Un journaliste dans le sillon des grands

TÉMOIGNAGE. Lorsque les dirigeants d’Endurance Aventure m’ont invité à prendre part au Gravel Bikepacking Challenge (GBC 500), j’ai ressenti une sorte de malaise s’apparentant au syndrome de l’imposteur. 

Je me voyais très mal me retrouver sur la même grille de départ qu’une double Olympienne (Lyne Bessette), un recordman du monde (Mark Beaumont) ou encore tous ces athlètes de longue distance (Christian Vachon, Roger Girard et cie) dont je rapporte les exploits depuis plus d’une trentaine d’années.

Roger Girard et Francine Marcoux, deux vétérans de la scène sportive magogoise, avaient opté pour le parcours de 500 km en duo (Photo Le Reflet du Lac – Patrick Trudeau)

Mais j’avais oublié à quel point les événements organisés par Endurance Aventure sont à la fois structurés et inclusifs (un mot en vogue ces temps-ci).

Inclusifs dans le sens où l’on accorde autant d’importance aux débutants qu’aux athlètes d’élite, où les derniers arrivés seront accueillis aussi chaudement que les premiers.

Avec l’ajout d’une version « écourtée » de 250 km cette année, plusieurs ont décidé de se lancer dans l’aventure, y compris l’auteur de ces lignes.

Daniel Poirier, que je considère comme un ami et un gourou des sports hors-norme, a toujours eu tendance à surestimer mes aptitudes athlétiques. Mais il a tout de même réussi à me faire croire que j’étais suffisamment outillé pour compléter un parcours de 250 km en vélo de gravier en moins de deux jours, même si ma plus longue sortie de la présente année totalisait seulement 73 km. Et il avait raison.

Il avait aussi raison sur toute la ligne lorsqu’il m’a avisé que ce serait difficile, mais que je m’amuserais et que je devais absolument prendre mon temps. Quitte à faire des pauses plus régulières et à descendre du vélo plus souvent à l’approche des pentes.

Bon, il ne m’avait pas prévenu que je souffrirais de crampes entre les 50e et 90e kilomètres, que je subirais une crevaison à 40 km de l’arrivée (quel timing pour un premier « flat » en quatre ans) et qu’il faut y aller modérément avec toutes les collations offertes aux points de ravitaillement, au besoin en garder quelques-unes « pour la route ».

Mais pour le reste, il avait vu juste : les petites routes de campagne cachent parfois les plus beaux paysages, la plupart des participants sont là pour s’amuser (et peuvent vous aider en tout temps) et le sentiment de réussite en franchissant la ligne d’arrivée vient faire oublier rapidement les moments plus difficiles des heures précédentes.

Des chiffres et des souvenirs

Pour ceux que les chiffres intéressent, précisons que j’ai atteint la ligne d’arrivée vers 20 h 30 dimanche soir, après avoir parcouru 271 km en un peu moins de 36 heures (incluant l’arrêt pour la nuit, les pauses, les bris mécaniques, une chute et une quinzaine de kilomètres supplémentaires en raison d’erreurs de parcours).

Mais dans une aventure comme celle-là, chaque histoire est différente et les statistiques importent peu. Ce qui compte, ce sont les apprentissages, les limites qu’on repousse et les souvenirs qu’on emmagasine dans sa tête.

Je vais d’ailleurs me rappeler très longtemps de ces enfants et cette dame qui sont sortis de leur résidence sur le chemin Patch (Austin) pour nous applaudir et nous féliciter, comme si nous étions des coureurs du Tour de France.

Je vais également me souvenir de cette marcheuse croisée au début du chemin de Sugar Loaf Pond (Bolton-Est) et qui m’a offert quelques mots d’encouragement en constatant mon désarroi et ma baisse d’énergie au début d’une montée de 2 km. « C’est quand même une bonne côte, lui ai-je avoué, en essayant d’avoir l’air le plus relax possible. Est-ce que ça va finir par redescendre? »

« Oui, bien sûr… si tu vires de bord », m’a-t-elle répondu sur un ton humoristique.

J’en ris encore!

Mais heureusement, je ne l’ai pas écoutée.

Photo gracieuseté de Linda Chouinard