Les épidémies dans Bolton et les Cantons-de-l’Est étaient plus terribles il y a 150 ans (1867-1917)

On peut croire que les Cantons-de-l’Est furent à l’abri des épidémies et que la vie y était saine. Ce serait oublier d’abord la tragédie des peuples Abénakis, passés de 40 000 à 1 000 en quelques générations. En plus, les Euro-Canadiens ont aussi vécu des épidémies terribles il y a 150 ans. Ainsi, entre 1867 et 1917, les chroniques des journaux présentent les contagions dans Bolton : diphtérie, pneumonie, scarlatine, variole, choléra, consomption (tuberculose), typhoïde, rougeole, oreillons, varicelle et coqueluche. Les hameaux de ce canton apparaissent représentatifs de plusieurs autres agglomérations rurales de l’époque.

Les contagions, surtout saisonnières, sont présentes toute l’année. Des poussées épidémiques surviennent environ tous les trois ans – une fréquence inimaginable aujourd’hui. Fréquemment, tous les membres d’une famille sont tous atteints, 2 ou 3 en mourant. À l’hiver 1880, la rougeole frappe 50 personnes à Millington, soit «presque tout le monde». Quelques mois plus tard, la diphtérie afflige 30 individus de Bolton-Est et en tue sept, surtout les enfants et les vieux. Souvent, une contagion n’atteint pas les hameaux voisins, peut-être en raison des mauvais chemins et du travail agricole accaparant. Cependant, les hameaux voisins seront bientôt touchés par d’autres contagions.

Le conseil municipal intervient surtout pour protéger celles et ceux qui ne sont pas infectés: quarantaine et placardage des familles touchées, fermeture des écoles. On construira même une voie d’évitement pour contrer les «miasmes» coupables. Les maisons sont ensuite désinfectées et fumigées – souvent par un médecin.

Démunis, les médecins se limitent souvent à prescrire du repos, des purgations ou lavements, etc. Bolton Centre est choyé, car un médecin y réside pendant 15 ans. Les médecins viennent ensuite de Magog. En fait, médecins et infirmières desservent les plus fortunés (qui se font hospitaliser à Montréal). La Municipalité défraye parfois les visites des médecins aux plus pauvres, mais une majorité recourt à la médecine traditionnelle : infusions, camphre, mouches de moutarde… Ces remèdes populaires sont bientôt remplacés par des médicaments miracles, abondamment annoncés dans les journaux, contenant parfois des produits nocifs comme la créosote.

Pour les maladies infectieuses, les femmes et non les médecins sont au front. Mères, filles ou sœurs vont et viennent au chevet de parents malades, ici et ailleurs au Canada ou aux États-Unis. Des associations féminines apportent un soutien complémentaire.

Malheureusement, rédigées par les élites, ces chroniques ne disent rien des causes sociales pourtant connues : misère, insalubrité, promiscuité, eau et lait contaminés, hygiène déficiente… Aucune mention du lien entre certaines maladies et la pauvreté – sauf pour un décès, à Bolton, par tuberculose («maladie des pauvres») – et encore, cela est mentionné dans un journal américain de Newport. Paradoxalement, certaines informations médicales se retrouvent plutôt dans les nombreuses publicités, mais trop souvent biaisées. En 1909, une Commission royale, déplorant l’importance de la tuberculose en milieu rural, blâme les victimes : «les campagnards ne savent pas profiter des dons de la nature, ignorent les lois de la santé et négligent trop les applications de l’hygiène».

Tristement, les pandémies s’ajoutent aux difficultés de l’agriculture, à la mortalité infantile et maternelle élevée, aux accidents fréquents sur les fermes et en forêt. Résignés, plusieurs acceptent les malheurs résultant de la volonté divine. D’autres, découragés, décident plutôt de partir. Ainsi, pendant l’épidémie de Bolton-Est de 1881, 31 s’exilent aux États-Unis. Et la chronique annonce : «d’autres partiront bientôt».

PS: Merci aux Drs Maurice Langlois et Marie-Soleil Wagner

 

 Serge Wagner

Société d’histoire de Bolton

sergewagner@hotmail.com