À l’automne 1946 et 1947 : Magog a connu sa «grande noirceur»

Les pertes de pouvoir énergétique causées par les sécheresses de 1903 et 1908 ont donné bien des maux de tête aux Magogois. La ville est alors dans le noir et les usines de textile sont réduites au silence, en attendant que les pluies viennent redonner des forces à la rivière Magog.

Lorsque cette situation se répète en 1946 et 1947, la communauté est de nouveau forcée de fonctionner au ralenti. Cependant, tous s’entendent cette fois pour dire qu’il est indispensable de remédier dans les plus brefs délais à ce problème irritant.

Après un été 1946 particulièrement avare en précipitations, le maire Marston E. Adams se voit dans l’obligation d’imposer des restrictions à ses concitoyens. Le 2 octobre, une liste de mesures est publiée dans La Tribune. Celles-ci touchent notamment l’éclairage des rues et des vitrines de magasins ainsi que la consommation domestique. Tous ne se plient pas immédiatement à la demande du conseil.

Sensibilisée par la fermeture temporaire de l’imprimerie de la Dominion Textile, qui laisse 1 000 travailleurs sur le carreau, la population finit néanmoins par se rallier à la décision des élus. Il y a bien quelques interventions policières rendues nécessaires par l’obstination de quelques-uns. Mais dans l’ensemble, les Magogois sont conscients de l’urgence de la situation.

Prenant leur mal en patience, ceux-ci espèrent que la pluie et les achats d’électricité faits à la Southern Canada Power parviendront à redonner vie à leurs foyers, aux rues de la ville et aux boutiques de la rue Principale. Leur obéissance est récompensée autour du 31 octobre, alors que le maire Adams annonce la levée des mesures les plus restrictives.

Désireux de ne plus voir une pénurie de ce genre entacher la réputation de leur ville, les conseillers acceptent de consacrer une somme de 50 000 $ à la réfection du  barrage de la ville – que l’on surnommera « la Grande Dame » – dont la construction remonte à 1911.

Des retards dans les travaux et un mois d’octobre où il ne tombe qu’un peu plus d’un pouce de pluie – la moyenne est de 3,25 pouces (environ 8 cm)! – ont cependant tôt fait de replonger Magog dans le noir en 1947. L’impuissance des ressources disponibles à combler les kilowattheures nécessaires au bon fonctionnement de la ville pousse le conseil à recourir de nouveau à des mesures coercitives. Le résultat est immédiat. Le 17 octobre, le journaliste de La Tribune écrit que l’obscurité qui règne à Magog « n’a pas été sans donner un air de mort à la ville ».

Pressés d’agir, les élus doivent subir les doléances des citoyens qui s’inquiètent. La vétusté du système, le manque de prévoyance de l’administration municipale, l’entente de 1911 entre la Ville et la Dominion Textile sur la gestion de l’énergie, la décision de cette dernière d’effectuer des réparations sur son barrage en plein mois d’octobre : tout le monde écope dans cette impitoyable chasse aux coupables.

Déjà échaudés par les restrictions en vigueur, certains contribuables se laissent même intéresser par la possibilité de céder le réseau à l’entreprise privée. Il n’en sera rien. Il n’en reste pas moins que les Magogois doivent attendre près de six semaines avant que le niveau des eaux ne permette au barrage de satisfaire entièrement leur demande en énergie.

L’épisode laissera des cicatrices. Heureusement, une fois l’automne 1947 passé, les autorités municipales réussiront à corriger la situation. Grâce à des investissements massifs, le réseau électrique de la ville atteindra même un potentiel sans précédent, procurant aux élus une source de revenus abondante et durable. Enfin, aussi durable que l’eau qui coule dans nos rivières!

 

Par Serge Gaudreau