immobiliers privés hors terres publiques, mais avec lien direct (remontée) au domaine skiable.

Un compromis acceptable et d’actualité?

«Ce scénario a permis de sauver la mise et de trouver un compromis acceptable pour tout le monde. Il s’agit même d’une formule utilisée dans les grands centres de ski alpin internationaux favorisant le «ski in, ski out», soit le l’hébergement à proximité des pentes. Et un lien direct, qui demeure possible encore aujourd’hui, permet cette proximité recherchée par les skieurs», assure M. Benoit.

Sylvain Audet, consultant en récréotourisme notamment spécialisé dans les sports de glisse, ne partage pas le même avis. Selon lui, une remontée mécanique reliant un hôtel aux pistes n’est plus d’actualité. «Les skieurs veulent faire 4-5 pas avant de sauter sur une piste, pas faire 15 minutes dans une chaise», lance-t-il.

Il propose plutôt de définir la vocation de la région et, par le fait même, de la station: villégiature ou de destination? «On veut des touristes ou des villégiateurs? De l’argent sera nécessaire pour moderniser le Mont-Orford si on opte pour une station d’importance. Et pour financer ces investissements, il faudra peut-être faire le compromis de construire de l’hébergement au pied des pentes. Actuellement, on doit se brancher pour assurer l’avenir au lieu de sauver la chèvre et le chou», prévient-il.

Guy Donahue, président fondateur d’Orford 911, juge toujours irréaliste un lien aérien avec un hôtel construit à l’extérieur du parc. Il ne comprend toujours pas pourquoi on s’enfarge dans les fleurs du tapis, encore aujourd’hui, juste à mentionner le mot immobilier au pied des pentes. «De l’hébergement, il en existe pourtant à Jouvence, au Centre d’arts Orford et à la SÉPAQ, trois entreprises situées dans le parc», signale-t-il.

Une solution écartée?

Sans vouloir jeter de l’huile sur le feu, il rappelle que son groupe avait probablement la meilleure solution à l’époque, même si elle a été écartée par le gouvernement. Carte à l’appui, M. Donahue cible une section d’environ 90 hectares à flanc de montagne en bordure de la route 141, qui aurait pu accueillir de l’hébergement pour financer la modernisation de la station. «Toutes ces chambres auraient même été à proximité d’une remontée mécanique, sur un des versants du mont Giroux», dit-il.

Il craint maintenant le scénario de fermeture de la défunte station de ski Montjoye en l’absence d’investissements majeurs à Orford. Selon lui, les dirigeants de la station doivent définir la vocation de la montagne et agir en conséquence par la suite. «On pourrait fermer des versants pour réduire les dépenses si on opte pour une station régionale, mais on doit trouver une façon d’investir plus si on veut développer une station plus importante», prévient-il.

L’ancien préfet de la MRC de Memphrémagog pendant la saga d’Orford, Roger Nicolet, recommande fortement de ne plus toucher à l’intégrité territoriale du parc. «C’est une bataille du passé. C’est inconscient juste d’y penser. Le défi demeure toutefois de trouver des partenaires financiers pour assurer l’avenir du ski et du golf», estime-t-il du haut de ses 84 ans.

Directeur général de Tourisme Cantons-de-l’Est, Alain Larouche, prévient qu’il est désormais impossible de construire de l’hébergement au pied des pentes. «La saga Orford a été difficile, mais elle a permis de clarifier la vocation et le positionnement de la station. Et après l’échec de deux appels d’offres pour trouver des partenaires et après avoir passé à deux doigts d’une fermeture, Orford est aujourd’hui rentable. Ne reste qu’à capitaliser sur le produit d’appel touristique que représente le parc national du Mont-Orford, qui accueille plus de 750 000 visiteurs par année, été comme hiver», croit-il.

L’ancien maire du Canton de Hatley, Pierre Levac, qui a vécu la saga d’Orford aux premières loges, croit que le compromis de 2009 a permis de réduire la tension dans la communauté. «On a fait des gains énormes. Les gens ont compris que la montagne est importante. Aujourd’hui, nous sommes mûrs pour des étapes plus déterminantes», dit-il.

Des actions concrètes et chiffrées dans un an.