«Je doute de la rentabilité de l’investissement»

Avant de donner le premier signal de départ d’une liaison ferroviaire Montréal-Boston, les promoteurs et les investisseurs derrière ce projet devront bien faire leurs devoirs. C’est ce que croit Claude Martel, président de l’Institut de recherche sur l’histoire des chemins de fer du Québec. Selon le spécialiste du train, l’initiative lancée par François Rebello, de Train-Hôtel, est intéressante à première vue, mais demeure un pari risqué.

«Sur le plan purement théorique, ça tient la route (le projet Montréal-Boston). En pratique, il faudrait connaître la situation existante du transport en commun à Montréal et à Boston. Et il faut connaître l’origine de destination des gens. Est-ce pour les affaires ou pour le tourisme?», explique Claude Martel.

Outre le portrait de la clientèle, le ou les choix de tracés ne sont pas à négliger dans le cadre d’étude de faisabilité, soutient M. Martel. Entre la Nouvelle-Angleterre et le Québec, les voies ferroviaires actuelles traversent mille et une caractéristiques géographiques (secteur rural, montagne, etc.). Des facteurs à considérer pour la mise en place d’un train de passagers.

Selon Claude Martel, d’autres entreprises ont exploré la viabilité d’un train de passagers, entre Sherbrooke et Montréal, dont Via Rail il y a quelques années, mais en vain.

Chez nos voisins du Sud, on s’activerait notamment dans l’élaboration d’un lien ferroviaire entre la frontière américaine et Montréal. L’état du Vermont aurait un projet sur la table à dessin avec le transporteur Amtrak. L’entreprise propose déjà un service quotidien entre St-Albans (Vermont) et la capitale américaine, Washington, avec des arrêts, entre autres, à New York, Philadelphie et Baltimore. L’ajout important à ce tracé consisterait à l’allonger jusqu’à la métropole montréalaise. «Et Boston pourrait s’ajouter aux destinations avec un changement de voie à Springfield (Massachusetts», avance Claude Martel.

Est-ce un beau rêve ou un projet réaliste le lien ferroviaire Montréal-Boston présenté par l’entreprise Train-Hôtel? «La question à se poser est la suivante. Quelles sont les possibilités de tracés vers les bassins d’utilisateurs? Et à ce stade-ci, je doute de la rentabilité. On devra me le démontrer», affirme le président de l’Institut de rechercher sur l’histoire des chemins de fer du Québec. «Ceci étant dit, c’est un projet très enlevant. Être maire de Magog ou de Sherbrooke, je serais très intéressé.»

La concurrence

L’idée d’une randonnée en train à travers les paysages des Cantons-de-l’Est et de la Nouvelle-Angleterre représente une aventure intéressante en soi, admet Claude Martel. En dépit du cachet «divertissement», tout promoteur ferroviaire devrait et doit tenir compte de la concurrence (transport par autobus et l’avion). «Je peux me rendre dans le New Hampshire en auto en 4 heures environ. Un trajet d’une durée de 12 heures à 300 $ (le coût aller-retour Montréal-Boston pour une personne avancé par François Rebello, de Train-Hôtel), ce n’est plus un train d’affaires. C’est un train touristique. À ce prix-là, l’avion est plus compétitif.»

Ardent défenseur du train, Claude Martel est d’avis qu’une liaison Montréal-New York en TGV (train à grande vitesse) aurait une plus grande chance de succès.

Un réseau à revoir

En juillet 2013, le tragique incident de Lac-Mégantic a ramené le vieillissement du réseau ferroviaire canadien sur la sellette. Et depuis, des améliorations ont été apportées notamment au Québec pour rajeunir le réseau de la défunte Montreal Maine & Atlantic (MMA). Malgré les récents investissements (20 M$) de la Central Maine & Québec Railway (nouveau propriétaire) sur les anciens parcours de la MMA, il resterait beaucoup de travail à faire pour accueillir des trains de passagers.

«L’état actuel des rails ne permet pas des trains de passagers. De Saint-Jean à Farnham, c’est potable. Mais de Farnham vers Sherbrooke, il y a de l’investissement à faire», indique Claude Martel.

Un plan de transport

Claude Martel lève son chapeau à ceux et celles qui tentent relancer le train au Québec. Aux dires de notre interlocuteur, le nerf de la guerre demeure l’instauration d’un plan de transport d’un océan à l’autre.

«Au Canada, ce qu’on n’a pas, c’est un plan de transport. Et on a encore moins un plan de transport ferroviaire. Il n’y a pas de vision claire. C’est inexplicable qu’une ville comme Saint-Jean-sur-Richelieu ne soit pas reliée à Montréal par un train de passagers. On est 40 ans en arrière…il n’y a jamais eu de volonté politique», prétend Claude Martel.

Sur le même sujet

L’enthousiasme après l’opération charme