Des sites archéologiques existent au Parc national du Mont-Orford

Le Parc national du Mont Orford, bien connu des amateurs de plein air, recèle de mystérieux sites archéologiques.

En mai 2009, une collaboratrice de recherche du Canton d’Orford, Sylvie Delorme, m’a conduit à un site archéologique très révélateur. Cette découverte s’ajoute à de nombreuses recherches et observations desquelles j’ai documenté la présence de cairns (monticules de pierres) un peu partout dans les Cantons-de-l’Est, certains datés 1500 et 1800 ans avant aujourd’hui. Néanmoins, nombreux sont ceux qui prétendent encore que ces monticules de pierres ne sont rien d’autre que des amas de pierres sans importance, laissés par les premiers colons.

Aux limites du Parc national du Mont-Orford, près du chemin de Concession, nous nous engageons sur un petit sentier en pente douce qui nous amène à un plateau en forêt où furent érigés les amas de pierres que j’anticipais. À première vue, je réalise qu’ils ne sont pas des tas d’épierrage de champs, mais qu’ils ont été soigneusement aménagés et que l’on appelle des cairns. J’en ai dénombré quatre qui sont tous de forme circulaire et dont les diamètres varient de 3,6 m à 5,2 m de diamètre. On les retrouve dans un rayon d’environ 40 m.

Après les photographies d’usage, je crée un dossier d’observations sur la disposition des pierres et nous mesurons les diamètres des cairns et les distances entre chacun. Puis, avec une boussole de précision, on procède à relever les orientations linéaires des uns par rapport aux autres. Ces dernières mesures serviront à développer un plan d’arpentage du site.

L’arrangement et la grosseur des pierres varient d’un cairn à l’autre, mais on y reconnaît généralement qu’on les a montés en forme de dôme. Dans plusieurs cas on a choisi de très grosses pierres qui peuvent faire au-delà de cent kilos chacune. De plus, il est évident que les pierres utilisées ne sont pas toutes de type roulé, mais que bon nombre furent extraites d’une carrière. On a donc investi beaucoup d’effort pour se procurer les blocs nécessaires à l’érection de ces monuments qui devaient avoir une grande importance pour ces constructeurs.

Un site d’observation du soleil

Ce lieu n’en n’était pas un de sépultures, mais plutôt un site d’observation du soleil à certaines dates importantes de l’année. En effet, à partir du plan d’arpentage, j’ai découvert que ces cairns sont positionnés dans les axes des levers du soleil aux dates charnières des 21 juin et 21 décembre (solstices d’été et d’hiver) ainsi que les 21 mars et 21 septembre (équinoxes du printemps et de l’automne).

Autre trouvaille intéressante, fut celle d’un petit cercle de pierre au ras du sol, mesurant 70-90 cm de diamètre. Nous avons découvert qu’il fut aligné avec deux autres cairns sur le lever du soleil de l’équinoxe. Ces structures permettaient de suivre l’évolution des saisons au cours de l’année.

Un culte du soleil

On a donc ici l’évidence que les constructeurs de pierres ont aménagé ce site pour leur permettre d’observer, à partir de repères permanents, les levers du soleil à quatre dates précises de l’année, soit les deux équinoxes et les deux solstices. On a ici les éléments essentiels d’un cadran solaire permanent qui servait de calendrier pour marquer non seulement les fêtes que l’on retrouve dans toutes les anciennes civilisations, mais aussi les dates pour les semences et les récoltes. C’est la marque d’une culture héliolithique (helios soleil et lithique pierre), c’est-à-dire des gens qui suivaient la course annuelle du soleil sur l’horizon avec l’aide de repères de pierres, une coutume bien connue dans l’Europe préhistorique.

Certains pourraient avancer que ces alignements ne sont que des coïncidences, mais le calcul des probabilités prouve le contraire. En effet, selon une formule développée par un astronome des États-Unis qui étudie les anciens sites d’alignement stratégiques du soleil, la probabilité que les alignements précités soient dus au hasard est de l’ordre de 1 sur 216 000. Je peux donc affirmer avec une confortable assurance que les alignements découverts furent créés intentionnellement. En plus des cairns décrits ci-haut, Sylvie Delorme a observé de nombreux autres cairns assez rapprochés, au moins 40 ou 50, situés plus au nord du sentier qui nous a conduits au site précité.

Qui a aménagé ce site et quand ? À ce stade de la recherche, je ne peux pas répondre à ces questions, mais j’avance que le Parc national du Mont- Orford recèle les marques de civilisations très anciennes et très avancées. Toutefois, les pétroglyphes découverts sur une grosse pierre précédant le site dans la montagne par Sylvie Delorme, et étudiés par Michel-Gérald Boutet, spécialiste en épigraphie, se sont avérés avoir été gravés en ogham, une ancienne écriture celtique.

Sans entrer dans tous les détails, M. Boutet, épigraphiste de carrière, arrive à l’interprétation suivante : pierre de repère marquant les passages de la lune sur l’horizon.

Ces pionniers ne s’occupaient pas seulement à observer le soleil et à écrire sur la pierre ! Ils avaient des maisons et autres bâtiments. Incidemment, lors de nos recherches, nous avons observé les fondations en maçonnerie de pierres d’un ancien bâtiment près de l’entrée du sentier qui conduit au site décrit plus haut. Il faut aussi réaliser que ces vestiges nous laissent entrevoir une hiérarchie sociale chez les auteurs de ces constructions. Il y avait une autorité qui planifiait les alignements astronomiques, les travailleurs qui fournissaient les pierres de carrière; il fallait aussi nourrir ces gens, ce qui demandait la contribution de cultivateurs. Une importante population vivait donc dans la région. Que sont devenus tous ces gens ? Mystère…

Des vestiges semblables se retrouvent dans bien d’autres endroits des Cantons-de-l’Est et qui demeurent ignorés et trop souvent détruits, sous le prétexte qu’ils ne sont que des amas d’épierrage de champs. À ma connaissance, la recherche en archéoastronomie (l’incidence astronomique de sites archéologiques) au Québec est à peu près inexistante, mais pourrait s’avérer des plus significatives pour comprendre l’intellect et la spiritualité de cultures anciennes qui nous ont précédés des milliers d’années auparavant.

Je remercie Sylvie Delorme et Madeleine Soucy pour leur assistance à la recherche sur le terrain et à la révision du texte, ainsi que Monsieur Boutet pour son intéressante contribution à l’interprétation des pétroglyphes.

 

 

Par Gérard Leduc avec Sylvie Delorme