TRIBUNE LIBRE: Le processus décisionnel

Nos élus forment un groupe dont la responsabilité première est d’appliquer une logique quelconque dans les prises de décisions qui correspond aux principes généraux d’efficacité, d’efficience et d’économie. Mais le mécanisme d’une telle entreprise est assujetti à une foule de facteurs, trop nombreux pour en faire la liste, mais dont l’élément fonctionnel de base est la dynamique de groupe.

La décision récente permettant l’installation d’une distillerie dans un secteur qui touche de proche le centre-ville est alarmante, pour plusieurs raisons. Il y d’abord la question d’accès à l’église désaffectée et ses dépendances, autant pour les produits qui en sortent ou y sont introduits, que pour la circulation automobile ou pédestre que pourrait générer une telle industrie. Il y aurait alors un impact négatif sur la qualité de vie des gens du quartier. Les capacités en apport d’électricité, d’aqueduc et d’égout sont les moindres des préoccupations si l’on ajoute le facteur environnemental potentiel des odeurs qui se dégageraient immanquablement d’une telle production. Le centre-ville souffre déjà d’un sérieux problème de circulation automobile suite aux rénovations et n’a nullement besoin d’un flot de senteurs nauséabondes qui s’ajouteraient à ses déboires.

La dynamique de groupe introduit sournoisement un phénomène psychosociologique que nos voisins anglophones appellent «groupthink». Le désir de réaliser un progrès banal, de contribuer à un consensus, de se plier aux pressions d’une présentation agressive, le désir de plaire et l’abandon volontaire de ses propres convictions sont des facteurs parmi d’autres qui font que les individus sombrent dans une sorte d’hypnose collective qui peut les rendre proie à un élément manipulateur.

Divers éléments de la rénovation de la rue Principale ont reçu l’approbation d’une majorité au conseil, incluant les ajouts qui entravent la circulation automobile. À moins que la situation chaotique de l’intersection Merry et Principale soit intentionnelle, il est grandement temps d’y apporter une action corrective, sinon d’être reconnu comme le conseil de ville qui a mis le dernier clou au cercueil de la rue Principale. Encore, de prendre pour acquis que la présence d’une distillerie au centre-ville n’aura pas des séquelles inappropriées est une proposition qui, sans garantie du contraire, pose un risque inacceptable.

Il est temps, pour les individus, de sortir de cette torpeur intellectuelle et de prendre des actions positives, d’une part pour corriger les effets négatifs de la rénovation et d’autre part de remettre en question le dossier de la distillerie. Des excuses, après le fait, comme on a connu dernièrement ne corrigent pas les erreurs concrètes avec lesquelles il faut vivre longtemps après qu’elles ont été coulées dans le ciment.

Jules Lalancette

Magog