«C’est fini l’omerta», clame une présumée victime demeurant en Estrie

JUSTICE. S’il accepte de raconter son histoire au www.lanouvelle.net, c’est parce que Jacques (nom fictif) souhaite que ça se sache dans la région de Victoriaville, là où, dit-il, tout a commencé. Le résident de l’Estrie, âgé dans la quarantaine, raconte avoir subi des voies de fait de la part du pasteur Claude Guillot de l’Église baptiste évangélique à l’époque où il oeuvrait comme le directeur d’école de l’Église de Victoriaville.

«Je veux que ça se sache à Victoriaville. C’est fini l’omerta. Ils n’ont pas juste «scrappé» ma vie, mais d’autres aussi», note-t-il en entrevue.

Depuis le mois de décembre, Claude Guillot, qui habite Shannon en banlieue de Québec, fait face à la justice criminelle. Il a comparu le 9 décembre pour ensuite être libéré sur engagement deux jours plus tard. Il fait face, pour le moment, à 12 chefs d’accusation de voies de fait, voies de fait avec lésions et séquestration.

Pour le moment, les accusations concernent cinq présumées victimes. Mais il y en aurait beaucoup plus, peut-être près d’une trentaine. Jacques est le sixième plaignant. Les accusations concernant les sévices qu’il aurait subis devraient être portées lorsque Guillot reviendra devant la justice au palais de Québec le 1er juin.

Jacques dénonce les méthodes de correction physique qu’aurait employées Guillot, mais aussi certains enseignants de l’école de l’Église baptiste évangélique. «D’autres arrestations sont à venir, même des femmes qui s’occupaient de corriger les jeunes filles», souligne Jacques lors de sa rencontre dans les bureaux du www.lanouvelle.net.

Pour corriger les fautes ou le comportement des élèves, on utilisait une solide palette en bois. «On nous faisait mettre les mains au mur, les fesses sorties et on nous frappait. D’un à cinq coups. Un seul coup était insupportable. On en avait pour une semaine à éprouver des difficultés à s’asseoir.»

En un an, en 1983-84, le quadragénaire soutient avoir reçu de 15 à 20 corrections, à raison d’un coup à la fois. Des coups qu’il aurait reçus de Guillot, mais aussi de deux autres individus. Il avait 12 ans à l’époque.

À un certain moment, on devait lui infliger cinq coups, ce qu’il a refusé. «J’ai été quelques jours à réfléchir à la maison», se rappelle Jacques qui, ensuite, a participé à une rencontre avec Claude Guillot, le directeur de l’école, le pasteur de l’Église à ce moment et son père qui ne faisait pas partie de l’Église baptiste évangélique.

«On m’a fait savoir que je ne reviendrais pas à l’école tant que je ne recevrais pas mes cinq coups. J’ai décidé de quitter. Une chance que mon père m’accompagnait, sinon j’y aurais goûté», confie-t-il.

Jacques n’a plus mis les pieds à l’école de l’Église baptiste évangélique de Victoriaville. Cela a créé des frictions avec ses parents. Sa vie a basculé dans une certaine criminalité.

«J’ai vécu une rébellion, admet-il. Ils ont «scrappé» ma vie, mon enfance. Ça a été très difficile, mais j’ai réussi à m’en sortir.»

Aujourd’hui, même sans scolarité, Jacques a su trouver un emploi à commission.

C’est en prenant connaissance d’un article dans un quotidien de Québec traitant des agissements allégués de Guillot que Jacques décide lui aussi de foncer. «J’ai déposé une plainte en début d’année», précise-t-il, ajoutant qu’il fait maintenant partie d’un groupe de 20 personnes. «Ce ne sont pas tous qui ont porté plainte. Pour certains, c’est trop dur. D’autres aussi sont des témoins», signale-t-il.

Des vidéos en ligne

Avec sa sortie publique, Jacques souhaite inciter des victimes à dénoncer. «On ne veut obliger personne, certains ont peur, mais les gens qui veulent dénoncer obtiendront le soutien du Centre d’aide aux victimes d’actes criminels», fait-il remarquer.

Pour étayer la preuve, Jacques dit vouloir accumuler des témoignages de parents, chose plutôt difficile, note-t-il, en raison de l’endoctrinement des adeptes.

«Une seule personne, pour le moment, est prête à le faire, c’est ma mère», mentionne-t-il, ajoutant que deux vidéos ont été produites et mises en ligne sur YouTube, l’une qui s’intitule «Aux témoins, victimes et parents, écoutez» et l’autre appelée «L’AEBEQ et son omerta», AEBEQ pour l’Association d’Églises baptistes évangéliques du Québec.

Les présumées victimes, selon Jacques, se trouvent un peu partout au Québec et en Ontario. Celles qui voudraient se manifester relativement aux agissements de Claude Guillot doivent s’adresser au Service de police de la Ville de Québec en téléphonant au 418 641-AGIR (2447).

«Pour dénoncer des gestes survenus à Victoriaville et reliés à d’autres personnes, il faut porter plainte à la Sûreté du Québec. Deux enquêtes distinctes sont en cours», souligne Jacques.