Apprendre à lire et écrire à 40 ans

ANALPHABÉTISME. Sans lire, ni écrire, Martin Lavallée a su surmonter les obstacles de la vie qui se sont dressés sur son chemin. Plutôt que de baisser les bras, ce père de deux enfants a persévéré et persévère encore aujourd’hui, alors qu’il réapprend ce qu’il n’a jamais réussi à acquérir au fil du temps.

Âgé de 40 ans, Martin Lavallé a connu un parcours atypique, parfois même très difficile. Avouant lui-même ne pas avoir été toujours un ange, il s’est retrouvé rapidement à l’écart du reste de la société.

Dès la première année du primaire, la maladie l’a tenu loin des bancs d’école durant plusieurs mois. Une absence à un moment critique de son éducation qu’il n’a jamais rattrapé, dit-il. Confiné dans des classes spéciales en raison de ses difficultés, il a finalement tout laissé tomber à ses premiers jours à l’école secondaire de La Ruche.

«Je me suis senti rejeté, car j’étais tout le temps en retard sur les autres, même ceux en difficulté. Beaucoup de gens se sont aussi moqué de moi, de ma situation. Je me suis beaucoup renfermé et j’ai appris à me débrouiller tout seul. Je ne voulais rien savoir de l’aide des autres», raconte-t-il.

Apprendre à vivre avec un handicap

La rencontre de celle avec qui il partage son quotidien s’est avérée un moment déclencheur pour tourner la page sur le passé et entamer un nouveau départ. Sans elle, M. Lavallée assure qu’il ne serait pas où il en est en ce moment, alors qu’il travaille comme opérateur de presse à l’usine BRP de Valcourt et pompier volontaire à Eastman.

«Les gens me disent que c’est impossible que j’aie passé mes cours de pompier, sans être capable de lire et écrire. C’est vraiment grâce à ma conjointe, car elle lisait et enregistrait chaque page de mes livres de formation et après, je les apprenais en écoutant. C’est comme ça que j’ai réussi.»

Même s’il a appris à se débrouiller avec son handicap, Martin Lavallée se retrouvait constamment limité dans ses mouvements. Par exemple, lorsqu’il recevait un appel d’urgence sur sa pagette, il appelait automatiquement son supérieur pour «entendre» les détails de l’intervention. Incapable de lire le nom des rues sur les panneaux, il se fiait à des repères visuels pour se rendre à bon port. Chez BRP, la machine qu’il manœuvre est facilement identifiable, puisque celle-ci est «décorée» de dessins traduisant les commandes de l’ordinateur.

«Un jour, mon capitaine chez les pompiers m’a mis au défi d’apprendre à lire et à écrire. J’ai accepté et j’ai contacté le Train des mots. Ça fait maintenant deux ans que je prends des cours, une fois par semaine. C’est beaucoup de travail, mais j’ai la chance d’avoir rencontré Monique avec qui je m’entends très bien.»

Un travail d’équipe

Chez l’organisme, Monique David joue le rôle de guide puisqu’elle accompagne les «voyageurs» en quête d’alphabétisation. Ayant travaillé en milieu défavorisé à Montréal durant 29 ans, elle soutient maintenant Martin à un moment crucial de sa vie. Elle se dit elle-même inspirée par le courage et la détermination de son élève. «Martin a une belle simplicité et une grande humilité. Au lieu de cacher son problème, il en parle ouvertement, même à ses enfants. Par sa façon d’agir, il devient en soi un modèle pour eux puisqu’il sait reconnaître ses limites. En plus, Martin est animé par une volonté d’avancer. Il fait énormément de progrès et c’est tout à son honneur», confie Mme David.

Aussi longtemps que sa professeure sera capable de l’endurer, Martin lance à la blague qu’il compte bien continuer à étudier encore bien des années. Une chose est certaine, quel que soit le dénouement de cette aventure, son histoire s’avère être déjà une inspiration en soi.