Petite histoire d’une grande rue

Il y aura 200 ans en 2022 que Louis René Chaussegros de Léry, Grand Voyer pour le district de Montréal, déterminait le tracé de la rue Principale (la Main), de l’actuelle rue Merry jusque là où se trouvera le futur hôtel Central.

Au cours des années, la rue sera progressivement ouverte jusqu’à la rue Sherbrooke. Avec l’ouverture du «chemin de Waterloo» (route 1 devenue la 112), au début des années 1850, la «Old Montreal Road» (rue Merry Nord) est progressivement abandonnée et la rue Principale devient l’unique voie pour joindre le «Sherbrooke & Magog Turnpike».

Ce n’est qu’en 1878 que la «Main» sera prolongée vers l’est jusqu’à la rivière pour établir la connexion avec le chemin de Katevale, aujourd’hui Sainte-Catherine-de-Hatley (route 108). Ces événements marquent le début du développement du centre des affaires sur la rive nord de la rivière. Il s’accentuera avec l’implantation des usines de textile, en 1884.

En 1884, la municipalité du Canton de Magog achète de la Commission scolaire protestante un espace central qui deviendra le parc des Braves. En 1887, le docteur George Orlando Somers obtient l’autorisation d’y construire un kiosque où les différents ensembles musicaux donneront des concerts. En 1891, on y construit le premier hôtel de ville. Détruit par un violent incendie en avril 1901, il est  rapidement reconstruit et abritera l’hôtel de ville, la caserne des pompiers et un marché public.

Au début du XXe siècle, on assiste à l’âge d’or des rues Principale, et Magog ne fait pas exception. En 1909, le gouvernement fédéral construit un magnifique bureau de poste à l’angle des rues Principale et des Pins. En 1922, un monument est érigé à la mémoire des héros disparus au cours de le la Grande Guerre 1914-1918. Cet emplacement, officiellement inauguré sous le vocable de parc des Braves en juin 1922, est un centre d’activités commerciales, sociales, culturelles, voire même sportives.

Les banques s’installent sur la rue Principale : la Eastern Townships Bank en 1895; la Banque de Montréal en 1912; la CIBC en 1913. On y retrouve les quincailleries de E. E. Gauvin et de Cléophas Chamberland; les pharmacies des docteurs Avite Georges-Henri Béique et de John West; les hôtels Union et le Grand Central; un cinéma, le Wonderland; les épiceries de J. N. Normandin, de Henry Chamberlin et de Bénonie Goyette; le magasin de confection pour hommes de A. F. X. Desève (l’actuel Café St-Michel) et le magasin de confection pour dames de madame Avon George Dolloff (l’actuel fleuriste Foliole); les bijouteries de E.D. et A.E. Smith, de James Shedrick et de Napoléon Rivard. Les étages supérieurs de la plupart de ces commerces abritent de nombreux logements. Ajoutons les bureaux de professionnels, les restaurants et autres commerces, et nous avons là tout ce qu’il faut pour qualifier ce secteur de centre-ville animé.

Le début du XXe siècle marque aussi l’arrivée de l’automobile. Ce phénomène exige l’amélioration du réseau routier, mais aussi celle des infrastructures telles que l’aqueduc, les égouts, les trottoirs, le réseau d’électricité, etc. Les travaux pour l’installation des égouts, de l’aqueduc et le remplacement des trottoirs de bois par des trottoirs en béton sur la rue Principale en 1912 ne facilitent pas la circulation. Jusqu’en 1914, la rue Principale est faite de gravier et cette année-là, elle est macadamisée. Vers 1916, il y aurait  à Magog une vingtaine d’automobiles partageant la route avec les chevaux et les bicyclettes.  En 1919-1920, soit il y a cent ans, elle est enfin pavée en ciment. Le nombre croissant des automobiles, l’arrivée des feux de circulation et plus tard celle des parcomètres modifient aussi les habitudes des usagers.

Au cours des années, plusieurs projets de revitalisation du centre-ville ont été suggérés, mais la plupart sans succès. Depuis quelques années, les élus ont pris le taureau par les cornes, mettant de l’avant un méga projet et des travaux d’envergure, entrepris en avril 2019, qui se terminent en juin 2020. Ils donnent un air de renouveau à cette rue, maintenant vieille de deux siècles. Avec eux, une nouvelle page d’histoire se tourne.

 

Maurice Langlois

Serge Gaudreau