La descente aux enfers d’une star de la danse

JUSTICE. Pendant une douzaine d’années, Mylène Tondreau a vécu pratiquement comme une rock star, à titre d’enseignante et de danseuse professionnelle en hip-hop. Sa vie de rêve a toutefois pris fin abruptement en 2018, lorsqu’elle a fait la connaissance du prédateur sexuel Samuel Bourque, une rencontre qui l’a menée directement en enfer.

Bourque, un Magogois de 26 ans, vient tout juste d’être reconnu coupable d’avoir agressé sexuellement six femmes, notamment en les droguant à leur insu. Il a également volé certaines d’entre elles et a filmé plusieurs de ses agressions.

Mylène Tondreau, qui a été en couple avec lui pendant presque deux ans, a été l’une des principales victimes du délinquant sexuel. « La première année, ça se passait relativement bien. Mais ça s’est compliqué par la suite. Il m’a probablement droguée trois fois par semaine sur une période sept mois », estime-t-elle.

Brisée par les événements, la propriétaire des écoles Excel Danse (Magog et Cowansville) a demandé de retirer l’ordonnance de non-publication sur son identité avant la fin des procédures judiciaires, afin de s’enlever un certain poids des épaules. « Toute cette saga m’a complètement transformée. Je suis devenue irritable, je ne respectais plus mes engagements et je me suis renfermée sur moi-même. Parce qu’il y avait une ordonnance, je ne pouvais pas trop parler et expliquer ce qui m’arrivait. Ce fut très difficile de voir toute l’incompréhension autour de moi », a-t-elle expliqué lors d’une entrevue émotive au journal Le Reflet du Lac.

Une femme transformée

Toujours aux prises avec différentes difficultés physiques et psychologiques, Mylène Tondreau est aujourd’hui bien loin de la jeune femme énergique et confiante qui avait participé en 2010 aux auditions finales de l’émission « So You Think You Can Dance Canada ».

« Je souffre d’anxiété extrême, je suis très méfiante, j’ai des pertes de mémoire et je suis toujours fatiguée. Si je ne fais pas attention, je peux m’endormir à peu près n’importe où, à n’importe quel moment de la journée. Évidemment, je ne peux plus conduire une voiture », se désole-t-elle.

Il faut dire que son système a été passablement perturbé durant sa relation avec Samuel Bourque. Ce dernier égrenait notamment des pilules de quétiapine dans ses verres (eau ou liqueur) afin de rendre sa victime dans un état léthargique et de pouvoir assouvir sa déviance sexuelle. « Je prenais déjà des médicaments pour m’aider à dormir, car j’avais un train de vie très actif, mais je me réveillais le matin encore plus fatiguée que la veille. Je me demandais vraiment ce que je faisais ou ce que je prenais qui n’était pas correct. J’en suis venue à perdre complètement le fil du temps. Il m’est arrivé de passer tout droit pour donner des cours de danse. »

Reconnue pour ses talents de danseuse hip-hop,  Mylène Tondreau avait participé aux auditions finales de la téléréalité « So You Think You Can Dance Canada » il y a une douzaine d’années. (Photo archives)

Elle mène sa propre enquête

Soupçonnant son conjoint d’être en partie responsable de son état, elle se met en tête de trouver la vérité, effectuant notamment des enregistrements sonores pendant qu’elle dormait. Après quelques mois « d’enquête », elle réussit également à ouvrir le cellulaire du contrevenant et découvre alors que le délinquant sexuel filmait régulièrement ses agressions, en plus d’avoir en sa possession de nombreuses photographies intimes. Non seulement d’elle, mais aussi d’autres femmes.

« Ça m’a pris pas mal de temps avant d’avoir accès à son contenu téléphonique, mais lui avait déjà réussi à s’infiltrer dans le mien depuis belle lurette. Il utilisait mon pouce pour déverrouiller le téléphone et il pouvait fouiller allègrement dans mes données bancaires. Inutile de dire qu’il a vidé une bonne partie de mes comptes.»

« J’ai pu mettre un nom sur sa déviance : la somnophilie. C’est un besoin d’abuser des gens pendant qu’ils dorment ou qu’ils sont inconscients », détaille-t-elle.

D’autres victimes

Ayant accumulé suffisamment de preuves, Mylène Tondreau réussit à mettre son agresseur au pied du mur et lui faire avouer plusieurs de ses gestes. Elle prend soin  d’enregistrer la conversation, afin qu’on la prenne au sérieux, et surtout, qu’on la croit. « Je voulais juste me confirmer à moi-même que je n’étais pas folle, et je n’avais pas nécessairement l’intention d’entreprendre des actions judiciaires à ce moment », assure-t-elle.

La femme de Cowansville a toutefois changé son fusil d’épaule en apprenant qu’elle n’était pas la seule à subir le même manège. 

« J’avais déjà raconté une partie de l’histoire à un policier, mais j’avais indiqué à ce moment ne pas vouloir porter plainte. Juste de connaître la vérité était amplement suffisant. Mais lorsque d’autres plaintes ont été déposées contre lui (Samuel Bourque) par des femmes différentes, le policier m’a relancée afin de savoir si je pouvais ajouter mon témoignage aux autres victimes. »

Des vidéos difficiles à revoir

Bien qu’elle soit fière de sa démarche et de savoir que son agresseur passera quelques années derrière les barreaux (la sentence finale sera connue en août), Mylène Tondreau avoue avoir trouvé tout le processus judiciaire particulièrement exigeant. « Le plus difficile fut certainement de revoir certaines vidéos de mes viols présentées comme preuve en cour. Même si ça se déroulait à huis clos, il y avait plus d’une douzaine de personnes qui devaient regarder ça en même temps que moi. »

« J’ai eu du support de mes proches, mais je reconnais que c’était très difficile pour eux de subir tout ça. Ils ont été pris pour entendre des choses désagréables et ce n’était pas toujours facile avec moi. Avec mes problèmes de sommeil, mon humeur était particulièrement changeante », reconnaît-elle.

« Il faut dire aussi que tout ça a commencé en pleine pandémie et que ça a coïncidé avec l’arrêt des activités de mes deux écoles de danse. En l’espace de trois ans, j’ai finalement tout perdu. »

Encore de l’espoir

Malgré qu’elle soit encore extrêmement vulnérable et fragilisée, Mylène Tondreau garde espoir de remonter la pente et de se refaire une santé, autant physique que mentale.

« J’ai lancé ma première école de danse à 19 ans, en faisant preuve de détermination et de passion, et ce, même si à la base, je manquais de confiance en moi. C’est cette attitude que je dois adopter si je veux retrouver une certaine paix intérieure », fait valoir la femme de 38 ans.

« Lorsque j’irai mieux, je pourrais aussi aller faire des conférences dans les écoles et sensibiliser les jeunes sur les conséquences des agressions sexuelles. »

« La vie a été très généreuse à mon égard pendant plusieurs années et elle m’a ensuite retiré tout ça. Ça veut peut-être dire que je dois repartir à zéro, sur de nouvelles bases. Je vais réapprendre à me découvrir et je suis convaincue que quelque chose de bien m’attend », conclut-elle avec optimisme.