Bisbille autour de la construction d’un gîte touristique au lac Memphrémagog

ENVIRONNEMENT. La construction d’un gîte touristique sur les rives du lac Memphrémagog dérange deux groupes environnementaux et des voisins, même si la Ville de Magog assure que le chantier d’envergure respecte la réglementation municipale.

Le groupe Memphrémagog Inc. (MCI) et le RAPPEL s’indignent devant les travaux actuellement réalisés sur le chemin de Georgeville à Magog. Ses porte-paroles les considèrent comme un affront à l’environnement.

Le président du MCI, Robert Benoît, déplore l’ampleur du chantier, l’abattage de nombreux arbres et l’écoulement de sédiments et de phosphore dans le lac Memphrémagog. «Ce chantier est le plus mauvais exemple à ne pas faire depuis 10-15 ans pour une résidence», peste-t-il.

Ce dernier déplore de tels incidents après des décennies de protection et d’amélioration environnementale sur les rives du Memphrémagog. «Je digère très mal qu’un propriétaire de Montréal gâche autant d’efforts réalisés par les riverains et les Municipalités. C’est inacceptable surtout que ce plan d’eau abreuve 150 000 Estriens en eau potable», ajoute M. Benoît.

Un chantier d’envergure en règle

L’homme d’affaires montréalais Bernard Lemay insiste plutôt pour dire qu’il possède un souci environnemental, malgré l’ampleur du chantier de sa future maison qui abritera aussi cinq chambres d’invités (Le Clos d’Amboise).

«Nous respectons toutes les règles, dont celle sur le pourcentage d’arbres à conserver sur mes 10 acres, réplique-t-il. Nous allons même planter 150 arbres matures et notre bande riveraine est largement protégée.»

M. Lemay écarte les allégations d’un chantier sauvage. Il spécifie qu’une firme d’experts sherbrookois a élaboré les plans et surveillera attentivement l’évolution des travaux. Il promet un paysage complètement différent au terme du chantier de deux ans.

Bernard Lemay dit avoir réagi rapidement vendredi dernier lorsque la Ville de Magog lui a demandé d’ajouter des mesures supplémentaires pour stabiliser le sol.

Le directeur de la planification et du développement du territoire à la Ville de Magog, Réal Girard, confirme la vérification municipale sur le terrain, le 9 octobre dernier. Il souligne la bonne collaboration du propriétaire qui a rapidement installé un bassin de sédimentation en plus d’ajouter des tapis de pailles pour freiner la sédimentation vers le plan d’eau.

M. Girard considère ces travaux comme un chantier d’envergure, certes, mais qui respectent la réglementation environnementale et la vocation du gîte touristique. Selon lui, le chemin d’accès semble large à première vue, mais il doit avoir une certaine largeur pour permettre aux camions d’incendie de circuler en cas de feu. Aucune amende n’a été émise ni aucune infraction n’a été constatée.

Il signale qu’un écoulement de sédiment dans le lac représente une infraction, mais l’incident doit être observé visuellement par un inspecteur municipal pour émettre un constat.

Une ancienne forêt amputée

Le président du RAPPEL, Jean-Claude Thibault, comprend mal comment un propriétaire et un entrepreneur peuvent effectuer ce type de travaux en 2020.

Cette ancienne forêt a notamment été amputée pour aménager un long et large chemin d’accès, loin du «respect des règles de l’art», aux dires du dirigeant de cette coopérative spécialisée en environnement.

Selon M. Thibault, tous ces travaux accentuent l’érosion et l’écoulement de sédiments dans le lac Memphrémagog. «Ça fragilise et déstabilise le sol, s’inquiète-t-il. Il existe pourtant des techniques simples, efficaces et peu coûteuses pour réduire l’érosion et éviter ces catastrophes.»

Le président du RAPPEL spécifie que la présence de sédiments ou de matière en suspension dans le lac amène son lot de nitrate et de phosphore. «Ces nutriments accentuent la pollution du lac», s’inquiète-t-il.

Une réglementation à revoir?

La conseillère municipale de ce quartier, Diane Pelletier, comprend les préoccupations des voisins même si le propriétaire respecte toutes les conditions du permis accordé par la Ville de Magog. «On me dit que ce chantier est réglementaire en ce qui concerne notamment la quantité d’arbres coupés, mais compte tenu de l’ampleur des travaux, les normes sont peut-être mal adaptées. On devra peut-être revoir nos règlements à ce sujet», se questionne-t-elle.

L’érosion et l’écoulement des sédiments préoccupent surtout Mme Pelletier, plus particulièrement en raison de la proximité de la prise d’eau de la Ville de Sherbrooke. Elle croit que les mesures correctrices seront suffisantes, mais elle souhaite un rigoureux suivi pour vérifier régulièrement sur place.

Mme Pelletier se questionne sur l’ampleur des travaux depuis l’ouverture du chantier. Elle s’étonne de voir un chemin d’accès aussi large que le chemin de Georgeville ainsi que de la machinerie aussi importante que celle utilisée par le MTQ pour la réfection du chemin de Georgeville.

Le MCI et le RAPPEL ont déjà observé des écoulements de sédiments dans le lac Memphrémagog. Ils craignent d’autres épisodes dès les prochaines pluies.