Accidents de la route: des interventions qui marquent les policiers

Les accidents mortels provoquent des dommages collatéraux considérables, tant chez les familles touchées qu’auprès des intervenants impliqués. Le lieutenant Sylvain Guay a bien voulu partager, de l’intérieur, la réalité de son métier.

Sylvain Guay en a vu des accidents depuis qu’il s’est joint à la Régie de police de Memphrémagog, il y a une trentaine d’années, dont sur la route 108 (voir autre texte). Malgré la formation et l’expérience, il soutient que des scènes impliquant des blessés graves ou des décès sont toujours très éprouvantes à vivre. Certaines histoires le marqueront pour le reste de ses jours, de son propre aveu.

«Il n’y a aucun policier qui se réveille le matin en pensant voir un cadavre, confie-t-il. C’est le genre d’image qu’on ferait tout pour s’en passer, mais ça fait partie de notre travail. Un jour, ça peut être un décès de la route, et le lendemain un suicide. Il faut être prêt à tout.»

La route 108, particulièrement, ravive de douloureux souvenirs au lieutenant Guay. Il se souvient «comme si c’était hier» d’un accident qui avait coûté la vie à deux personnes. Le policier ne s’était pas rendu sur la scène, mais c’est lui qui a eu la lourde tâche d’annoncer la nouvelle aux proches touchés. «Je m’apprêtais à partir en vacances et en voyage quand l’accident est arrivé. Ça m’a tellement ébranlé que j’ai décidé de tout annuler et ça m’a pris des jours à m’en remettre. Il n’y a aucune formation à Nicolet qui nous prépare à vivre ça», admet le principal intéressé.

S’il parle de son propre vécu, Sylvain Guay est convaincu qu’il est impossible de sortir indemne d’un tel choc. Non seulement ces drames amènent à réfléchir, selon lui, mais ils donnent un sens encore plus profond à sa profession de policier. D’ailleurs, le lieutenant estime que la police est beaucoup plus humaine qu’à ses débuts dans le métier. «Quand on annonce le décès à une famille, on s’assure qu’elle ait du soutien avant de repartir, ce qui n’était pas le cas quand j’ai commencé. On a déjà aussi fermé une rue à Magog pour permettre aux familles de venir se recueillir sur les lieux d’un accident mortel. C’est le genre de chose qu’on peut faire comme police de proximité.»

M. Guay et ses collègues savent plus que quiconque les dangers qui guettent ceux qui prennent la route. Ils savent qu’une simple erreur humaine peut avoir des conséquences dévastatrices ou qu’une banale infraction à la loi peut s’avérer irréversible. D’où le fait que certains agents, comme lui, se montrent parfois intransigeants. «J’aime mieux qu’un conducteur sacre après moi parce que je lui donne un ticket, plutôt que devoir l’escorter vers le cimetière. On ne donne pas des contraventions pour respecter des quotas, on le fait pour prévenir des drames. S’il faut que je donne 40 tickets de vitesse à la même personne pour ne pas voir son char écrasé dans un poteau deux rues plus loin, je vais le faire. Ce n’est pas cher payé pour sauver une vie», conclut-il.