Frappé par une voiture et la polio durant la même année
DESTIN. Victime d’un accident de voiture et frappé par la polio alors qu’il était enfant, Jacques Gaudreau a prouvé qu’on pouvait accomplir de grandes choses dans sa vie, même lorsque le destin semble s’acharner sur nous.
Ce Magogois bien connu, longtemps impliqué dans plusieurs sphères de la société, a toujours un pincement au cœur lorsqu’arrive la date du 27 février.
Il y a 64 ans cette journée-là (en 1952), son existence allait changer de façon dramatique lorsqu’il fut happé par une voiture taxi tout juste en face de l’actuelle église Saint-Jean-Bosco. «Le chauffeur de taxi a ignoré un stop et la visibilité était réduite par la neige mouillante qui tombait abondamment. Mon ami André Bélanger a eu le temps de se tasser, mais pas moi», se remémore-t-il avec précision.
Sérieusement amoché, le garçon souffre de nombreuses blessures, notamment des fractures au crâne, aux bras et à une jambe. On pense même qu’il ne s’en sortira pas. «Le médecin ne croyait pas beaucoup en mes chances de survie, mais il a tout de même suggéré de m’envoyer à l’hôpital Royal Montréal, où j’aurais plus de chance de m’en sortir. Après sept jours passés dans le coma, ils m’ont réchappé», ajoute l’homme de 70 ans.
Durant les deux mois qui ont suivi, le petit Jacques a subi plusieurs interventions chirurgicales qui lui ont permis de retrouver l’usage de ses membres.
Alors qu’il se croyait sur le bon chemin de la guérison, une autre tuile s’abat sur le garçon en septembre de la même année. «Du jour au lendemain, je deviens incapable de marcher et on découvre que je suis atteint de la polio (*une maladie qui faisait des ravages à cette époque) et que je souffre d’une scoliose. J’ai probablement attrapé le virus durant l’une de mes nombreuses transfusions sanguines. Ma colonne vertébrale était croche comme un pretzel», image-t-il.
La musique à la rescousse
Autrefois actif et sportif comme tous les garçons de son âge, Jacques Gaudreau doit alors se faire à une nouvelle vie et à ses béquilles qui deviendront partie prenante de son autonomie.
Il se désole surtout de ne plus pouvoir jouer au baseball, un sport dans lequel il excellait. «Je revenais régulièrement du stade Théroux en pleurant, parce que je devais me contenter de regarder mes amis derrière un grillage. Il fallait que je me trouve une autre passion et c’est à ce moment que j’ai découvert la musique.
«J’ai décidé que je voulais jouer du drum (batterie) et mes parents ont finalement accepté de m’en acheter un… même s’ils trouvaient ça très bruyant», reconnaît-il.
Très rapidement, le jeune Gaudreau se perfectionne dans son art et on fait appel à lui pour différentes soirées musicales. «J’avais le beat dans le sang et j’avais la chance de pratiquer beaucoup, puisque c’était mon seul loisir. En plus, ça m’a permis d’être connu et reconnu».
Obnubilé par sa passion pour la batterie, Jacques Gaudreau aura la chance d’être musicien durant plus de 50 ans. Durant cette période, il a fait partie de nombreux orchestres ou groupes, et joué dans une multitude de bars et cabarets. On peut notamment l’entendre au défunt bar New Magog durant une quinzaine d’années.
Sa «carrière» de musicien prend fin abruptement en 2005 lorsqu’il subit une fracture de la jambe et du poignet à la suite d’une chute. Il doit alors abandonner la musique… et ses béquilles. «J’ai perdu beaucoup de dextérité dans ma main et, comme je n’avais plus d’équilibre, j’ai dû me résoudre à me déplacer en fauteuil roulant. Je n’ai plus retouché à ma batterie depuis ce temps».
Le visage des quadriporteurs
Confiné à un fauteuil roulant depuis 2005, Jacques Gaudreau est devenu bien malgré lui le porte-étendard de plusieurs utilisateurs de quadriporteurs et autres véhicules adaptés. Et on peut affirmer qu’il s’est fort bien acquitté de sa tâche.
Lorsque le gouvernement du Québec a concrétisé un projet de loi visant à encadrer la conduite des véhicules AMM (aide à la mobilité motorisée) en juin 2015, Jacques Gaudreau a eu le sentiment du devoir accompli.
En compagnie de quelques intervenants de la région, dont la Régie de police de Memphrémagog, il a fourni plusieurs recommandations visant à étoffer la nouvelle réglementation.
Au fil des ans, il a aussi organisé plusieurs rencontres d’information pour sensibiliser les utilisateurs d’AMM à adopter une conduite sécuritaire.
En dépit de son handicap, M. Gaudreau s’est impliqué activement dans une multitude d’organismes depuis plus d’un demi-siècle.
Il a notamment été un membre influent de la Société d’arthrite, de Han-Droits et du Centre l’Élan, en plus d’avoir été mandaté par l’ancienne ministre de la Santé, Thérèse Lavoie-Roux, pour aider au lancement du CLSC Alfred-Desrochers il y a une trentaine d’années.
La Fanfare de Magog, la Commission scolaire et le hockey mineur font aussi partie de ses implications.
Sur le plan professionnel, il a œuvré durant 36 ans au service à la clientèle de l’Hôtel de Ville de Magog, dont 25 ans au département d’électricité. Père de deux enfants, il est également grand-père de quatre petits-enfants.
«J’ai eu une vie plus remplie que je ne l’aurais espérée. J’ai toujours été de nature optimiste et c’est probablement ce qui m’a permis de traverser les obstacles. Selon moi, ton attitude détermine ton altitude», a-t-il conclu.
*Qu’est-ce que la polio?
On appelait autrefois la polio « paralysie infantile » ou « maladie paralysante », car le virus peut endommager de façon permanente les cellules nerveuses qui contrôlent les nerfs. (…)
On estime à 11 000 le nombre de personnes au Canada qui se sont retrouvées paralysées des suites de la polio entre 1949 et 1954. La maladie a atteint son apogée en 1953 où presque 9 000 cas et 500 décès ont été enregistrés; il s’agissait de la plus grave épidémie à l’échelle nationale depuis la pandémie de grippe espagnole en 1918. La dernière épidémie importante de polio au Canada s’est produite en 1959 entraînant près de 2 000 cas de paralysie.
Source: Association canadienne de santé publique