TRIBUNE LIBRE: Les belles dames du marché aux puces de Potton

L’Église de St-Cajetan à Potton brûle en 1950. Comme le diocèse ne peut la reconstruire faute d’argent, les citoyens la reconstruisent de leurs propres mains.

Dans le sous-sol, on installe le Centre de loisirs des retraités. Un jour, un homme meurt dans la maison face à l’église. On récupère ses meubles et on utilise le sous-sol pour les vendre. Le marché aux puces est né. 75 ans plus tard, il est toujours là.

Christine Caron le connaît bien : elle y est bénévole depuis plus de 30 ans. Petite femme de 85 ans, vive et rieuse, c’est la plus ancienne du groupe. Le mardi, elle défait les boîtes trouvées devant la porte. «Je m’occupe des vêtements. Froissés, je les mets dans la sécheuse. Tachés, je peux les laver. Après on classe : les pas-de-manches, les manches courtes, les manches longues. Bien placés, c’est notre récompense.»

On y trouve des milliers d’objets. Souliers, patins, vêtements, livres, outils, meubles, beau service de vaisselle anglaise.

Christine n’est pas seule dans ce haut lieu de la récupération. Il y a aussi Micheline Mc Duff, Francine Hamelin, Gisèle Vachon, Tamara Denault, bénévoles comme elles. Et la petite nouvelle, Viviane, qui s’est bien intégrée même si elle n’est pas de la place. «On se raconte des histoires en lavant de la vaisselle. Mon Dieu qu’on rit! On redevient comme des petites filles.»

Les revenus retournent à l’église, au CAB (Centre d’action bénévole), à la Maison soleil (pour handicapés), à l’école.

«L’école nous a envoyé une belle carte de remerciement. Ça fait chaud au cœur.»

Elle cite avec émotion ce veuf avec trois enfants dont la maison a brûlé. «Il a tout perdu, même plus de chaises pour s’asseoir». Il a pu se rééquiper au complet au marché.

À la fin de la saison, les meubles et la vaisselle partent à la Ressourcerie. On garde le plus précieux pour l’année suivante : des objets de famille transmis de génération en génération. La petite salle du fond sert de remisage.  «Les deux dernières fins de semaine, c’est la vente à 50 %. On vend plus que jamais, près de 500 personnes un samedi ».

En octobre, le marché redevient Centre de loisirs ou salle communautaire. On y accueille les aînés pour jouer au galet comme à ses débuts, au dard, aux cartes. On y sert des cafés, des biscuits. C’est un rempart contre l’isolement durant la période difficile de l’année. On y offre chaleur humaine et solidarité en attendant les beaux jours.

Mais Christine est inquiète : la municipalité pense acheter l’église.

Ce qui lui ferait de la peine, c’est que l’espace soit transformé en bureaux.

«Après tout le travail qu’on a fait, tout est beau, comme fleuri… »

Ce marché aux puces, qui accueillent des milliers de visiteurs chaque année, offre une nouvelle vie à des objets qui la poursuivent dans d’autres demeures.  Il fait partie de l’histoire de Potton. Il n’existerait pas sans ces belles dames qui depuis si longtemps y investissent  cœur et énergie. Le marché aux puces, c’est aussi leur vie.

Manon Barbeau

Cinéaste

Canton de Potton