Le Mont-Orford rallie les opinions

HISTOIRE. Cinq années ont été nécessaires au réalisateur Kanatakhatsus Meunier pour achever son film à propos de tout ce qui touche de près ou de loin le Mont-Orford. De fil en aiguille, ce projet est même parvenu à unir deux forces farouchement antagonistes.

Le réalisateur Kanatakhatsus Meunier a consacré ces cinq dernières années à admirer, à ausculter, à filmer, à analyser et à cartographier le lac Memphrémagog et le Mont-Orford. Il n’était donc pas peu fier de présenter le 10 juin dernier au Cinéma Magog devant une salle comble son documentaire de 60 minutes intitulé «Le vieil indien». «Quand tu passes presque autant de temps à chercher du financement qu’à t’occuper de l’aspect création du projet, il se peut que ça prenne du temps», souligne au passage M. Meunier.

Le cruel manque de fonds et la longue quête pour en dénicher sont les raisons majeures de ce long délai. Lors de ces cinq années, seules les municipalités de Magog et d’Orford ont accueilli favorablement le projet de M. Meunier et accepté d’investir un certain montant dans ce documentaire. «Ce projet me tenait à cœur, car je considère que le Parc national du Mont-Orford est un bijou régional», a indiqué la mairesse Vicki May Hamm.

M. Meunier a ensuite obtenu une nouvelle source de financement, plus qu’improbable cette fois. «Fort heureusement, il existe cette race d’hommes et de femmes qui investissent dans des projets artistiques parce qu’ils aiment l’art, comme André L’Espérance, homme d’affaires de Magog. Celui-là même qui désirait construire des condos au pied du Mont-Orford. M. L’Espérance m’a permis d’apporter la touche finale à ce film, et j’en ai des frissons juste à y penser. En y contribuant financièrement, malgré nos vues divergentes, cet homme s’élève au-dessus de la politique pour permettre l’archivage de la mémoire collective de l’Estrie», mentionne M. Meunier.

Quant à M. L’Espérance, qui n’était pas présent lors de cette soirée, il a tout de même laissé un message que M. Meunier a lu devant la salle. «Lorsque j’ai rencontré pour la première fois Kanatakhatsus, les chances que j’accepte de lui apporter mon assistance financière pour son projet étaient presque inexistantes. Finalement, son charisme, mais principalement son amour pour cette magnifique montagne qu’est le Mont-Orford ne laissait aucun doute sur sa sincérité et ont eu raison de moi.»

L’ancien maire du canton d’Orford, Pierre Rodier, lui-même opposé au projet de condos, a bouclé la boucle sur cette partie d’histoire du Mont-Orford. «Il n’y a aucune somme d’argent ni aucune gloire qui devraient surpasser notre nécessité de protéger ce bien fondamental qu’est notre environnement.»

Pour sa part, le documentaire met en scène des peintures d’artistes charmés par la montagne, des images d’époque du Mont-Orford, ainsi que des témoignages de personnes l’ayant côtoyé de près. Le tout est adroitement parsemé de vers récités par Clémence Desrochers, la fille du poète Alfred Desrochers, auteur du recueil «À l’ombre de l’Orford» paru en 1930. Durant une heure, le spectateur fait un retour dans le temps avec l’aide de témoignages entre autres de Harvey Catchpaw, exproprié dans les années 1930 pour la création du parc de récréation et de conservation du Mont-Orford. L’histoire de cette montagne est racontée par le professeur émérite de l’Université de Sherbrooke, Jean-Pierre Kesteman, sans qui ce film n’aurait pu apparaître sous cette forme.

Ce documentaire riche en matériel visuel et en connaissances pourra être visionné à la télévision dès l’automne prochain.