La famille, c’est aussi les cousines-cousins

Bien que malmener durant les dernières années, la famille demeure encore une valeur certaine. La forme de la famille a bien changé, mais sa base demeure toujours la même: les parents et les enfants. Avant, on demandait aux parents combien ils avaient d’enfants; aujourd’hui on demande aux enfants combien ils ont de parents.

En vieillissant, on se rend compte que la famille devient de plus en plus importante et elle prend de plus en plus de place dans nos vies. Ma mère, décédée, était une Morrissette et sa famille en était une de «tricotée serrée»

L’anthropologue Claude Levi-Strauus décrit la famille comme étant «une communauté d’individus, réunis par les liens de parenté existant dans toutes sociétés humaines».

Dans les années 1950-1960, la femme ne portait pas le pantalon, elle était toujours en robe. Elle devait porter le chapeau lorsqu’elle entrait dans une église. Elle n’avait pas le droit d’entrer dans un Monastère. Il lui était défendu d’entrer dans une taverne. Très peu de femmes conduisaient une automobile. Très peu d’entre elles faisaient de hautes études. Quand les hommes parlaient de politique, la femme devait se taire. Si elle jouissait, on ne devait pas l’entendre et surtout ni le dire. Je me suis laissé dire que «la chose» comme on l’appelait, se faisait le dimanche après-midi, habillé ou mi-habillé, sous les couvertes et en silence surtout s’il pleuvait puisque les enfants ne pouvaient pas jouer dehors. Ça a changé pas à peu près.

Il y avait cependant un endroit où la femme était présente, où elle contrôlait son environnement et c’était à la maison. Elle était la Reine du Foyer. Personnellement, je n’ai jamais aimé ce qualificatif de la femme. Elle était une maman, elle était la chef de la famille pendant que l’homme jouait son rôle de pourvoyeur et de tribunal d’appel quand la mère perdait son autorité sur la discipline des enfants.

«Depuis les années 1970, d’importants changements sociaux, économiques et démographiques ont fait éclater le modèle de la famille traditionnelle. On a redéfini le rôle de la femme.» Voilà ce qui fait la différence, la femme. Finies les tablées de 12 enfants.

Puis doucement, la femme s’est mise à sortir de la maison, à faire de hautes études. En 1973, en Droit à l’Université de Sherbrooke nous étions 84 finissants et il y n’avait que 8 femmes. Certains disaient: «tiens les filles viennent se chercher un mari avocat». Les années nous ont prouvé qu’elles avaient toutes fait de très belles carrières. On ne se doutait pas qu’un jour non éloigné, 75% des étudiants finissants en Droit seraient des femmes. Regarder simplement la télévision, les femmes sont partout.

Je reviens à la famille Morrissette. Un comité a été mis sur place pour organiser une fête de famille en août. Plus de 200 personnes sont attendues. Ce comité est composé de 6 cousines et 3 cousins. La semaine dernière, nous avions un meeting chez Anne qui nous a merveilleusement bien reçus à souper. Mes deux cousins, étant absents, je me suis retrouvé seul avec six cousines.

Mon amie Lynn me disait cette semaine: «Laurent tu pourras rien décider». Cette réflexion m’a fait réfléchir. Mathématiquement, Lynn avait raison, mais moi je n’ai jamais pensé que je serais inutile dans ce comité étant en minorité, contrairement aux femmes des années 60-70 qui ne participaient pas à la vie sociale ou communautaire, sauf exception bien entendu. Il y avait bien les filles d’Isabelle, le pendant des Chevaliers de Colomb pour les hommes.

Cette rencontre avec six de mes cousines sera gravée dans ma mémoire pour toujours. Nous avons ri, nous nous sommes émus; ensemble on a parlé de nos souvenirs ; chacun de nous a appris des choses sur la famille qu’il ne savait pas. Ce soir-là, nous étions tous des descendants de la famille de Maman. «Tricoté serré». Nous ressentons de plus en plus le besoin de consacrer du temps aux gens qui nous entourent, famille comprise.

Johanne B. m’écrivait qu’«on vient d’une famille tricotée serrée et lors de nos rencontres il y a toujours un nouveau rang à tricoter».

Johanne M. écrivait que «nos parents auraient certainement aimé être avec nous. C’est d’ailleurs d’eux qu’on a appris ça!».

Denise disait que «nous ne devrions pas nécessairement attendre une occasion spéciale pour se rencontrer comme nous l’avons fait vendredi passé. C’était bon de se raconter toutes sortes d’anecdotes et d’en rire.»

Anne m’écrivait que «le bonheur de recevoir des gens que je connais, avoir été accepté tel que je suis sans préjugé, une forme sérénité à ce moment-là. J’ai ressenti de l’affection, de la joie, de la satisfaction d’avoir bien réussi ma soirée. Cet état de bien-être me poursuit encore, mon cœur est en paix quand j’y pense». Cela Anne, c’est du bonheur pur.

Diane m’envoyait une note dans laquelle elle écrivait «avoir passé une très belle soirée et que c’était super et que ça lui manquait des rencontres comme ça entre cousins-cousines».

Carmen m’a déclaré que ces rencontres entre cousines et cousins, c’était dans la continuité des dimanches où ses parents nous recevaient tous à leur chalet du petit Lac Magog.

Des familles comme ça au Québec, il y en a des milliers et des milliers. Ce qu’il faut c’est se le rappeler, se le dire, se rencontrer et surtout en parler à nos enfants. Nos enfants ne connaissent pas notre passé, et pourtant ils sont le résultat de ce que nous sommes.

Je termine sur cette note quelque peu humoristique. Vous ne savez peut-être pas, mais le mariage entre cousines et cousins est permis par la Loi et par l’Église. Personnellement, moi, il y a longtemps que je savais cela.

 

Me Laurent Pelletier, avocat à la retraite

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