Amputé d’un bras, puis d’une jambe, un chasseur réalise son rêve à Sainte-Catherine-de-Hatley

PORTRAIT. Il faut bien avoir été amputé d’un bras en 2011, puis d’une jambe deux ans plus tard pour dire que dans la vie, on a toujours des choix à faire. «Ou bien on reste assis ou bien on se lève et on fonce!» C’est ce que croit… et fait Réjean Ducharme, tout en disant que chaque journée est un défi.

L’automne dernier, grâce à l’équipe Chassomaniak de François Ratté et Mathieu Pouliot et à l’indéfectible soutien de son épouse Diane Comtois, M. Ducharme a pu retourner à la chasse… et récolté son chevreuil.

Par le film que présentera Chassomaniak à la salle du Canton de Warwick le jeudi 24 mars à 19 heures, on assistera, en accéléré, à ce séjour de chasse qu’a vécu à Sainte-Catherine-de-Hatley sur les terres du guide Nicolas Baillargeon.

Une équipée, une folle aventure pour cet homme de 60 ans de Saint-Norbert-d’Arthabaska, dont la vie a basculé le 10 octobre 2011 à la suite d’un accident de moto. La Nouvelle Union l’avait rencontré, lui dont le cas et le témoignage figuraient à l’ordre du jour du Colloque régional en traumatologie Mauricie-Centre-du-Québec.

Deux amputations

A l’époque, M. Ducharme avait été amputé de son bras droit, pas encore de sa jambe droite, sérieusement et douloureusement meurtrie.

C’est la douleur, de plus en plus intense au fil de ses exercices de réadaptation, qui l’a retourné vers la salle d’opération de Trois-Rivières en mai 2013.

«La chirurgie a démontré que si le tibia était guéri, le fémur ne l’était pas. Et j’avais développé des allergies aux médicaments. Le 26 mai, on m’a annoncé qu’il fallait m’amputer. J’étais tanné de souffrir.»

Trois jours plus tard, M. Ducharme a dû se confronter à un autre deuil et à une autre longue période de réadaptation. Comme son amputation est haute, tout son corps s’en est trouvé déséquilibré. Chacun de ses mouvements, il les calcule pour éviter de chuter lorsqu’il se transfère de son lit à son fauteuil, de son fauteuil à cette chaise pivotante qu’il s’est patentée pour aller à la chasse. Il l’a munie d’un dispositif en V lui permettant d’appuyer sa carabine.

Il possède une prothèse pour remplacer sa jambe. Mais il ne peut pas toujours la porter, sa peau étant devenue hypersensible avec la prise massive de calmants.

Et c’est d’ailleurs parce que sa peau est aussi sensible là où il a été amputé qu’il lui faut des éléments chauffants dans ses vêtements lorsqu’il sort à l’extérieur.

L’aventure Chassomaniak

Dans le film de Chassomaniak, on verra que juste de s’habiller n’a rien d’une sinécure pour M. Ducharme. Il ne peut d’ailleurs le faire sans le concours de son épouse.

Depuis son accident, Réjean Ducharme n’était plus retourné à la chasse lui qui s’y rendait tous les automnes. «C’était une façon de refaire le plein d’énergie. La nature, ça veut dire beaucoup pour moi.» Il s’ébahit chaque fois de penser que l’arbre tire son énergie de la terre et pousse ses branches vers le ciel.

Avec son ami Martin Therrien, M. Ducharme est allé, trois années consécutives, voir le documentaire de Chassomaniak. Cette entreprise, née en Beauce, présente annuellement un film d’aventures de chasse. Certaines de ces aventures s’offrent à une personne ayant des limitations. Au cours des dernières années, on a offert cette possibilité à un homme aveugle, à un autre à qui il manquait un bras. «J’étais le cas le plus lourd», signale M. Ducharme.

«Martin a soumis ma candidature. Et quand Chassomaniak m’a offert ce privilège, je trouvais que ça n’avait pas d’allure!», s’exclame M. Ducharme dans un grand éclat de rire.

Avant de vivre l’expérience, M. Ducharme s’est entraîné. À partir de la mi-août, une ou deux fois par semaine, il se rendait dans un champ de tir pour réapprendre à manier sa carabine et viser de son œil gauche. «Et j’ai bénéficié des conseils des anciens propriétaires de Pronature.»

De ce «privilège» qui lui a octroyé Chassomaniak, M. Ducharme en est revenu tout ragaillardi. Il se montre extrêmement reconnaissant d’avoir pu vivre une telle expérience.

Il sait à quel point ce séjour de chasse a nécessité de l’organisation. Mais elle lui a donné le goût d’aller chasser le dindon à Saint-Rémi-de-Tingwik (d’où il est originaire). «En avril, j’irai me former pour caller le dindon.»

Il sera présent, le 24 mars à Warwick, pour revoir – une quatrième fois – le film qui s’attarde entre autres à lui. Il prendra aussi la parole, improvisant, comme toujours, un message d’espoir et de reconnaissance.

Une série de deuils

Il a dû faire le deuil de tous ses rêves de tous ses projets de retraite. L’ancien inspecteur municipal de Chesterville, puis de Saint-Norbert voulait, de ses «mains en or», sculpter le bois, le métal. La vie en a voulu autrement. S’il lui manque un bras et une jambe, que même absents ces membres le font toujours souffrir, il a conservé son allant et son sens de l’humour.

On peut se procurer des billets (20 $) pour assister à la projection du film de Chassomaniak chez Pronature à Victoriaville (819 260-3737) ou auprès de Laurent Flamand (819 358-9494 ou 819 350-1958). Le film n’intéressera pas que les chasseurs, affirme M. Ducharme. «Parce que le film est aussi une leçon de vie.»