TRIBUNE LIBRE: Vivons-nous dans un monde de licornes?

Je m’attends à voir revenir aussi les arcs-en-ciel, « ça va bien aller » et « la lumière au bout du tunnel ». 

Alors que le gouvernement des États-Unis veut nous imposer des frais de 25% sur nos exportations, on entend et on peut lire partout qu’il faut favoriser l’achat local. 

L’agriculture de proximité, ça fait dix ans qu’avec mon épouse, on en fait. Nous sommes maraîchers, avons des poules pondeuses, élevons des poulets et avons des ruches, tous nos produits sont vendus directement aux consommateurs dans le kiosque à la ferme.

Aujourd’hui, je suis en colère face à cette vague d’hypocrisie et d’opportunisme.

Les politiciens veulent renflouer leur capital sympathie sur notre dos, à grands coups de, achetons local, encourageons nos producteurs. 

On l’a vu lors de la pandémie, quand les frontières étaient fermées, beaucoup ont eu peur de manquer de nourriture. C’était l’âge d’or des kiosques à la ferme, certains y ont cru, se sont développés en grand, pour retomber plus bas quand tout est revenu à la « normale » . La nature humaine est ainsi faite que rares sont ceux qui aiment le changement, aussitôt les frontières ouvertes et le spectre de la pandémie éloigné, tout le monde a repris sa vie d’avant. 

Je ne blâme personne, par contre on nous avait promis de favoriser l’autonomie alimentaire, l’achat local… Bon nombre de fermes ont dû arrêter leur activité faute de clientèle ou se chercher un travail à l’extérieur pour continuer. Nous étions tous révoltés quand le gouvernement a annoncé une aide de 32 millions de dollars pour une ferme qui produit des fraises sous serre. Cette même ferme est en vente pour des problèmes de rentabilité. Combien de petites exploitations agricoles auraient pu être aidées avec cette somme? Quand le ministère de l’Agriculture donne plusieurs centaines de milliers de dollars à un abattoir qui ferme après à peine un an d’activité, un scandale!

Après la pandémie, on s’est dit, c’est le moment de demander plus d’aide, on a fait des demandes qui sont restées lettres mortes.

Alors oui, j’aimerais bien y croire à cette future vague d’amour pour l’achat local. Le consommateur oublie souvent que c’est lui qui a le pouvoir. Si on a des fraises, des tomates et autres légumes à l’année longue, c’est qu’il y a une demande .

Alors oui, on va vous accueillir avec plaisir dans nos fermes avec des produits sains et de qualité.

L’achat local et l’autonomie alimentaire on y croit, mais notre passion et résilience ne suffisent plus, on ne veut plus survivre on veut vivre de notre métier et on est fier de ce que nous produisons.

Merci.

 

Claude Erb

Producteur maraîcher de Magog et représentant des fermes de proximité de l’Estrie de l’Estrie